Dans l'esprit des jeunes générations étrangères, Japon rime souvent avec animation, jeux vidéos, mangas et high-tech. Un lien inhérent au fait que le pays du Soleil-Levant brille d'avantage sur la scène internationale par les produits issus de ses arts et techniques que par ses interventions politico-diplomatiques.
La promotion de la "culture populaire" et de la haute technologie remplace en partie. Ce nouvel arsenal au service de la puissance du pays du Soleil-Levant révèle sa dimension industrielle lors du salon "Tokyo International Anime Fair" (TAF), manifestation annuelle qui se tient ce week-end pour la septième édition consécutive dans la baie de Tokyo. Quelque 120.000 visiteurs sont attendus sur les stands de près de 300 exposants, japonais en très très grande majorité. Le TAF confirme ainsi d'année en année l'étendue des exploitations multi-supports des dessins animés japonais souvent adaptés de mangas populaires et le fait que les fans de high-tech sont rarement indifférents à ce qui se passe dans l'univers de « l'animé » et de la bande dessinée. On y croise les mêmes têtes que dans les grands salons nippon de l'électronique (Ceatec) et du jeu vidéo (Tokyo Game Show).
A mesure que les progrès technologiques le permettent, l'animation se perfectionne, attirant autant, sinon plus, les adultes que les enfants et adolescents. Les graphismes sont de plus en plus léchés, les enchaînements gagnent en fluidité et les bandes-son originales soignées n'ont, sur le plan de la réalisation, plus rien à envier à celles de longs-métrages de cinéma. Ce cocktail, préparé avec des outils d'effets vidéo et audio numériques très haut de gamme aux tarifs d'achats et d'exploitation exorbitants, répond aux exigences d'un vaste public de connaisseurs, habitués aux images époustouflantes en haute-définition et son multi-canal des films en salle ou des jeux vidéo.
Pour ne pas trop nous éloigner de la ligne éditoriale de ce site, nous ne ferons pas ici une revue de détails des nouvelles créations présentées, lesquelles attendront sans doute plusieurs mois pour être diffusées dans les cinémas ou sur les TV étrangères (après hélas avoir été piratées et mises illégalement en ligne pour les hordes d'impatients). Nous nous contenterons donc d'évoquer ce qui relève du progrès technique mis au service de la création et du divertissement multimédia.
Les yeux de l'auteur de ces lignes ont notamment été happés par une mini-projection d'un court métrage d'animation, "Umi no mori" (la forêt de la mer) en trois dimensions (3D), l'histoire d'un jeune garçon au milieu de poissons, réalisée par une petite équipe d'une vingtaine de jeunes créateurs des petits studios Welz Animation. Certes, il faut des lunettes spéciales pour voir les scènes en relief, mais quel relief ! Des sujets éloignés de plusieurs dizaines de mètres quand d'autres évoluent sous notre nez, à moins de dix centimètres, telle est la sensation perçue. On est vraiment plongés dans le décor animé et l'on se surprend à effectuer un mouvement de recul lorsqu'un des personnages, réellement sorti de l'écran, s'approche un peu trop près, surtout lorsqu'il s'agit d'un monstrueux animal marin.
Pour sûr, même pour qui n'est pas fana d'animation et ne se laisse pas envoûter par l'histoire, impossible de ne pas être stupéfié et séduit. En observant les réactions des spectateurs, on croirait revoir les images de jeunes enfants nippons d'après-guerre ébahis par les projections de dessins animés de l'époque. S'il n'est pas certain que les films incarnés aient tout intérêt à être projetés en 3D, l'animation elle, y gagne indiscutablement en féérie. Encore faut-il que l'écran soit très large, car sur une TV, l'effet tridimensionnel restera étriqué et de facto beaucoup moins spectaculaire. En attendant la généralisation de la 3D, les sorties d'animations sur DVD Blu-ray en haute-définition se multiplient. Le fait est que le saut qualitatif se voit déjà.
A l'opposé de cette dimension supérieure, un autre mouvement se dessine plus fortement d'année en année au Tokyo Anime Fair. Celui de l'exploitation des séries d'animation sur l'écran riquiqui des téléphones portables. De plus en plus de studios de création japonais (dont le géant Toei) et de chaînes de télévision nippones diffusent ainsi en flux vidéo (« streaming ») une partie de leurs productions les plus populaires sur des sites dédiés pour téléphones portables. La qualité des graphismes, la finesse des traits et la fluidité des images sont assez surprenantes, grâce à des débits adaptés à ce mode de diffusion sur infrastructures de troisième génération (3G ou 3,5G). Certes, la taille est encore trop limitée pour réellement apprécier le contenu, mais les progrès sont réels et l'offre de plus en plus attractive.
