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Depuis Napster dans les années 2000, le téléchargement illégal est au cœur des batailles entre ayants droit, privés de certains de leurs revenus, et internautes, privés d'une licence globale qui permettrait un accès souhaitable et illimité à la culture. Au milieu du champ de bataille, le gouvernement agite bien des drapeaux… Mais qu'en est-il vraiment entre pédagogie et répression ?

Peut-être avez-vous récemment vu passer les clips publicitaires d’Hadopi, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet ? Ceux-ci mettent en scène trois jeunes connaissant des déboires avec le téléchargement illégal. Le slogan à la fin d’un de ces clips sonne comme un avertissement : « mater ses films en streaming, c’est cool. S’abonner aux offres légales c’est mieux ».

Cette campagne, qui se veut « drôle pas punitive », n’est pas anodine. En effet, pour la première fois depuis 2015, le nombre de téléchargements illégaux augmente. Selon Hadopi, cela représenterait un manque à gagner de 332 millions d’euros. En cause, d’après une étude de cette institution, un français sur 4 qui aurait visité chaque mois des sites illicites en 2020.

Dérapages incontrôlés

Les causes de cet accroissement du téléchargement illégal ? Il est dû notamment, selon l’étude d’Hadopi, au premier confinement strict de 2020. Il a amené une forte augmentation de la consommation de biens culturels dématérialisés. Près de 9 internautes sur 10 se sont déclarés consommateurs de ces biens en avril 2020, contre 8 sur 10 environ en mai 2019.

Autre problème, bien que nombre d’analystes pensaient que les plateformes streaming comme Netflix, Prime, Disney + allaient amener une nette diminution du téléchargement illégal, il n’en a rien été. La variété – ou le chaos, selon les perspectives – des offres et des catalogues proposés conjugués au coût cumulé des offres d’abonnement, pousse une partie des internautes à compléter ses visionnages par le téléchargement illégal. Ainsi, selon une récente étude de Sandvine, alors que le trafic de Netflix représentait pendant le confinement 6,09 % de la bande passante internet sur la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique), celui du trafic BitTorrent lui était passé devant en étant à 8,38 %.

Dans le détail des pratiques observées par Hadopi, le streaming – même si son heure de gloire semble passée – arrive en tête et concerne trois quarts des internautes ayant téléchargé illicitement. Il est talonné par le téléchargement direct, qui concerne plus de la moitié de ceux qui téléchargent illégalement. Le peer-to-peer représente 26 % de ces internautes. Le live streaming sportif illicite connaît lui une forte progression, avec plus de 2,4 millions d’internautes par mois sur 2020. Enfin, l’IPTV, qui permet d’accéder à des chaînes du monde entier à partir d’Internet pour le prix d’un abonnement mensuel ou annuel grâce à un boîtier, voit lui aussi une belle augmentation.

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Hadopi semble condamnée à la marginalité

Face au nombre grandissant de téléchargements illégaux, la loi Hadopi semble dépassée. Elle prévoit seulement la détection des internautes qui téléchargent illégalement sur les réseaux d’échanges P2P. Ces derniers sont identifiés au moyen de leur adresse IP ; il est donc facile de passer outre et le succès des VPN n'y est pas étranger.

La réponse graduée

Côté sanctions éventuelles, l’institution se base sur le procédé de la « réponse graduée » : en cas de téléchargement illicite, l’internaute fautif recevra d’abord un email d’avertissement. Notez que dans ce cadre, c'est votre fournisseur d’accès à Internet, qui est obligé de fournir cette information à l'Hadopi.

S’il est repris à pirater dans un délai de six mois, il recevra un deuxième avertissement sous la forme d’un mail et d’une lettre recommandée.

S’il s’obstine dans le piratage, il percevra douze mois après l’envoi du courrier recommandé une lettre notifiant que ces faits sont passibles de poursuite pénale.

Hadopi peut alors saisir le procureur de la république, à des fins de poursuites pénales et pour mettre une amende d’un montant maximum de 1 500 euros. Il est possible de contester chaque avertissement si vous pensez qu’ils ne sont pas légitimes. Certains invoquent par exemple la falsification de leur adresse IP, en dépit de mesures de protection mises en place.

Dans les faits, peu d’internautes font les frais d’une amende. À titre d’exemple, du 1er janvier au 31 août 2019, plus de 640 000 avertissements ont été adressés à des internautes français. 1 149 dossiers seulement ont fait l’objet d’une transmission au parquet. Sur la même période, 86 décisions de condamnation ont été publiées.

