Le 27 avril dernier, Stéphane Richard, PDG d'Orange, déclarait : « Arrêtons de croire que l'on va continuer la guerre des prix. Dire que les prix vont continuer à baisser dans les années qui viennent, c'est une folie. On a en France aujourd'hui les prix qui sont les plus bas au monde en matière de téléphonie, il n'y a pas de marge de baisse ».
Cette déclaration arrivait deux semaines après une sortie de Xavier Niel, l'emblématique patron de Free : « On va continuer de faire baisser les tarifs. Sur le mobile on peut remettre un petit coup. Pour l'instant on a été trop plaisantins. On peut aller un peu plus loin. Il y a d'autres pays dans le monde où les tarifs sont deux à trois fois inférieurs à ceux de la France, je pense qu'on peut encore faire des petits trucs sur le mobile. »
Deux interventions à l'opposé, ce qui n'étonne finalement personne. Stéphane Richard est dans son rôle de patron d'un groupe qui cherche à consolider un marché dont les marges ont fondu depuis l'arrivée de Free Mobile en 2012.
Xavier Niel est lui aussi à sa place, celle d'un dirigeant dont l'entreprise doit attirer à elle de nouveaux clients, avec comme toujours, une part de provocation, et une communication savamment étudiée.
La différence de discours est donc compréhensible. En revanche, tous deux apportent, pour se justifier, des informations contradictoires quant au positionnement tarifaire des offres mobiles en France. Alors il est difficile de comparer toutes les offres mobiles de la Terre, mais nous avons retrouvé une étude de l'IBPT (le régulateur des télécoms belges) datant du mois d'août dernier et qui donne plutôt raison au patron d'Orange.
Cette étude a été menée sur une moyenne des prix sur trois opérateurs dans plusieurs pays d'Europe, en épluchant pas moins de 699 forfaits. La France arrive en première position sur les forfaits les moins chers, et si le Royaume-Uni repasse légèrement pour les forfaits dont la quantité de data est importante, la différence reste très légère.
Comment Free peut-il encore faire baisser les prix ?
Si Stéphane Richard a raison, comment dès lors Free pourrait-il faire bouger de nouveau les lignes comme il le prétend ? L'une des pistes à explorer concerne le créneau autour des 10 euros que Niel dit avoir volontairement laissé aux concurrents. Créneau dans lequel Bouygues s'est d'ailleurs engouffré, avec un forfait voix et SMS illimités.Niel a critiqué ce forfait, puisque d'après lui, la voix et les SMS ne valent plus rien. Si le patron de Free va au bout de sa logique, il devrait proposer un forfait autour de ces 10 euros avec de la data, quitte à ce que cette dernière prenne en charge la voix, afin de s'épargner les terminaisons d'appels.
On peut en second lieu envisager que ce forfait à prix imbattable soit lié à un forfait fixe, dans le cadre d'une offre quadruple play. Free a en effet pris du retard sur ce domaine dans lequel Bouygues ou SFR sont très bien positionnés. Ce choix pourrait faire croître le parc d'abonnés Freebox, qui rapporte plus à Free que sa branche mobile. Dans cette hypothèse plus probable et moins risquée pour l'opérateur, Free rattraperait son retard en profitant d'une annonce dont on suppose qu'elle sera retentissante, avec une couverture médiatique sur laquelle l'entreprise parie sans doute. Et c'est bien via le domaine de la communication que la bataille va se jouer au moins en partie. Dans ce cadre, le patron d'Orange a évidemment un rôle à jouer, et semble avoir d'ores et déjà intégré ce paramètre.
La dernière hypothèse est la plus drastique et n'aurait rien d'un exercice de communication. Free pourrait tout simplement choisir de sacrifier sa marge en choisissant de baisser le prix de son forfait de 20 à 15 euros, voire 10 euros pour les abonnés Freebox. La rumeur voudrait qu'en mars dernier, Xavier Niel ait annoncé à l'un de ses concurrents, lors d'un entretien téléphonique « Je vais tout péter, tout mettre à 10 euros ».
Un jeu dangereux pour l'opérateur, qui a fort à perdre avec ses près de 10 millions de clients. Mais un choix qui aurait sans nul doute pour effet d'attirer à lui de nombreux nouveaux clients. Et d'assommer définitivement Bouygues, qui pourrait alors être la victime collatérale de ce coup de poker. À trois opérateurs, le marché pourrait de nouveau se consolider. Finalement, Free et Orange cherchent peut-être bien le même résultat. Seule la manière diffère.