Emmener le milliardaire Richard Branson et trois copassagers à la frontière de l'espace n'aura pas suffi à faire cesser les inquiétudes autour de Virgin Galactic. Un mois et demi après le vol, de nouveaux détails émergent : l'avion fusée a dévié de sa trajectoire, et la FAA a lancé une enquête qui, pour l'instant, l'empêche de voler.
Virgin assure que les conditions de sécurité ont toutefois été respectées.
Monter, oui, mais pas n'importe comment
L'avion fusée VSS Unity est aux mains de ses deux pilotes durant l'intégralité de son vol, depuis son largage à 15 kilomètres d'altitude via l'avion porteur de Virgin Galactic jusqu'à son atterrissage sur la piste du Spaceport America au Nouveau-Mexique. Le profil de vol est exigeant, car une fois le moteur fusée allumé, il faut contrôler l'appareil pour gagner de la vitesse, puis l'amener à la verticale (ou presque) tout en subissant une poussée importante. Cela signifie aussi que toute alerte donnée aux pilotes génère son lot de stress et, potentiellement, des décisions difficiles.
Nicholas Schmidle, reporter pour The New Yorker et auteur du livre Test Gods, a pu obtenir de ses sources internes à l'entreprise le compte rendu du vol du 11 juillet dernier, et le bilan n'est pas tout rose. Les pilotes ont d'abord du gérer une alerte intermédiaire (ou « jaune ») concernant le cône de trajectoire ascendante, puis une alerte « rouge », car ils s'étaient trop éloignés de la zone qui leur permettait normalement de planer jusqu'à la piste lors du retour. Ils ont cependant choisi de poursuivre leur trajectoire comme prévu. L'appareil est resté durant 1 minute et 41 secondes hors de sa zone d'opérations définie.
Virgin Fantastic…
Le reportage a généré beaucoup de discussions autour de Virgin Galactic, qui affirme travailler avec la fédération aéronautique américaine (FAA) pour « mieux communiquer » et « redéfinir les zones » que sont susceptibles de survoler ses appareils. Selon différentes sources américaines, la décision des pilotes de poursuivre le vol comme si de rien n'était est discutable : y aurait-il mieux valu stopper le moteur pour faire demi-tour et revenir à l'aéroport ? Sachant les pressions autour de ce vol ?
En clair, ont-ils cédé à la pression de cet « exploit » au prix de la sécurité des passagers ? Virgin affirme que non, et cela restera probablement un débat de spécialistes, l'entreprise se portant toujours bien en Bourse et ayant récemment rouvert son guichet pour la vente de billets. Reste que pour l'instant, la FAA a bloqué les vols de VSS Unity… Il ne s'agit donc pas que de témoignages.
Que des sourires autour de la machine à café
Ce n'est pas la première fois que l'on apprend après coup que quelque chose s'est mal passé lors d'une parabole de l'avion fusée. En 2018 déjà, l'appareil avait subi au cours de sa montée une suite impressionnante de tonneaux, tandis qu'en février 2019 une pièce s'était désolidarisée au niveau de la queue de l'appareil, l'équipage de 3 personnes étant chanceux de revenir en un seul morceau pour se poser sous les hourras des équipes de communication…
Virgin, pour sa part, martèle que la sécurité est la première préoccupation de l'entreprise et que ses vols sont menés avec toutes les précautions requises. Cela dit, le pilote, dont le témoignage était central pour le livre Test Gods et qui continue aujourd'hui à s'inquiéter du suivi des procédures… a été débarqué peu après la publication du livre. Belle ambiance.
Le prochain vol de VSS Unity est toujours attendu aux alentours de fin septembre (avec des passagers de l'Agence spatiale italienne), suivi par une période nécessaire de quatre mois sans voler, l'avion porteur (le VMS Eve) nécessitant d'importants travaux de maintenance avant que ne commencent des vols touristiques réguliers.