Live Japon : une technologie lumineuse

Vincent RAMARQUES
Publié le 05 avril 2008 à 00h03
Voici, comme chaque semaine un nouveau reportage en direct du Japon, réalisé grâce à notre correspondante permanente sur place : Karyn. Présente dans la célèbre ville de Tokyo, Karyn nous propose donc de nous faire vivre l'actualité high tech de ce côté-ci du globe. Dépaysement garanti !

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Comme promis, comme prévu, cette semaine, au menu, techniques pointues. Si vous n'en êtes point férus, passez votre tour. Ou mieux, si vous êtes curieux de savoir ce qui se trame dans quelques laboratoires nippons au sujet des technologies d'échange de données, bonne lecture. Au programme, la diffusion d'informations par la lumière visible.

Depuis la fin des années 1990, des chercheurs japonais planchent en nombre et sérieusement sur la façon de véhiculer des données en employant des rayonnements lumineux perceptibles par l'œil humain et plus encore par des capteurs photosensibles. Une technologie de plus pour arroser les individus d'informations multimédia.

L'idée d'exploiter la lumière comme véhicule de signaux n'est pas neuve et déjà largement employée depuis des lustres, et même quotidiennement par des millions de personnes pour transmettre des données. Par exemple lorsqu'un téléspectateur se sert d'une télécommande pour changer de chaîne, piloter son enregistreur de DVD, allumer ou éteindre son climatiseur ou autres appareils. Toutefois, ce mode de transmission utilise la lumière infrarouge située à l'extérieur du spectre humainement visible.

Mais l'idée « lumineuse » des chercheurs japonais, qui ont devancé sur ce plan leurs homologues étrangers, est d'exploiter la lumière située dans les gammes de fréquences visibles par l'œil humain, c'est-à-dire de longueur d'ondes de 380 nanomètres à 780 nanomètres, soit entre l'ultraviolet et l'infrarouge. Et ce en utilisant la lumière générée par des diodes électroluminescentes (LED), similaires à celles que l'on trouve dans des lampes de poche ou les dernières générations de feux de signalisation. Il s'agit grosso modo de cadencer une ou des LED au moyen de circuits de contrôle en fonction du contenu à transmettre pour émettre un signal (texte, image, son, vidéo) qu'un terminal de réception, par exemple un téléphone portable avec un capteur spécifique ou autre terminal de réception, saura décoder à l'aide d'un programme spécial.

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Par rapport aux autres technologies de transmission d'informations, le recours à la lumière visible offre beaucoup d'avantages, soulignent les scientifiques. En lumière visible, il est possible de porter la puissance d'éclairage à plusieurs dizaines de watts, et donc d'augmenter ainsi la portée ou les débits, sans danger pour les yeux, ce qui est techniquement faisable mais extrêmement risqué avec l'infrarouge. De plus cela ne requiert pas la mise en place de nouvelles coûteuses infrastructures, puisque les systèmes d'éclairage existent partout. Il suffit globalement d'ajouter des équipement d'encodage de données en amont et de remplacer des vulgaires ampoules par des LED, une transition déjà largement amorcée au Japon du moins et qui a pour autre vertu, non négligeable par les temps qui courent, de réduire la consommation électrique et les frais récurrents puisque les LED ont un rendement et une durée de vie supérieurs.

Par ailleurs, contrairement aux technologies de transmission sans fil à micro-ondes comme Wi-Fi, la lumière visible n'est pas accusée de comporter des risques pour la santé. On peut de plus l'employer partout librement, sans licence d'occupation du spectre, et mieux contrôler le champ de réception des données pour éviter leur interception par des tiers non autorisés. Des points résumés en une jolie formule par un chercheur de Casio (très en pointe dans ce domaine): « seulement maintenant, seulement là, seulement pour moi ». L'emploi de la lumière visible comme mode de locomotion d'informations est aussi possible dans les hôpitaux et autres lieux accueillant des appareillages sensibles sans risques d'interférences. La source de l'information, puisqu'elle est visible, est en outre immédiatement repérable. Autrement dit, on ne la cherche pas à tâtons, elle saute aux yeux.

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Cette technologie, encore en phase de recherches mais ayant donné lieu à moult expérimentations probantes, constitue donc un moyen d'offrir de façon simple, sûre et même ludique, de nouveaux services pour « faciliter la vie des gens ».

Installé dans des bureaux, un tel dispositif pourrait par exemple permettre de diffuser par les plafonniers des informations localisées à destination des ordinateurs de tous les salariés, sans passer par un quelconque réseau filaire ou sans fil. Selon les chercheurs nippons, il est possible d'atteindre des débits de plusieurs dizaines de mégabits par seconde, voire, à l'avenir, de l'ordre du gigabit par seconde.

Pour tester le système, des panneaux publicitaires et d'informations ont déjà été implantés à titre expérimental dans la gare de Nagoya (centre du Japon), ce qui peut par exemple permettre d'adresser un signal qui contient un son à des individus non-voyants munis d'un terminal de réception (un mobile par exemple) compatible. Des tests de diffusion d'informations ont aussi été conduits avec 150 utilisateurs dans l'aéroport du Kansai (ouest) pour guider les passagers dans le terminal.

