Il y a deux ans, la société Leap Motion présentait un petit boitier baptisé le Leap et pouvant se connecter sur le port USB d'un ordinateur. L'objectif : proposer des interactions gestuelles avec les applications compatibles. Aujourd'hui, la société se concentre sur le secteur de la réalité virtuelle et ambitionne de trouver sa place au sein de l'ensemble des casques en multipliant les partenariats. Michael Buckwald, PDG et fondateur de Leap Motion, a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions lors du Web Summit qui se déroule actuellement à Dublin.
Combien de boîtiers Leap avez-vous commercialisé à ce jour ?
Michael Buckwald : On en a vendu environ 500 000.
Combien d'applications sont désormais disponibles au sein de votre app store ?
M.B : Il y en a environ 300.
Quel est selon vous l'usage le plus intéressant ?
M.B : J'ai bien aimé les applications de sculptures virtuelles proposant de transformer des objets avec ses mains. C'est quelque chose que l'on ne peut faire avec une souris et un clavier.
Maintenant que votre intérêt se tourne vers la réalité virtuelle, continuerez-vous à développer votre boitier ?
M.B : Oui, nous continuerons à le vendre au sein des mêmes boutiques mais notre objectif principal est de travailler avec les sociétés spécialisées en réalité virtuelle et d'y intégrer notre technologie.
La technologie du Leap peut être intégrée dans plusieurs domaines comme le contrôle d'un ordinateur de bord de voiture via des gestuelles ou la manipulation de données numériques dans un environnement médical stérile. Pourquoi donc se concentrer sur la niche qu'est la réalité virtuelle ?
M.B : Sur ordinateur, on a depuis des années un clavier et une souris pour des tâches classiques : surfer sur le Web, utiliser des applications d'Office... Dans ce contexte, le clavier et la souris fonctionnent parfaitement. Dans la réalité virtuelle, les choses sont différentes et il n'y a pas de manette standard.
On s'interroge sur la valeur que nous pouvons ajouter à un marché et l'ampleur d'un problème que nous pouvons résoudre quand bien même il s'agit d'une niche. Cela fait plus de sens.
Pourriez-vous nous parler de votre nouveau prototype de capteur Dragonfly ?
M.B : Il s'agit de notre module de seconde génération, lequel prend en charge le RGB ainsi que les rayons infrarouges. Cela permet de traiter les couleurs à très haute résolution pour un rendu plus réaliste.
A votre lancement, vous affirmiez que le Leap était 200 fois plus précis que n'importe quel autre capteur. Continuez-vous à optimiser cette précision ?
M.B : Nous travaillons sur la précision tous les jours et nous sommes très attachés à la réactivité parce que notre but a toujours été d'avoir l'impression que vous utilisiez vos propres mains.
En mars, vous avez signé un contrat avec Razer-OSVR, quelle est votre vision des interactions homme-machine d'ici cinq ans ?
M.B : Nous souhaitons être intégrés dans l'ensemble des casques. Il y a deux problèmes fondamentaux que nous adressons dans le milieu de la réalité virtuelle. Le premier est l'absence de vraies manettes efficaces. Même les dispositifs de contrôle en 3D ne sont pas très présents et c'est un peu le Saint Graal de la réalité virtuelle. Et puis aujourd'hui, nous sommes transportés dans un monde qui ressemble plus à une vidéo en 3D.
Je pense que pour la première génération des casques VR il y a la place pour des outils de contrôle et les mains pour effectuer diverses actions. Mais je pense qu'il y a une seconde et une troisième génération à venir. Il y a de plus en plus de casques mobiles, ceux au sein desquels vous y glissez votre téléphone comme chez Samsung ou Google. C'est en plein boom parce que ça ne coûte pas très cher. Pour ces derniers, vous n'allez pas vous balader avec vos manettes en permanence donc vous devez utiliser vos mains.
La troisième génération est la réalité augmentée au sein de laquelle les éléments virtuels se mélangent à la réalité. Vous avez non seulement besoin de vos mains mais également d'interagir avec les éléments superposés à la réalité.
Donc finalement c'est un peu comme Hololens ?
M.B : Oui avec un champ de vision plus large. C'est aussi similaire à Magic Leap une société au sein de laquelle Google a investi.
Souhaitez-vous rester indépendants et être présents dans tous les casques, un peu comme Synaptics sur les PC, ou accepteriez-vous un rachat ?
M.B : C'est difficile de dire non d'emblée à un rachat, mais aujourd'hui nous voulons construire une société indépendante. Nous disposons des meilleurs ingénieurs au monde. Si nous résolvons le problème du tracking des mains, alors il y en aura d'autres qui se présenteront. Nous pensons aussi qu'il y a plus de valeur à proposer ce service à toutes les sociétés plutôt qu'à une seule.
Quid de l'interopérabilité des applications sur le marché de la réalité virtuelle ?
M.B : Le portage vers Leap ne requiert pas d'éléments spécifiques. Nous avons un kit de développement distinct. N'importe qui peut l'utiliser, que ce soit sur Oculus, Valve ou Samsung sans aucun changement. Les modifications s'effectuent au niveau du moteur de rendu et c'est relativement simple puisque 95% d'entre eux font usage de Unity. Même les gens qui ne développent pas de jeux utilisent Unity parce que le moteur résout les mêmes problèmes, par exemple en ce qui concerne les rendus en 3D.
A priori, demain nous porterons tous un casque VR, au moins pour le jeu. Que répondez-vous aux gens qui perçoivent cette technologie comme un outil accélérant la rupture des liens sociaux ?
M.B : Je suis à côté de vous et j'interagis avec vous. Je peux créer un monde virtuel et interagir avec des millions de gens de manière virtuelle. Je pense que si vous ressentez ma présence et voyez mes mains je ne suis pas cloîtré dans mon propre univers virtuel .
Aussi avec la réalité augmentée vous avez un écran transparent et cela ajoutera une dimension sociale parce que je serai en mesure de vous voir. Il sera possible de transcender le concept de l'espace-temps. On pourra se retrouver ensemble au bout du monde, à une autre époque. La dimension sociale sera donc enrichie.
Je vous remercie