Si les autorités iraniennes ont recours à des tactiques aussi brutales qu'archaïques pour réprimer le mouvement de révolte qui secoue le pays, elles peuvent également embrasser la modernité.
Depuis septembre dernier et le meurtre de Mahsa Amini par la police des mœurs du pays pour avoir mal porté son hijab, d'immenses manifestations ont éclaté dans tout le pays, pour réclamer plus de libertés, notamment pour les femmes. Ces dernières sont d'ailleurs de plus en plus nombreuses à sortir les cheveux à l'air en signe de protestation, un mouvement que les autorités iraniennes veulent arrêter par tous les moyens, y compris la reconnaissance faciale.
Confier un travail inhumain à des robots
Le gouvernement iranien n'est pas particulièrement connu pour son indulgence avec les opposants, mais les dernières semaines ont montré à quel point il pouvait se montrer brutal, en commençant à exécuter de plus en plus de jeunes manifestants après des procès expéditifs. À ces exécutions, il faut ajouter les plus de 19 000 arrestations effectuées depuis le début du mouvement. Si une large part d'entre elles sont effectuées par du travail de « maintien de l'ordre » à l'ancienne, des Iraniens ont remarqué qu'elles se produisaient de plus en plus souvent plusieurs jours après les faits reprochés, notamment quand ces faits sont un refus du port du hijab.
La reconnaissance faciale n'est évidemment pas le seul moyen d'expliquer ce phénomène, mais les observateurs iraniens et internationaux regardent tout de même dans sa direction avec insistance. Et ils ont de bonnes raisons de le faire : deux semaines avant la mort de Mahsa Amini, des législateurs iraniens avaient explicitement recommandé l'usage de la reconnaissance faciale pour identifier les « comportements inappropriés » y compris « le non respect de la loi du hijab ».
Les Iraniens dans les pas des Chinois
Si ce passage à la reconnaissance faciale pour forcer le port du hijab est avéré, il constitue une triste première : la première fois que cette technologie est utilisée pour imposer un code vestimentaire à des femmes dans le monde. Cela suivrait l'évolution observée par chercheurs en droits de l'homme dans la région. Cathryn Grothe est l'une d'entre elles, et interrogée par Wired, elle explique que cela fait des années maintenant que l'Iran s'est peu à peu détourné des informateurs et du travail humain pour se concentrer sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies.
En 2021, un rapport avait démontré que cette technologie s'était développée en Iran grâce à un partenariat avec la Chine, devenue experte mondiale du flicage de sa propre population depuis maintenant des années. Mais à l'inverse, les opposants chinois ont montré qu'il pouvait aussi être possible dans une large mesure de contrecarrer l'outil, en portant des tenues avec des visages en motifs ou en usant d'une ironie évidente, mais que la machine ne peut comprendre, par exemple.