Latécoère, Ubisoft et Air France ont conjointement présenté, au Salon du Bourget, le prochain tournoi qui aura lieu dans les airs, porté par la technologie Li-Fi. Cyrille Delame, responsable du département innovation dans la branche interconnexion systems chez Latécoère, nous en dit plus dans une interview accordée à Clubic.
Latécoère, société française basée à Toulouse, a fêté son centième anniversaire l'année dernière. Spécialiste de l'aérostructure et de l'interconnexion, la firme s'est associée à la compagnie Air France et à l'éditeur Ubisoft pour organiser la Air France Trackmania Cup, un tournoi de démonstration de la technologie de communication sans fil ultra-rapide, le Li-Fi.
La particularité de la compétition, vous l'aurez compris, est qu'elle va se dérouler - du moins pour les phases finales - à bord d'un avion de la compagnie aérienne, et en plein vol. Pour offrir une image réelle du concept, Latécoère a reproduit l'intérieur d'une cabine d'avion sur son stand, au Salon du Bourget. L'intérêt pour Latécoère est de démontrer toute la puissance du Li-Fi (Light (Li) pour lumière, Fidelity (Fi) pour fidélité) mais pas que, la technologie se voulant plus rapide, plus sécurisée et plus écologique que sa grande sœur, le WiFi. En outre, le Li-Fi constituerait le moyen idéal de bénéficier d'une connexion très haut débit à bord d'un avion, sans dégager la moindre onde électromagnétique. Encore coûteuse il y a un ou deux ans, la technologie serait aujourd'hui aussi bon marché que le WiFi, ce qui devrait accélérer son adoption.
Pour évoquer les contours de ce partenariat, discuter plus largement de la diffusion du Li-Fi à bord d'un avion et des propriétés de cette technologie, Clubic est allé à la rencontre de Cyrille Delame, responsable du département innovation dans la branche interconnexion systems chez Latécoère, présent au salon de l'aéronautique et de l'espace.
Interview de Cyrille Delame, responsable du département innovation dans la branche interconnexion systems chez Latécoère
Clubic : Le Li-Fi, technologie destinée à être le potentiel WiFi de demain, est au cœur du sujet. Latécoère est présent au Bourget dans le cadre d'un partenariat entre Air France et Ubisoft. Pouvez-vous nous en donner les contours ?Cyrille Delame : Le partenariat avec Air France a débuté il y a un peu plus d'un an sur un projet de recherche qui visait à introduire le Li-Fi dans des cabines d'appareils. Nous nous sommes alors rapprochés de la compagnie nationale pour discuter du sujet. La communication s'est très bien passée, et Air France a semblé vraiment apprécier ce système, qui est très sécurisé et sans danger pour la santé, contrairement à ce que peut être le WiFi pour des grosses cabines d'avion.
Au-delà de ça, nous avons développé un système qui permet d'être complètement résiliant, qui est facile d'installation et qui permet à Air France d'apporter des modifications aux cabines très rapidement.
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Pouvez-vous nous en dire plus sur le concours Air France Trackmania Cup organisé par Ubisoft et dont les phases finales auront lieu en plein vol, en septembre ?
Nous débutons effectivement un tournoi de eSport avec Air France, développé par Ubisoft. L'ouverture des candidatures se fera le 6 juillet, en ligne. Les quarts de finale, les demi-finales et la finale auront bien lieu en vol, avec la technologie présente sur notre stand au Bourget : 12 sièges seront équipés de la technologie Li-Fi de Latécoère. La compétition dans les airs devrait, a priori, se dérouler sur la ligne Toulouse-Paris.
« Une technologie totalement immune pour la santé »
Le Li-Fi est une technologie plutôt écologique ?
Absolument. Elle est plus écologique car l'on vient émettre des signaux infrarouges dans la cabine. On retrouve cela avec la télécommande d'un téléviseur. Aujourd'hui, ces réseaux infrarouges sont véhiculés par de la fibre optique, qui est constituée de verre et qui est donc totalement immune pour la santé, contrairement aux ondes électromagnétiques du Wi-Fi.
L'intérêt du Li-Fi, c'est d'envoyer et de recevoir des données grâce à la lumière, c'est bien ça ?
Tout à fait, oui. Et cela signifie que les données circulent à la vitesse de la lumière. En d'autres termes, le réseau installé dans la cabine nous permet d'atteindre aujourd'hui des débits qui ne sont plus limités par l'installation qui se situe dans l'avion, mais par l'électronique qu'il y a derrière. Nous atteignons des débits de 100 Mbit/s par passager, que l'on garantit pour l'ensemble d'une cabine. Demain, ce sera 1 Gbit/s. Aujourd'hui, nous sommes sur un ordre de grandeur 100 fois supérieur aux capacités d'un WiFi actuellement installé sur les avions.
On peut imaginer que l'ensemble des passagers d'un vol puissent être connectés ?
