Albert Asseraf, JCDecaux : "Avoir raison trop tôt, c’est avoir tort"

Olivier Robillart
Publié le 04 novembre 2014 à 14h39
Big data, Internet des objets, robotique... Afin de comprendre comment les sociétés utilisent et s'approprient l'innovation, la rédaction interroge les professionnels de la prospective. Albert Asseraf, directeur général Stratégie de JCDecaux France a bien voulu répondre à nos questions.

  • Comment vous informez-vous pour dénicher les innovations ?

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J'ai deux sources principales. Nous disposons à la direction d'une cellule de veille chargée de la prospective. Elle édite une lettre qui me permet de bénéficier d'une vision large de ce qui se fait. Je consulte également une revue de presse quotidienne qui se charge de souligner les sujets importants, les grands mouvements de différents secteurs. Ce sont donc ces deux veilles, interne et externe, qui me permettent de me tenir informé.

Je ne suis pas de personnes en particulier ou des leaders d'opinion, mais le plus important n'est finalement pas ce que dit une personne mais de comprendre les messages essentiels, les grandes tendances, de faire une synthèse finalement.

  • Quels domaines sortent particulièrement du lot en matière d'idées nouvelles ?

L'univers des médias et de la communication sont en mouvement de manière permanente. Plus rien n'est désormais figé dans l'univers des médias car il apporte chaque jour un axe et une idée différents. Ce mouvement modifie constamment le rôle d'une marque ou d'un média.

  • Parmi vos lectures, lesquelles vous ont inspiré ?

Une œuvre qui m'a toujours fasciné est celle de Romain Gary/Emile Ajar, « La promesse de l'Aube ». Elle nous montre en quoi la détermination, la volonté, l'envie, l'implication peut être source de succès. L'attitude qui consiste à attendre que les choses arrivent par elles-mêmes ne me sied pas.

Les ouvrages sociologiques ou les cahiers de tendance sont également des sources d'inspiration importantes car elles permettent d'observer la direction que prennent certains secteurs pour les prochaines années.


"Avoir raison trop tôt, c'est avoir tort"




  • Avez-vous une icône en matière de numérique, une personne que vous prenez en exemple ?

L'innovation doit se faire de manière participative. Chez JCDecaux, les directeurs généraux se réunissent et contribuent au débat sur l'innovation. Un comité se réunit mensuellement et décide si une innovation mérite ou non d'être creusée. Au-delà de ce fonctionnement, interviennent des ingénieurs, des designers qui participent à la réflexion, mais elle n'est pas l'apanage d'un individu seul car l'intelligence collective s'avère plus puissante.

  • Quels sont les éléments qui permettent à un concept de connaître le succès ?

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Avoir raison trop tôt, c'est avoir tort. Le timing est essentiel. Il est même crucial de pouvoir proposer la bonne offre au bon moment. Délivrer un service alors que le marché ou les consommateurs ne sont pas encore prêts n'est pas une qualité, c'est donc un échec. C'est finalement uniquement lorsqu'un usage est déterminé qu'un produit rencontre son public. Cela n'importe rien de dire « j'ai eu raison trop tôt ».

Je pense à la 3D par exemple, je trouve qu'il est encore trop tôt pour savoir si cette technologie est utile. Pour les écrans TV ou mobiles, il faut se demander si elle est à la hauteur des attentes en matière de compréhension ou d'ergonomie. J'ai pourtant vu des services et équipements innovants en 3D il y a déjà de cela au moins 5 ans.

Il faut donc agir au bon moment. Prenons l'exemple des écrans digitaux dans les lieux publics, nous aurions pu en installer depuis très longtemps déjà, mais il a fallu des améliorations en termes de qualité, de définition, de visibilité en pleine lumière et surtout de modèle économique pour que cela intéresse le public. Désormais, l'ensemble des conditions sont réunies.

  • Quelle technologie récente vous a dernièrement bluffé ?

Les objets connectés représentent un terrain de réflexion très intéressant car ils vont dialoguer avec des terminaux, mais aussi avec des individus. Lorsque je vois Google travailler dans le domaine de la santé, je me dis qu'il y a quelque chose d'important. Les frontières entre les entreprises et leur activité vont tomber car les inventions sont désormais d'une rapidité inédite.


"Nous verrons apparaître des capteurs qui vont informer en temps réel un médecin d'un problème de santé"




  • Quelle innovation va, selon vous, tout balayer demain ? Pourquoi ?

L'anticipation en médecine d'un certain nombre d'anomalies, de carences ou de dysfonctionnements va révolutionner de nombreux domaines. Le fait que nous soyons toujours à réaliser des prises de sang me paraît totalement décalé par rapport à la réalité. Nous allons donc très prochainement voir apparaître des capteurs qui, en temps réel, vont informer un médecin d'un problème de santé.

La médecine du futur va révolutionner de façon incroyable la manière dont on aborde les soins. Il sera possible de sauver des millions de vies, d'anticiper des maladies. C'est une chose importante que la plupart des ouvrages d'anticipation n'ont, à mon sens, pas vu venir.

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  • Donnez-nous 3 conditions qui favorisent l'innovation

Il faut tout d'abord être doté d'une curiosité sans limites, sur tous les sujets. Il est important de connaître ce que font d'autres professionnels dans des secteurs qui ne sont pas les nôtres, qui n'ont rien à voir avec notre activité. Il faut ensuite agir collectivement car une personne seule peut avoir plus de difficultés à anticiper les bons usages.

Enfin, il faut être proche des start-up, nous incubons certaines sociétés car l'innovation peut venir de partout. Le danger est de se dire que l'on ne risque rien parce que l'on a de l'avance, il faut donc être vigilant. Etre parano rend plus fort en somme.

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Olivier Robillart
Par Olivier Robillart

Mêler informatique, politique et journalisme tu essaieras ! Voilà ce que m'a demandé un jour un monsieur ridé tout vert qui traînait dans un square en bas de mon immeuble. J'essaie désormais de remplir cette mission en tant que rédacteur pour Clubic. Je traite principalement de politique numérique tout comme de sécurité informatique et d’e-Business. Passionné de Star Wars, de Monster Hunter, d’Heroic Fantasy et de loisirs numériques, je collabore régulièrement à de multiples projets vidéo de la rédaction. J’ai également pris la fâcheuse habitude de distribuer aux lecteurs leur dose hebdomadaire de troll via la Clubic Week.

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