La formule est de Michel Combes, président de SFR. Invité au colloque « Vers le meilleur des deux mondes » organisé le 31 mai par NPA Conseils, le dirigeant a explicité la stratégie de l'opérateur. Ses propos sont rapportés par la lettre Edition multimédia. Pour lui, le temps où les opérateurs étaient des tuyaux est révolu. C'est bien ce qu'ont illustré les derniers mouvements de SFR, qui a racheté plusieurs médias, et créé des chaînes de télé.
Aux yeux de l'ancien patron d'Alcatel-Lucent, « l'alternative pour les opérateurs télécoms est simple : se cantonner au rôle de fournisseur de tuyaux dans lequel on essaie de nous inciter à rester, ou bien dépasser ce rôle originel pour être pourvoyeurs de services nous-mêmes et en quelque sorte devenir "les nouveaux GAFA" du monde qui s'ouvre afin de renouer avec la croissance ». D'où la convergence que mène le groupe entre les télécoms et les médias, « positionnant clairement le nouveau groupe SFR comme le premier GAFA européen ».
« C'est peut-être un peu ambitieux », tempère Michel Combes. Il est vrai que l'opérateur est bien loin des Google, Apple, Facebook et Amazon que rassemble cet acronyme. Il semble tout aussi loin de son petit frère la mode, les NATU, pour Netflix, Airbnb, Tesla et Uber. La folie des grandeurs ? Il faut y voir une nouvelle identité.
SFR se découvre une fibre publicitaire
Jusqu'à présent, on créditait les opérateurs voulant proposer du contenu de justifier leurs plus gros tuyaux... et de mener leurs clients vers des forfaits plus onéreux. Tout cela pour regonfler des marges, autrefois bien rondes, mais devenues raplapla depuis l'arrivée de Free Mobile dans le secteur des télécoms en 2012. Il est vrai que cette stratégie paie pour les opérateurs, à court terme. Mais à plus longue échéance, les FAI jouent à un autre jeu.Michel Combes, président de SFR - Crédit : Clubic.
En tout cas, SFR. Michel Combes prend l'exemple du rachat d'AOL par Verizon pour 4,4 milliards de dollars, ou des convoitises d'AT&T autour de Yahoo. « C'est pour aller chercher de nouvelles compétences - notamment dans le domaine de la publicité ciblée », clame-t-il. Alors que les opérateurs concentrent des portefeuilles de clients et des audiences immenses, pourquoi la pub resterait l'exclusivité des acteurs du numérique, après tout ?
SFR totalise un peu plus de 23 millions de clients, fixe et mobile confondus. Si on prend le cas d'Orange, c'est encore plus frappant, puisque l'opérateur historique, grâce à ses nombreuses présences en Afrique, en totalise plus de 260 millions ! Pourtant, comment les monétisent-ils, sinon avec la simple vente de forfaits et options ?
« Nous avons besoin de la data individuelle »
Une telle audience pourrait générer des revenus complémentaires grâce à la publicité. Or pour cela, il faut de la donnée. Problème, souligne Michel Combes : « Pour un opérateur télécoms, c'est difficile d'avoir accès à ces données car ses clients n'en voient pas la finalité ni l'intérêt. Alors que lorsque vous êtes un acteur de contenus, ils vont vous les donner. Donc (cela) nous donne accès aux data. Nous avons besoin de la data individuelle. »Edition multimédia indique qu'Altice, maison mère de SFR, est en train de finaliser le rachat du câblo-opérateur américain Cablevision (17,8 milliards de dollars). Avec cela, le groupe importerait les pratiques publicitaires qui ont lieu outre-Atlantique, où les câblo-opérateurs « ont eu un accès à une partie de l'inventaire publicitaire des programmes audiovisuels qu'ils distribuent ». Un modèle économique hybride, dont veut ainsi hériter SFR.
Voilà pourquoi il vient de récupérer les médias du groupe Altice (BFM, Libération, L'Express...) - en plus de l'optimisation fiscale de l'offre SFR Presse. Michel Combes est clair : « Nous souhaitons amener ces briques technologiques en France, où nous n'avons pas accès à cet inventaire de publicité. C'est une des raisons de rentrer dans le contenu, car cela nous donne en fait un inventaire publicitaire ». Clients, vous êtes ciblés !
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