Exactement. Les vidéos qui tournent sur l'écran sont en 4K et sont hébergées sur un serveur classique, utilisé dans les avions actuellement.
« Le Li-Fi n'émet aucune onde électromagnétique, c'est-à-dire qu'il ne perturbe absolument pas les équipements de bord »
Sur un plan technique, comment peut-on retransmettre les données par le flux lumineux ?
Nous connectons des tablettes issues du marché grand public. On vient se connecter sur des prises USB qui sont identiques à celles que l'on retrouve sur les smartphones, par exemple. Ensuite, on va alimenter un système qui, lui, opère le transfert de données entre l'électrique et l'optique. Puis nous émettons un flux lumineux en fonction des données que l'on a à émettre, flux lumineux qui va être injecté dans une cellule sur la partie supérieure de la cabine et dans la fibre optique.
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De manière plus générale, comment faire cohabiter le WiFi et le Li-Fi ? Peuvent-ils cohabiter ?
Bien sûr, oui. Le Li-Fi n'est pas un vecteur unique, il s'intègre dans une chaîne de distribution de la donnée, le WiFi en fait partie aussi et pourra permettre aux PNC de se connecter en dehors des flux lumineux. En revanche, tout ce qui va se situer au niveau siège et qui nécessite de la sécurité de données pourra se faire au travers du Li-Fi qui est plus sécurisé que le WiFi puisque c'est un système directionnel et unique, par passager.
Comment peut-on imaginer cette sécurisation du Li-Fi, notamment avec l'obligation de placer ses appareils électroniques en mode avion lors d'un vol ?
Aujourd'hui, le Li-Fi n'émet aucune onde électromagnétique, c'est-à-dire qu'il ne perturbe absolument pas les équipements de bord. Du coup nous pouvons imaginer garder le Li-Fi actif pendant toutes les phases de vol. Nous restons sur un déplacement de photon (lumière), et cela n'a aucun impact sur l'appareil. Par ailleurs, les flux de lumière sont localisés sur le passager, rappelons-le. On peut aussi imaginer avoir un service différencié entre les différents sièges, et c'est ce qui intéresse les compagnies aériennes.
« Secteurs du nucléaire, du médical, de l'aéronautique, il y a un vrai intérêt autour de la technologie »
Sur quels autres lieux, outre l'avion, pourrait-on déployer le Li-Fi ? Des parkings par exemple, dépourvus de connexion ?
Cela pourrait effectivement concerner les parkings, mais aussi des trains ou d'autres véhicules encapsulés, qui pourraient tous être de bons candidats au Li-Fi. Ensuite, nous pouvons penser à des applications un peu plus pointues, dans le domaine militaire notamment.
Discutez-vous avec d'autres sociétés ?
Nous commençons à discuter avec d'autres compagnies aériennes, qui se montrent intéressées. Aujourd'hui, nous sommes dans le domaine de l'aéronautique, mais pourquoi pas s'étendre à d'autres secteurs.
Il y a un vrai intérêt autour de la technologie Li-Fi. Outre les militaires, il y a aussi des acteurs issus des secteurs du nucléaire ou du médical qui sont intéressés par ce genre de transmission d'informations à très haut débit.
De manière raisonnable, quand pensez-vous pouvoir équiper un avion entier du Li-Fi ?
On imagine déployer ce système courant de l'année prochaine, et nous pensions travailler avec les fabricants de sièges pour l'y intégrer directement, de manière native, et pouvoir proposer des sièges connectés à moindre coût.
« Le Li-Fi coûte à peu près le prix d'un WiFi pour une installation avion »
Concernant le coût du Li-Fi, il y a encore un ou deux ans, il était bien supérieur à celui du WiFi. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Il y deux aspects. Le premier tenant au matériel, avec des coûts divisés par dix, en moins d'un an, pour des technologies qui coûtent à peu près le prix d'un WiFi pour une installation avion. Il y a ensuite les coûts d'installation, qui sont périphériques, avec un effondrement des coûts puisque la modification du siège est très limitée, et que nous passons de la fibre optique qui, inerte, nous dispense de problématiques de certification très coûteuses.
Le développement de la fibre optique est-il capital pour les compagnies aériennes ?
Aujourd'hui c'est ce que nous faisons. L'avantage de la fibre optique réside dans sa capacité quasi infinie. Une fois que nous l'avons installée dans l'avion, on peut y connecter n'importe quoi. Lorsque nous passerons à des usages qui n'existent pas encore aujourd'hui, la fibre pourra les intégrer.
Au niveau énergétique, est-ce que le Li-Fi va faire grimper la consommation de l'appareil ?
Ça va très légèrement accroître la consommation de l'appareil, mais beaucoup moins qu'un IFE (in-flight entertainment, ndlr) actuel. Là, nous sommes sur une consommation de l'ordre de deux watts par siège, ce qui est très faible pour ce type d'application.