L’ARCOM : l'Hadopi next-gen ?

Alors, n’y a-t-il rien à faire contre le téléchargement illégal ? Le gouvernement essaie de trouver la solution depuis plusieurs années. Du nouveau pourrait arriver avec la création de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) issue de la fusion entre Hadopi et le CSA.

Si le texte est adopté, l’ARCOM sera chargée de protéger la totalité des œuvres sur Internet auxquelles sont attachés un droit d’auteur, un droit voisin ou des droits d’exploitation audiovisuelle. Elle aurait notamment pour mission de contrôler et de suivre l’évolution des techniques de protection et d’identification des œuvres.

Le texte propose des avancés en s’intéressant plus au rôle des pirates qu’aux consommateurs. Il ne s’intéressera également plus seulement au P2P, mais aussi aux sites de téléchargement direct ou de streaming illégal. Plus dans le détail, la proposition de loi établit de nouvelles compétences à l’ARCOM par rapport à Hadopi.

La « liste noire » ou le blocage des sites depuis la France

D‘abord, avec la possibilité d’établir une « liste noire » des sites pirates. Dans ce cadre, des agents assermentés pourront identifier les sites et les serveurs reconnus comme contrefaisant de façon « grave et répété ». Ce ne sera plus seulement le piratage P2P qui sera affecté, mais tous ceux actuels accessibles depuis le territoire français. Avec cette liste noire, les créateurs de contenu et leurs ayant droits pourront saisir le juge sans avoir à collecter de preuves au préalable. Cela permettra d’initier une procédure pénale plus aisément, la collecte de preuve étant généralement rendue difficile avec l’anonymat des pirates.

Si le principe des « listes noires » n’est pas nouveau, les autorités publiques misent sur la notion de « name and shame » pour rendre publique ces listes. Objectif : dévaloriser la réputation des sites mentionnés et ainsi assécher leur offre. L’ARCOM joue aussi sur le principe « follow the money ». Par ce biais, les régies publicitaires et les intermédiaires devront jouer la transparence sur leurs activités pécuniaires avec un service inscrit dans la liste noire. Cette obligation vise à affermir l’obligation de vigilance des annonceurs et de les détourner de l’envie de faire affaire avec ce type de site.

Reste que le contournement de ce type de blocage pays par pays est là encore un jeu d'enfant.

Le sport au cœur des nouveaux textes

Des actions contre le phénomène grandissant de la retransmission illicite des émissions sportives sont aussi prévues par le texte. Les ayants droit et les diffuseurs pourront saisir le tribunal judiciaire pour permettre des mesures de retrait, de blocage ou de déréférencement d’un site ou d’un serveur diffusant de façon illicite un événement sportif. Originalité de cette mesure, le juge pourra décider de sa mise en œuvre en amont, pour chacune des journées de la compétition sportive, dans une limite de douze mois, contre deux mois actuellement.

L’ARCOM se chargera aussi de la décision de bloquer ou de déréférencer les sites miroirs. Ceux-ci reprennent partiellement ou totalement le contenu du service. Les intermédiaires techniques comme les FAI, les moteurs de recherche, les hébergeurs pourront être ciblés.

Quel risques pour les contrevenants ?

Si certains experts estiment que si le texte présente des avancés, il ne résout pas la question liée à l’identification des auteurs de ces piratages.

La question de la sanction de celui qui télécharge illégalement se pose également. Cette loi, qui pourrait être adoptée dès cet été, ne permet pas à la nouvelle institution de remettre des amendes généralisées. Ce sera encore à la justice de le faire. À l’heure où un grand nombre d’internautes consomment des biens culturels sur Internet et de façon licite ou illicite, la question des amendes ne semble pourtant pas à l’ordre du jour.

Les logiciels malveillants, plus terribles qu'Hadopi

In fine, les risques les plus plausibles auxquels dont vous vous exposez en téléchargeant illégalement sont surtout liés à la sécurité et à la confidentialité de vos données.

Selon un rapport de l'association des professionnels de la sécurité sur Internet, 97% de ces plateformes seraient en effet plus ou moins infectées. Différentes techniques sont utilisées par les pirates. Entre autres « douceurs » prévues, des fausses alertes sous forme de pop-up qui provoquent le téléchargement d’un malware, la présence d’un cheval de Troie, ou encore de logiciels de minage pour générer de la cryptomonnaie sur votre ordinateur…

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8 / 10