Face aux critiques, le géant américain doit faire machine arrière sur la question des bloqueurs de publicité.
Manifest V3, la nouvelle version des règles encadrant l'utilisation des extensions pour Chrome, Edge ou encore Brave, ne fait pas l'unanimité. Notamment auprès des développeurs, qui craignent de ne plus pouvoir proposer de solutions convenables. Mais également du côté des défenseurs de la vie privée, qui dénoncent un forcing malvenu de la part de Google.
Alors, devinez qui pourrait en tirer profit ? Un des rares navigateurs web ne fonctionnant pas (encore) sous Chromium : Firefox.
Une victoire pour les traqueurs
Depuis quelque temps, Google entretient une relation particulière avec les bloqueurs de publicité. Si l'interdiction d'utiliser ce type d'outil sur YouTube a récemment fait grand bruit, l'arrivée progressive de Manifest V3 démontre que la firme se penche sur le sujet à plus grande échelle. En effet, en restreignant l'utilisation d'une API en particulier, appelée Declarative Net Request, l'entreprise est en train de rendre le travail des extensions comme AdBlock beaucoup plus difficile.
Comme l'explique Alexei Miagkov, de l'Electronic Frontier Foundation : « Si les extensions ne peuvent pas innover, les utilisateurs sont perdants et les traqueurs gagnants ». Google et les navigateurs basés sur Chromium étant ultra-dominants, les décisions du géant américain affectent la quasi-totalité des utilisateurs, qui n'ont alors que très peu de choix.
Une résistance solide à l'affût
Cependant, certaines entreprises et organisations ne basent pas leurs navigateurs sur le projet open-source de Google. Alors qu'Apple continue d'utiliser WebKit pour Safari, Mozilla s'accroche à Gecko pour Firefox. Cela signifie que les deux navigateurs restent indépendants de la firme de Mountain View, ce qui a un impact sur les développeurs d'extensions, et donc sur les utilisateurs.
Alors que Manifest V3 est critiqué pour certains de ses aspects, Mozilla est en train de l'intégrer dans Firefox afin de faciliter le portage des extensions depuis Chrome. Toutefois, cela ne se fait pas sans quelques retouches, notamment sur les éléments qui peuvent empêcher les bloqueurs de publicité de fonctionner correctement.
Les conséquences n'ont pas tardé à apparaître. Suite aux nouvelles politiques de répression sur YouTube, les utilisateurs se sont rués sur de nouvelles solutions pour éviter les annonces lors de la lecture de vidéos. Sauf que, désormais, rares sont ces outils fonctionnant correctement sur Chrome et consorts, contrairement à ceux développés pour Firefox.
Il pourrait s'agir d'une véritable menace pour Google, car les utilisateurs risquent de se diriger vers d’autres navigateurs. Et ce, après une domination de plusieurs années des logiciels utilisant Chromium.
Google ramené à la raison ?
La firme de Mountain View a donc décidé d'agir avant que les choses n'empirent. Si l'on sait désormais que Manifest V3 deviendra obligatoire en juin 2024 pour les extensions du Chrome Web Store, il a également subi quelques changements notoires. En particulier du côté de l'API Declarative Net Request, dont l'utilisation sera un peu plus souple qu'initialement prévu.
Une bonne nouvelle pour les bloqueurs de publicité, qui pourront offrir « la même qualité de filtrage qu'avec Manifest V2 », note Andrey Meshkov, directeur technique d'AdGuard. Cependant, pour Alexei Miagkov, tout n'est pas parfait : « Ces changements sont utiles, mais il s'agit d'améliorer un système limité dans sa conception ». Manifest V3 impose encore de nombreuses limitations aux développeurs, et il est probable qu'il y ait des tensions entre les développeurs et Google pendant un certain temps encore.
Reste à voir comment les navigateurs orientés vers la protection des données mais basés sur Chromium, à l'image de Brave, s'en sortiront. Mais, surtout, comment Firefox ou Safari tireront leur épingle du jeu.
Source : The Verge