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Les chercheurs imaginent également l'emploi des feux de signalisation qui sont de plus en plus souvent dotés de LED pour diffuser des informations sur la circulation ou signifier aux automobilistes des dépassements de vitesse. Il suffirait pour cela que des caméras orientées vers l'extérieur soient montées à l'avant des véhicules et reliées au terminal autoradio/GPS de bord. L'avantage réside dans le fait que seuls les automobiles présentes sur une voie donnée dans un sens déterminé reçoivent les informations pertinentes pour elles mais sans intérêt pour celles circulant dans une autre direction. Imaginez par exemple que le feu rouge transmette un signal qui indique dans combien de temps il va passer au rouge ou au vert. Cela permettrait de prévenir les conducteurs, de calmer l'impatience des plus pressés de redémarrer ou de sonner le rappel de ceux qui profitent des arrêts pour passer un coup de fil ou pour trifouiller leur poste de radio. Une matrice de LED de 10 watts sur une surface carrée de 35 centimètres de côté peut être perçue de jour à une distance d'un kilomètre par un capteur dédié, selon les expériences récemment conduites. Un même système pourrait aussi être utilisé pour les signalisations sur les voies de chemin de fer.

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Autres applications : en associant des LED directives à des thermomètres ou autre capteur d'un paramètre quelconque, il serait aussi possible de mesurer la température en un point distant donné et difficilement accessible (plafond élevé par exemple), simplement en captant le signal lumineux émis par la LED en fonction du niveau mesuré. Dans les musées, cette technologie pourrait aussi enrichir la visite. En se postant face à une œuvre, sous l'éclairage, on recevrait ainsi dans un casque audio spécifique des explications. Cela est certes déjà en œuvre avec des émetteurs infrarouges, mais le visiteur ne sait souvent pas où se placer pour recevoir le bon signal, car il n'en perçoit pas le champ de diffusion.

Avec un jet de lumière visible, il peut choisir sous quel parapluie lumineux se positionner. Il est même possible de diffuser les indications en plusieurs langues différentes, en associant une couleur de spot à un langage (rouge pour le japonais, jaune pour le chinois et bleu pour l'anglais). Le même judicieux procédé peut aussi servir pour gérer les retours audio des musiciens sur une scène. Le batteur, le chanteur, le guitariste et le bassiste, qui ne souhaitent pas entendre exactement le même mixage, seraient chacun arrosés par un signal lumineux différent porteur d'un dosage de sons approprié. De la même façon, les magasins pourraient utiliser les éclairages des rayons pour distiller dans des endroits précis des informations sur les produits alignés dans les étals, données que les clients recevraient sur leur téléphone portable grâce à un capteur spécial.

Inversement, au lieu de servir de récepteur, le mobile pourrait aussi, via son écran, faire office d'émetteur, grâce à un logiciel spécial. Par exemple, imaginez une affiche sur laquelle figure plusieurs pavés de couleurs différentes, chacun indiquant le type d'informations que l'on peut recevoir via le réseau cellulaire simplement en présentant face à ladite affiche (surmontée d'un récepteur photosensible relié à un serveur) l'écran de son téléphone portable couvert de la couleur choisie par le biais d'une application spécifique.

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Casio, l'une des sociétés les plus actives bien que ne fanfaronnant pas sur le sujet, envisage de doter ses appareils photos numériques d'un capteur spécial qui décrypterait un signal lumineux et le traduirait en message écrit sur le cliché. Concrètement, l'idée est la suivante : avant de se faire photographier, le sujet saisit sur son téléphone portable un message écrit. Puis, à l'aide d'un petit logiciel, ce message est transcrit en séquence lumineuse émise par des LED intégrées dans le téléphone portable que le sujet tient dans sa main au moment où il se fait tirer le portrait. L'appareil photo décrypte ce signal et l'inscrit sous forme d'une bulle style BD sur le cliché final. Les Japonais vont adorer cette innovation quand elle sera mise en oeuvre. Ce ne sont là que quelques exemples de ce qu'il est théoriquement possible de faire. L'Etat nippon est notamment très intéressé par le potentiel de ces technologies pour améliorer la diffusion d'informations sur les routes où sont d'ailleurs déjà déployés des émetteurs de données infrarouges et par ondes radio pour préciser l'état du trafic en temps réel à destination des autoradio/GPS et des panneaux indicateurs actifs.

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Pour que tout cela soit concrètement mis en œuvre, restent cependant à résoudre quelques points problématiques, notamment définir un standard et, en cas de besoin, la meilleure façon de gérer des échanges bidirectionnels, c'est-à-dire choisir une voie de retour idoine. Plusieurs programmes de recherches pluriannuels sont actuellement en cours dans les laboratoires de grandes entreprises nippones privées en pointe sur la fabrication et l'usage des LED, ainsi que dans les organismes publics. La plupart des grands acteurs de l'électronique et des télécommunications japonais sont impliqués dans ces travaux, à commencer par les opérateurs mobiles NTT DoCoMo et KDDI et les firmes nippones Casio, NEC, Matsushita, Sony, Sharp, etc réunis dans un consortium où l'on trouve aussi d'éminents universitaires. Un groupe d'étude spécial a également été constitué en novembre dernier au sein de l'Institut des Ingénieurs de l'Electronique et de l'Electricité (IEEE). L'Union Internationale des Télécommunications (UIT) est également en train de voir comment coordonner les travaux sur cette technologie prometteuse de façon à la mondialiser.

Chers technophiles, si avec cela vous n'êtes pas rassasiés, revenez samedi prochain, car notre flair nous dit que quelques innovations bien senties dans l'air du temps vont pointer le bout de leur nez au cours de la semaine à venir !
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