Pour ce dernier opus, J.J. Abrams a la double lourde tache, d'une part de terminer une trilogie qui aura braqué une partie de la communauté des fans, mais également de conclure l'arc des Skywalker, 42 ans après la sortie d'Un Nouvel Espoir dans les salles.
Le cinéaste a t-il réussi à tenir ce pari très ambitieux ?
Star Wars : la Menace Fandom
Que cet épisode final était à la fois attendu et redouté ! Deux ans après sa sortie, Les Derniers Jedi continue d'entretenir la scission entre les spectateurs très impressionnés par les audaces de Rian Johnson (un groupe dont votre serviteur fait fièrement partie) et les fans historiques, toujours furieux que l'on ait cassé leur jouet et osé détruire certains éléments emblématiques pour proposer une vision finalement plus neuve de cet univers.J.J. Abrams, qui avait déjà réalisé Le Réveil de la Force en 2015, a ici accepté la mission, quasi impossible, de réconcilier les deux clans, de créer un consensus au sein de la communauté mais également, nous le disions, de boucler une fois pour toutes l'histoire des Skywalker, en même temps que celle de Rey et de Kylo Ren. Et soyons clairs, dès le départ, la déception est à la hauteur des attentes...
Le réalisateur-scénariste expose les origines du retour de l'Empereur dès le texte déroulant, avec un laxisme assez stupéfiant, nous demandant de prendre ces retournements de situation pour argent comptant alors qu'ils n'ont jamais été posés dans les deux épisodes précédents.
La première heure du film est à l'avenant. Nouveaux personnages, nouvelle menace, nouveaux environnements, le tout introduit au chausse-pied dans un premier acte obèse qui essaie tant bien que mal de développer une intrigue pas franchement palpitante.
Pour nous faire accepter la chose, J.J. Abrams ponctue le récit de péripéties et de scènes d'action, spectaculaires à l'image certes, mais dénuées d'émotions... et impose un rythme à 100 à l'heure pour éviter que le spectateur ne se pose la moindre question sur ce qu'il est en train de voir. Fatiguant...
La guerre des réals
La deuxième heure, enfin, va se concentrer sur les personnages, parmi lesquels Rey et Kylo Ren restent le cœur de cet épisode et de cette trilogie. Leur relation est correctement développée, même légèrement enrichie, et le film décolle dès qu'ils apparaissent à l'image.On peut également souligner le rôle de C3-PO, bien plus important qu'à l'accoutumée et réel vecteur d'émotions pour les fans, ainsi que le retour de Carrie Fisher en Princesse Leia, malgré une incrustation, parfois très étrange, de sa prestation.
Malheureusement, le film retombe très vite dans ses travers. L'Ascension de Skywalker a connu un développement compliqué, avec un scénario écrit presque à-même le tournage, et cela se ressent à chaque minute de visionnage. Oui, ce dernier opus apporte des réponses, mais elles semblent toutes sorties du chapeau : en souhaitant contenter tout le monde le film ne s'adresse à personne.
J.J. Abrams, visiblement furieux d'avoir vu son travail sur Le Réveil de la Force gentiment détourné par Rian Johnson, passe son temps à vouloir réparer ce qui n'était pas cassé. En résulte quelques retournements de situation totalement artificiels jusqu'à une réplique franchement mesquine qui crache au visage des Derniers Jedi et de ses fans. On ne s'attendait pas, en voyant le dernier épisode de Star Wars, assister à un règlement de comptes entre réalisateurs, autorisé par Disney. Pathétique...
Ne reste que les moments de bravoure, qui impressionnent par leur ampleur, mais restent très mécaniques dans leur exécution. On a finalement l'impression que J.J. Abrams n'a pas grand chose à faire de cette réalisation et refuse de filmer correctement l'action, préférant agiter sa caméra dans tous les sens plutôt que de poser correctement ses situations.
« Toujours en mouvement est l'avenir »
Pourtant, malgré ce qui ressemble souvent à un carnage narratif, le film se regarde. Il peut énerver, désespérer par ses choix (ou ses « non-choix ») mais n'est pas aussi ennuyeux que pouvait l'être Solo : A Star Wars Story.Et puis il reste ses quelques dernières minutes, où revient la magie. Star Wars n'a jamais été meilleur que lorsqu'il s'épure, oublie ses effets spéciaux, son ambition commerciale et sa volonté de plaire à tout le monde. Les derniers plans sont réellement bouleversants et mettent un point final à la saga des Skywalker que nous avons accompagnés toutes ses années, peut-être pour mieux repartir...
Car on le sait, malgré une promotion qui a lourdement insisté sur la fin supposée de la saga, Star Wars reviendra en salles dès décembre 2022 avec un univers renouvelé et de nouveaux héros, déconnectés des Skywalker et d'un héritage bien trop pesant.
C'est peut-être la meilleure chose qui puisse arriver à ce formidable bac à sable : laisser les enfants de demain vivre leurs propres histoires.
Star Wars est mort. Vive Star Wars.