Si le salut du monde pouvait découler de l'amitié sans limites entre une jeune fille et un cochon ? C'est ce que pense Bong Joon-Ho, réalisateur d'Okja, une fable désenchantée qui nous met face à notre humanité.
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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
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Okja (2017)
de Bong Joon-Ho« Je reprends possession de ces lieux pour vous raconter une merveilleuse histoire »
(Re)connu par le grand public depuis seulement quelques mois, Bong Joon-Ho a remporté ces derniers mois tous les prix possibles et imaginables pour Parasite. Ce, jusqu'à la "consécration suprême" : 4 Oscars dont celui du meilleur film ; une première pour un film en langue étrangère.Pourtant, le réalisateur a quelques œuvres plutôt très respectables à son palmarès, dont l'excellent Memories of Murder ou le plus connu Snowpiercer. Et puis il y a Okja, sorti tout juste deux ans avant Parasite et dont nous avions vraiment envie de vous parler dans ces lignes.
Okja c'est le nom de ce super-cochon à la taille démesurée, élevée par un fermier sud-coréen et sa petite fille Mija pour le compte de la société Mirando. Et si l'animal et la gamine ont noué une relation très forte, la réalité va bientôt les rattraper. Ladite firme voulant en effet remettre la main sur Okja pour le présenter au concours du plus beau super-cochon ; un subterfuge pour l'envoyer à l'abattoir et le découper en menus morceaux prêts à être servis dans les magasins.
« Mija, ils disent qu'Okja est le meilleur cochon »
Alors que la première partie du film se concentre l'animal et la gamine, la filiation avec l'univers d'Hayao Miyazaki semble évidente, mais pas seulement. Je n'ai également pu m'empêcher de penser constamment à E.T. de Steven Spielberg. Les deux metteurs en scène utilisent des mêmes artifices pour illustrer une complicité, une communication non-verbale entre deux êtres. Dans un premier tiers du film, Okja et Mija ne se comprennent en effet que par le geste, et c'est un film presque muet qui n'est pourtant jamais trop long et certainement pas ennuyeux. Le film prend son temps, ses plans sont posés et la douce lumière du célèbre directeur de la photographie Darius Khondji vient créer un cocon très agréable dans lequel on aimerait bien rester un peu plus.La mise en scène vise toujours juste et Okja est parfaitement intégrée à l'écran.
« Toi et tous les éleveurs locaux êtes des outils promotionnels »
Si l'univers ressemble beaucoup à notre société, chaque plan est jonché d'un costume excentrique, d'un décor décalé ou d'une situation vient nous rappeler que nous sommes dans une réalité (cinématographique) parallèle dotée de ses propres codes et règles.Bien entendu le monde capitaliste ne va pas tarder à rattraper nos deux protagonistes. Okja doit être renvoyée aux États-Unis pour être exposée, puis abattue et transformée en bâtonnets de viande séchée, prêts à être livrés dans les toutes les supérettes du pays.
C'est à ce moment précis que le conte s'arrête et que Bong Joon-Ho dévoile son vrai projet. À travers des yeux d'enfant, le réalisateur tire à boulets rouges sur le capitalisme sous toutes ses formes. Le plus moderne d'abord, qui se drape derrière des bons sentiments et une conscience écologique fabriquée, mais également le capitalisme old-school, présenté comme sordide, mais plus direct et transparent vis-à-vis de ses intentions.
Okja est évidemment un plaidoyer vibrant envers la cause animale. Mais il est plus subtil qu'il n'y parait ; l'association de défense des animaux présentée dans le film n'est pas idéalisée. Elle est présentée soit comme une secte de fanatiques, soit comme une bande de bras cassés qui pensent d'abord à leur image, quelles que soient les conséquences de leurs actions.
« Vous êtes une psychopathe, votre sœur est une psychopathe et votre père l'était aussi »
Et là on touche à mon sens au cœur du film et à son sujet principal : l'égo. Mis à part Mija et Okja, tous les personnages, sans exception, ne sont obsédés que par leur reflet. L'animateur d'émissions sur les animaux se moque du bien-être animal et ne pense qu'à sa popularité. Lucy Mirando ne cherche qu'à se différencier de sa sœur, en se voulant plus moderne et emphatique. Voyant cette dernière, on ne peut pas s'empêcher de penser aux dirigeants de la Silicon Valley, toujours prêts à « rendre le monde meilleur ».Même le grand-père de Mija est obnubilé par la tradition et par ce que va penser la communauté de sa fille qui préfère passer son temps avec un cochon qu'avec ses semblables.
La seule qui semble se moquer de l'image qu'elle renvoie est Nancy Mirando, la sœur de la PDG, qui est présentée dès le début du film comme une femme froide et sans scrupules. Son rôle n'en sera que plus crucial, seule capable d'utiliser le système à son avantage.
« La traduction, c'est sacré »
Ce n'est pas vous spoiler que de vous dire qu'Okja se conclut sur une note douce-amère. Contrairement à E.T. et son message finalement plein d'optimisme, le film de Bong Joon-Ho ne se voile pas la face. Une liberté de traitement toute coréenne laissée entière par Netflix...Quel paradoxe, d'ailleurs, que le réalisateur, qui signe un brûlot contre le grand capital, soit produit et distribué par Netflix. Peut-être est-ce la plus belle démonstration de son propos : utiliser les outils en sa possession pour diffuser son message dans le plus de foyers possibles et éveiller les consciences. Pari réussi ?
Okja est disponible à la demande sur Netflix.