Impression 3D : un éditeur de jeux vidéo en appelle aux droits d'auteur

Audrey Oeillet
Publié le 19 août 2013 à 12h54
Le petit monde de l'impression 3D vient de connaitre un revers sur la question des droits d'auteur. Le studio japonais Square Enix vient en effet de s'opposer à la commercialisation, par un designer new-yorkais, de figurines imprimées en 3D et tirées de l'un de ses jeux emblématiques.

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Il fallait s'y attendre : si l'impression 3D offre une multitude de possibilités en matière de créations et de détournements, certains objets conçus par ce biais ne sont pas forcément du goût des ayants-droit. Le cas présent le prouve : Joaquin Baldwin est un designer new-yorkais qui a pris la liberté de concevoir des modèles des personnages du jeu Final Fantasy VII à imprimer en 3D. Le parti-pris du graphiste était de se baser sur les modèles originaux du jeu, sorti en 1998, pour proposer aux fans une représentation très fidèle des héros du titre, tels qu'on peut les voir en jouant. Une démarche qui a suscité l'enthousiasme des joueurs, mais également des médias qui l'ont relayée massivement... et l'éditeur du jeu s'y est alors intéressé lui aussi.

Car Joaquin Baldwin n'a pas fait que présenter des photos de ses figurines : il les proposait à la vente sur la plateforme Shapeways, qui permet d'imprimer en 3D des modèles virtuels à la demande. Le designer explique à CNET que l'éditeur de Final Fantasy VII, Square Enix, a réagi très rapidement suite à la mise à disposition des figurines sur la plateforme : deux jours après la médiatisation massive de la démarche, une demande de suppression a été faite sur Shapeways. Mais les figurines étaient en vente depuis quelque temps déjà, à des tarifs allant de 18 à 60 dollars. Joaquin Baldwin indique en avoir vendu un nombre important, sans pour autant s'étendre sur ses revenus.

Shapeways a lancé des procédures de remboursement pour les commandes qui ne seront pas honorées, et les figurines du designer new-yorkais font désormais figure d'objets de collection, bien que non officiels. Joaquin Baldwin, qui admet avoir gagné de l'argent avec du contenu protégé par le droit d'auteur, estime que le temps passé à concevoir ses figurines et à optimiser leur coût d'impression pour les rendre accessibles financièrement aux acheteurs, méritait salaire.

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A l'heure actuelle, l'éditeur Square Enix n'a pas laissé entendre s'il souhaitait lancer des procédures judiciaires à l'encontre de Joaquim Baldwin ou Shapeways. Néanmoins, l'éditeur nippon est connu pour défendre vigoureusement ses droits, même face aux projets portés par des fans : un précédent récent a poussé la firme à s'attaquer à un projet de websérie autour de Final Fantasy VII, qui a cherché à se financer sur Kickstarter. Aujourd'hui, la page de la campagne est fermée, évoquant une « dispute autour de la propriété intellectuelle » après des menaces de poursuites judiciaires proférées par l'éditeur. L'année dernière, un CD de réorchestration de musiques de Final Fantasy VI avait connu les mêmes soucis, mais les musiciens étaient parvenus à un accord avec Square Enix.

Des précédents dans le domaine de l'impression 3D

Dans le milieu de l'impression 3D, la question des droits d'auteur fait débat depuis un moment déjà. Si la plupart des plateformes demandent aux créateurs de modèles de respecter les copyrights - c'est d'ailleurs le cas de Shapeways dans un communiqué lié à l'affaire Square Enix - beaucoup ferment, en réalité, les yeux. En février dernier, le site NPR se penchait sur la question, évoquant la plateforme Thingiverse, sur laquelle l'une des meilleures ventes est un buste du personnage de Star Wars Yoda.

Pour l'avocat Michael Weinberg, spécialiste du droit d'auteur, même si le personnage est détourné de sa représentation initiale, il est tout de même protégé par le droit d'auteur. Mais seuls les ayants-droit peuvent s'opposer à la vente de tels objets, et dans le cas de Yoda, Disney et Lucasfilm ferment -pour l'instant - les yeux. Néanmoins, Thingiverse a eu moins de chance avec Moulinsart, l'entreprise qui détient les droits de Tintin, qui a demandé à la plateforme de retirer tous les modèles liés à la franchise, notamment la célèbre fusée d'Objectif Lune.

Mais pour Michael Weinberg, lutter contre l'impression 3D n'est peut-être pas la bonne stratégie : les ayants-droit gagneraient selon lui à s'adapter. « La technologie est là, que ça nous plaise ou non. Les PDG de ces entreprises peuvent soit dépenser de l'argent et du temps à poursuivre ces sociétés d'impression 3D - ce qui revient à poursuivre le génie dans la bouteille - soit utiliser ce temps et cet argent pour tourner cette technologie à leur avantage » résume l'avocat. En somme, rien ne dit que Square Enix et consorts n'utiliseront pas les idées de designers comme Joaquim Baldwin pour servir, un jour, leurs intérêts.

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Pour aller plus loin, notre dossier sur l'impression 3D.

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