Comme les opérateurs nippons, NTT DoCoMo en tête, se démènent pour doper leurs réseaux cellulaires dans le but d'atteindre d'ici quelques années (2010) plusieurs dizaines de megabits par seconde en voie descendante (Super 3G), les obstacles techniques actuels seront aisément levés. Soit dit en passant, NTT DoCoMo a indiqué cette semaine qu'il venait de réussir une transmission sur infrastructure expérimentale extérieure avec un débit crête de 250 Mbit/s, un record. Pour les producteurs d'animation, le nouveau filon de la diffusion sur terminaux cellulaires est jugé très porteur et sûr (les contenus proposés sur des plates-formes dédiée aux mobiles sont mieux protégés que sur les sites internet pour PC). Le public de "l'anime" japonais, accro au "keitai" (portable), est en outre prêt à payer un abonnement mensuel ou à s'acquitter d'un prix par épisode pour visionner ses séries favorites ("Slam Dunk", "Dragon Ball Z", "Shinseiki Evangelion", etc.) ou écouter les musiques associées.
Fana d'animation, accros aux services sur téléphones portables, les Japonais sont aussi souvent fascinés par les robots. De fait, l'animation, qui a contribué à annihiler la phobie des êtres artificiels mécatroniques (si tant est qu'elle existât un jour au Japon), continue, depuis « Tetsuwan Atomu » ("Astroboy" ou "Astro, le petit robot"), de se nourrir de la création de héros cybernétiques. A l'instar de Gundam et consort, ledit "Atomu", oeuvre du papa du manga moderne, Osamu Tezuka, est désormais décliné en contenus pour diverses plates-formes multimédia. Et ce, pas seulement au Japon grâce à la maison de production Tezuka, mais aussi bientôt à l'étranger puisque Nokia vient d'en négocier l'exploitation pour ses téléphones vendus partout, sauf sur l'archipel.
Au pays du Soleil-Levant, il est déjà possible de louer les mangas numérisés et épisodes des animations tirées des oeuvres du prolifique Tezuka et de les transférer sur téléphones, baladeurs (Walkman de Sony ou iPod d'Apple) ou encore consoles de jeux portables (PSP de Sony et DS/DS Lite de Nintendo)
Dans un registre robotique différent, l'héroïne d'une nouvelle série animée de science fiction, qui sera diffusée à partir du 8 avril sur la chaîne japonaise NTV, existe sous la forme d'une androïde très réaliste co-dévoloppée par une filiale du groupe Sanrio, (créateur de Kitty-chan - « Hello Kitty »). Il s'agit d'une énième variante des humains artificiels que s'ingénie à concevoir un roboticien de l'université d'Osaka. On lui doit déjà les hôtesses d'accueil qui ont officié en 2005 lors de l'Exposition universelle d'Aichi (centre du Japon) ainsi que la femme cobaye pour étudiants en chirurgie dentaire actuellement torturée par des apprentis dentistes dans un institut universitaire spécialisé de Tokyo.
L'androïde "Holon" (c'est son nom) est une forte tête baraquée (1,75 m) qui, bien que figée sur cette photo, est capable de s'agiter et de tenir en respect ses interlocuteurs, dixit ses concepteurs. Dans le monde réel, "Holon" peut servir de standardiste et hôtesse d'appoint en dehors des heures de service de secrétaires en chair et en os.
Autre lien entre technologies, animation et divertissement, à travers le jeu proposé par le groupe Bandai-Namco. Baptisé «Off reco », il s'agit d'un karaoke d'un genre nouveau. Au lieu d'effectuer un play-bac à la place d'un chanteur, il s'agit de tenir le rôle d'acteur de doublage d'une scène de dessin animé. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est « tanoshii » (amusant), tant pour ceux qui se prêtent au jeu que pour ceux qui les regardent. Ce concept va assurément faire un malheur dans les milliers de salles de karaoke nippones qui l'adopteront. C'est tout pour cette semaine.
La prochaine fois, on vous promet un sujet moins léger pour satisfaire l'appétit des mordus de technologie pure et dure. Il en faut pour tous les goûts. D'ici là, mettez vos montres à l'heure d'été. Ici, on n'avance pas nos horloges mais on va s'enivrer sous les cerisiers en fleurs.