Il y a de l'électricité dans l'air entre les associations de consommateurs et le gouvernement, à propos de la généralisation des compteurs intelligents Linky, dont le déploiement avait démarré en 2010 de façon expérimentale.
Linky, c'est ce petit boîtier jaune fluo, une nouvelle génération de compteurs électriques censés permettre aux particuliers de surveiller de près leur consommation, tout en promettant aux fournisseurs de réaliser d'importantes économies, grâce à des gains de productivité et la possibilité d'intervenir dans certains cas à distance.
Ce mardi, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé sa généralisation d'ici à 2020, dans le cadre du plan d'investissements d'avenir.
Un déploiement coûteux
Le gouvernement a évalué cette opération à 5 milliards d'euros. Un montant élevé, qui pourrait bien se baser cependant sur une fourchette basse, puisque Henri Proglio, le président d'EDF avait en avril dernier évoqué un coût compris entre 5 et 7 milliards d'euros. EDF a promis de prendre en charge sur ses fonds propres son installation (30 euros le boîtier et 120 euros pour l'intervention). Elle sera en réalité répercutée sur le sous-tarif de l'électricité (Turpe), qui sert à financer les réseaux électriques, tel que prévu par le décret ministériel du 2 septembre 2010.
Linky peut permettre de faire évoluer les offres commerciales, en sortant du système d'estimation et des fameuses fourchettes heures pleines/creuses. Le boîtier rend possible l'affinage des tarifs horaires et, potentiellement, de facturer le client sur la base du jeu de l'offre et de la demande, bien qu'aucune disposition n'en fasse état pour le moment. En 2011, la CLCV, une association de défense des consommateurs, craignait ainsi l'émergence d'une véritable « jungle tarifaire illisible ».
Un usage pas si intelligent que ça ?
Mais le problème porterait surtout sur l'usage qui sera fait de ces « smart compteurs ». Lorsque EDF promet une gestion facilitée de la consommation des particuliers, l'UFC Que Choisir constate que lors des phases expérimentales, les consommateurs ne disposaient pas d'un affichage annexe directement sur leur lieu de vie. « On est à mille lieues d'un petit écran placé dans l'entrée ou la cuisine qui donnerait, en temps réel, la consommation des appareils et des usages ! », relevait l'association.
ERDF miserait davantage sur la consultation en ligne, via un ordinateur, une tablette ou un smartphone.
La protection des données en cause ?
Reste la question de la protection des données. En 2012, des hackers avaient publié les résultats de leurs recherches sur les compteurs intelligents. Ils mettaient en avant le fait que ces boîtiers relayaient un certain nombre de données très fines concernant les habitudes des consommateurs, notamment grâce à la signature électrique des appareils, dont la consommation diffère sensiblement selon leur type.
La CNIL a d'ailleurs plusieurs fois eu l'occasion d'inviter à la prudence concernant ces compteurs. En 2010, elle affirmait ainsi que « les informations de consommation d'énergie transmises par les compteurs sont très détaillées et permettent de savoir beaucoup de choses sur les occupants d'une habitation, comme leur horaire de réveil, le moment où ils prennent une douche ou bien quand ils utilisent certains appareils ». Elle invitait à ne procéder qu'à un relevé journalier, largement suffisant pour couvrir les besoins des abonnements standards.
Sur son site internet, l'UFC Que Choisir se montrait de son côté plutôt rassurant. « Les données de consommations suffisamment précises, qui permettraient de déduire vos habitudes de vie (à quel moment vous allumez la lumière, vous branchez le chauffage ou les machines à laver...), ne peuvent être transmises à votre fournisseur d'électricité, sauf consentement exprès de votre part. »