Les soupçons concernant les pratiques de l'équipementier Huawei gagnent la Grande-Bretagne. Des parlementaires ont vivement remis en cause un partenariat signé en 2005 entre le géant des équipements télécoms chinois et l'opérateur BT. Le gouvernement britannique aurait été informé seulement un an plus tard.
Le comité d'intelligence et de sécurité britannique, qui supervise le travail des services de renseignement, s'est dit « choqué » devant le comportement de l'opérateur face aux responsables politiques, relate la BBC.
Après avoir mené l'enquête sur les réseaux critiques britanniques (approvisionnement en eau, réseau électrique, etc), les parlementaires ont mis en lumière un contrat clé dans le domaine des télécommunications, d'un montant de 10 milliards d'euros, signé en 2005 avec Huawei en vue de moderniser son réseau. Un contrat qui, pour les parlementaires, a placé directement le chinois « au coeur d'une infrastructure nationale critique ».
Le comité aurait été informé en 2008 des risques potentiels que pouvaient représenter un tel contrat, l'état chinois étant suspecté de profiter de la vulnérabilité des équipements de Huawei pour accéder à des informations stratégiques.
L'ambassadeur britannique à Pékin favorable aux investissements chinois.
Les parlementaires se sont par ailleurs inquiété du fait que le gouvernement britannique ne semble jamais s'être emparé de ces préoccupations, alors que le GCHQ (quartier général des communications du gouvernement, les services de renseignement britanniques) était convaincu que BT avait pris ses dispositions pour éloigner tout risque potentiel.
Huawei se défend depuis toujours de contribuer au cyber-espionnage de l'État chinois. Il a d'ailleurs reçu l'appui du chancelier et ambassadeur britannique à Pékin, George Osborne. Ce dernier a en effet déclaré que le contrat signé avec Huawei était avant tout profitable à l'économie britannique, le chinois ayant décidé d'investir 1,3 milliard de livres dans ses activités au Royaume-Uni, pour 700 emplois créés. Et d'ajouter : « le développement des liens commerciaux entre le Royaume-uni et la Chine sont l'une de mes priorités et je ne peux suffisamment souligner que le Royaume-uni est ouvert aux investissements chinois ».
Le comité reconnaît qu'il serait irréaliste de confier la gestion des infrastructures nationales critiques aux seules entreprises britannique. Mais les parlementaires s'inquiètent du manque, voire de l'absence de contrôle des autorités sur ces questions.
Huawei est suspecté par de nombreux pays d'avoir établi des liens étroits avec le gouvernement chinois. Les États-Unis ont eu maintes fois l'occasion de mettre en doute les pratiques de l'équipementier. L'Australie avait quant à elle exclu le chinois de la course à un contrat portant sur ses infrastructures nationales. En France, Jean-Marie Bockel s'était vivement inquiété des pratiques de l'équipementier dans un rapport sénatorial publié l'an dernier.
Le sénateur a visiblement semé des graines puisque le Livre blanc de la défense remis le 29 avril dernier au Président de la République insiste sur la nécessité « de produire en toute autonomie » ses dispositifs de sécurité, car cet élément revêt une importance de « souveraineté nationale ».