Live Japon : odeurs et molécules mobiles

Vincent RAMARQUES
Publié le 12 avril 2008 à 00h03
Voici, comme chaque semaine un nouveau reportage en direct du Japon, réalisé grâce à notre correspondante permanente sur place : Karyn. Présente dans la célèbre ville de Tokyo, Karyn nous propose donc de nous faire vivre l'actualité high tech de ce côté-ci du globe. Dépaysement garanti !

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On l'avait pressenti. On vous l'avait même à demi-mot dit. Il flottait dans l'air nippon la semaine dernière comme un parfum d'annonce imminente. Bien flairé. Lundi 7 avril, une filiale du géant des télécommunications japonais NTT a présenté un nouveau système qui permet de « télécharger des odeurs » et d'en télécommander l'émission à un diffuseur spécifique via un téléphone portable.

« Dans l'univers Internet, tous les gérants de portails proposent grosso-modo la même chose: e-mails, blogs, messagerie instantanée, photos, musiques, vidéos, etc.", souligne, perspicace, un dirigeant de NTT Communications, Akira Sakaino. Si bien que nous tentons tous en permanence de nous démarquer en offrant un type de services totalement nouveaux pour enrichir la communication en transmettant plus de sensations », poursuit-il. C'est ce constat bien senti qui a fait germer dans l'esprit des équipes de NTT l'envie de transmettre des odeurs à distance par réseau et de rechercher les moyens de la concrétiser. Des travaux proches ont d'ailleurs aussi été conduits il y a plusieurs années au Japon par qui avait même conçu un CD-Rom d'œnologie associé à un diffuseur d'arômes à connecter à un ordinateur.

La technologie mise en œuvre dans les deux cas consiste à transcrire des « recettes odorantes » sous forme de données numériques. Ce concept a d'abord été appliqué par NTT à partir de 2004 sur réseau fixe via un site web à l'attention des particuliers. Mais le service n'a pas vraiment tenu les internautes en haleine, notamment en raison du prix prohibitif du diffuseur. NTT Communications a mieux réussi dans le domaine professionnel, en signant par exemple des partenariats avec des hôtels. Ainsi, le prestigieux palace de Tokyo, Impérial Hotel, propose-t-il à ses clients un menu d'odeurs pour parfumer les chambres et les rendre plus agréables. Les occupants temporaires des suites peuvent sélectionner des ambiances odoriférantes en fonction des heures. Leurs choix sont enregistrés dans un serveur qui envoie aux moments dits les données à des diffuseurs installés dans les chambres. « Cela est plus simple et plus rapide que d'appeler les préposés pour changer des bougies odorantes dans chaque chambre », souligne, malicieusement, un responsable de ces activités de NTT Communications, Shinichi Hamada.

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Le système est aussi employé pour enrichir des publicités dans des lieux publics. Des effluves accompagnent des affiches ou la diffusion de spots sur des écrans, ou bien enrobent les produits dans les rayons des magasins. Des expérimentations ont également été conduites dans des cinémas où certaines scènes de films donnaient lieu à l'émission de senteurs signifiantes via un appareillage particulier installé dans quelques salles.

Alors que de plus en plus de Japonais se disent attirés par "l'aromathérapie", s'avouent sensibles aux vertus bienfaitrices des odeurs (qui peuvent les apaiser, les délasser, les rafraîchir) et sont prêts à payer un service dédié si cela leur apporte effectivement du bien-être, NTT Communications espère que son nouveau système via les mobiles (terminal préféré des Nippons) séduira autant les fournisseurs de contenus que leurs clients. Le dispositif en question se présente sous la forme d'un petit appareil de diffusion d'arômes, muni d'un bloc contenant 16 parfums de base qui, mélangés selon des dosages particuliers, peuvent générer plusieurs centaines d'arômes. « Environ 700 bouquets peuvent ainsi être créées, dont une centaine sont vraiment agréables à renifler », indique Hiroshi Yoshimoto, un dirigeant de la filiale nippone de la société Symrise, partenaire de NTT Communications dans cette activité.

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Pour diffuser une odeur dans son appartement, l'utilisateur est invité à télécharger sur son téléphone portable une application spécifique compatible avec la plate-forme de services mobiles "i-mode" de NTT DoCoMo, premier opérateur de télécommunications cellulaires japonais. Ce petit programme permet de sélectionner des recettes olfactives dans un catalogue en ligne, de les mémoriser, d'en créer de nouvelles, de les partager avec ses amis et d'adresser ensuite localement par infrarouge les données correspondantes au diffuseur, un petit objet encore à l'état de prototype avancé dont le design final reste à valider.

Les fichiers d'odeurs sont en gros similaires à des fichiers musicaux de type MIDI. C'est-à-dire qu'ils ne comportent pas eux-mêmes des notes parfumées, mais des codes incluant tous les paramètres requis qui permettent à un instrument de recréer ailleurs les odeurs en jouant la partition reçue.

