© Sora Shimazaki/Pexels
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La justice vient de donner raison à La lettre A, média d'information politique, dans son procès qui l'opposait à Konbini. Le site d'infotainment doit désormais s'acquitter de 6 000 euros d'amende pour procédure abusive.

Le 20 septembre dernier, un tribunal parisien a débouté Konbini de sa plainte en diffamation. Les dirigeants de ce média en ligne n'avaient pas apprécié voir La lettre A publier dans ses colonnes l'identité de ses actionnaires, la famille Perrodo, composée d'industriels du pétrole et de milliardaires. La décision, publiée par Libération, a atteint une belle audience ce qui devrait amener Konbini à réfléchir la prochaine fois que le site tente une procédure bâillon.

Les faits reprochés à La Lettre A

En mai 2019, le site d'infodivertissement a porté plainte contre La lettre A pour diffamation. En cause, un article du média spécialisé qui décryptait le modèle économique de Konbini. Entre autres révélations, on y apprenait ainsi que ses propriétaires cherchaient, pour le moins, à rester discrets. La famille Perrodo, quinzième fortune de France, mais relativement peu connue, en serait en effet l'actionnaire principal via un réseau complexe de sociétés plus ou moins opaques immatriculées au Luxembourg et aux Bahamas.

L'article explore également le mélange des genres que constitue la ligne éditoriale du site : capable d'un véritable travail journalistique, il adopte avant tout un ton décalé et orienté divertissement… mais est aussi un vrai relai de communication pour ceux qui sont prêts à ouvrir assez grand leur porte-monnaie. Les articles sponsorisés sont en effet à la base du business model de l'entreprise. Plusieurs noms de l'organigramme de l'entreprise auraient également des liens étroits avec des acteurs du monde politique, à l'image de son ancienne directrice de la communication.

Défaite juridique et effet Streisand pour Konbini

Communément appelée « procédure bâillon », la plainte de Konbini n'est, pour beaucoup, rien de plus qu'une tentative d'intimider un média ayant moins d'audience et de moyens en lui imposant des frais de justice importants. Rendue plus simple encore par l'application au droit français d'une directive européenne sur le secret des affaires, cette méthode est théoriquement illégale. C'est d'ailleurs ce qu'a estimé le tribunal dans son verdict. Expliquant que l'article ne revêtait aucun caractère diffamatoire, lui donnant une légitimité supplémentaire, la décision condamne de plus Konbini à 6 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement, qui rappelle « l’importance, dans une société démocratique, de pouvoir investiguer, débattre et émettre des opinions critiques sur les questions relatives à la transparence et au pluralisme des médias », est un camouflet pour Konbini, d'autant que l'entreprise est en théorie concernée par la protection de la liberté de la presse. Et un cruel rappel de l'effet Streisand, un phénomène médiatique qui désigne l'audience donnée involontairement à un contenu en tentant d'en empêcher la diffusion.