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Outre le mode d'usage local par infrarouge, le concept de NTT prévoit une utilisation distante plus perfectionnée. Il est ainsi également possible de télécommander le diffuseur via le réseau cellulaire depuis un mobile, en se connectant à un serveur administré par NTT Communications. Le diffuseur est alors contrôlé à distance par le mobile qui adresse ses données à un boîtier ou à un équipement d'intérieur situé à proximité, ce dernier étant raccordé à Internet et équipé d'une couche logicielle dédiée. « Nous allons travailler avec divers fabricants de matériels électriques, informatiques et d'électro-ménager pour voir comment intégrer la fonction de diffusion d'odeurs dans leurs appareils, ce qui peut apporter un plus à leur ligne de produits et leur permettre de développer de nouveaux services », détaille M. Hamada. Par exemple, il est techniquement possible de loger cette fonction nouvelle dans un téléviseur avec prise réseau, ce qui inciterait des chaînes de télévision à accompagner leurs programmes de données pour générer l'émission de parfums liés au contenu vidéo, notamment, mais pas seulement, lors de la diffusion de publicités, durant des magazines culinaires ou touristiques, pendant les séries ou films, lorsque la sensation olfactive apporte un complément sensé et bienvenu.

NTT Communications avait déjà oeuvré en ce sens avec le groupe Tokyo Gas pour que les systèmes sophistiqués de commande d'équipements de salles de bain pilotent aussi un diffuseur d'odeurs en plus du réglage du chauffe-eau, de la gestion d'un programme musical et même de l'affichage de vidéos sur un écran spécifique. Outre les TV et ordinateurs, divers autres appareils, comme des réfrigérateurs ou des climatiseurs pourraient aussi tirer profit d'un tel système. On peut même imaginer des centrales d'alarme et équipements de sécurité dégageant des relents nauséabonds destinés à éloigner les bêtes et individus curieux. Le service de NTT Communications offre aussi la possibilité de programmer en ligne depuis son mobile une liste d'odeurs différentes à émettre selon les différents moments de la journée.

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La firme envisage non seulement de créer une nouvelle forme de communication entre particuliers, mais aussi de proposer aux fournisseurs de services Internet d'enrichir leur offre de contenus en ligne grâce à ce système. Dans le premier cas, on peut par exemple songer à des e-mails mobiles accompagnés d'une musique, d'une image et d'une recette aromatique. Celui qui le reçoit transmettrait alors à son propre diffuseur les données reçues pour humer le parfum que lui aura offert l'expéditeur. Dans le second cas, un fournisseur de services ou un annonceur pourrait faire de même avec des contenus vendus en ligne. "A l'avenir, il sera possible de télécharger simultanément une musique ou une vidéo et des odeurs pour les accompagner", selon NTT Communications. La radio nippone Tokyo FM avait déjà effectué une expérimentation avec la plate-forme sur réseau fixe en 2006 en associant un programme odorant à une émission matinale.

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Pour le moment, le prix du diffuseur avec récepteur infrarouge et prise USB n'est pas encore défini, mais NTT Communications aimerait qu'il ne dépasse pas 125 euros environ. Quant au lot de 16 cartouches, correspondant à environ un mois d'usage à raison de 2 ou 3 heures par jour, il devrait se situer aux alentours de 10 ou 12 euros. "Nous allons effectuer un test avec des utilisateurs-pilotes ce mois-ci pour identifier les éventuels soucis, répondre aux attentes et évaluer la pertinence de services", précise M. Hamada. L'une des difficultés réside par exemple dans le dosage, sachant que tout le monde n'a pas le même odorat et que tous les goûts sont dans la nature. Par ailleurs, une odeur souvent humée finit par ne plus être autant perçue à dosage identique, un phénomène que connaissent bien les parfumeurs et qui conduit les utilisateurs à s'asperger de plus en plus de leur eau de toilette préférée faute de la sentir alors qu'elle empeste pourtant l'atmosphère, au grand dam de l'entourage.

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En raisonnant à plus long terme, on peut aussi imaginer des téléphones portables équipés d'un capteur d'odeurs capable d'en analyser instantanément la composition et d'en déduire automatiquement un schéma de données pour le transmettre et reconstituer ailleurs le même parfum. Les photos, vidéos et sons souvenirs de vacances s'enrichiraient ainsi d'une dimension sensorielle supplémentaire.

Cette dernière idée nous rappelle une autre innovation présentée également très récemment par NTT DoCoMo, une première mondiale appelée « communication moléculaire », résultat de recherches chimiques menées en partenariat avec le professeur de sciences du vivant de l'Université de Tokyo, Kazuo Sutoh. Le but ultime est d'intégrer dans un téléphone portable une « biochip » à communication moléculaire, c'est-à-dire une puce qui analyse en temps réel un état biochimique pour transmettre les données résultantes via un réseau cellulaire.

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Un tel système pourrait par exemple permettre de diagnostiquer des maladies ou une émotion en analysant les biomolécules dans une goutte de sueur ou de sang. Cela suppose d'intégrer dans la "biochip" un mécanisme autonome (sans apport d'énergie externe) de transport biochimique de molécules spécifiques, procédé dont NTT DoCoMo et le professeur Satoh viennent de prouver la faisabilité. Une fois la décomposition effectuée, les données recueillies et mises en forme sont transmises par le mobile via le réseau de télécommunications sans fil vers un centre médical distant habilité à établir un diagnostic et à prodiguer en retour des conseils à l'utilisateur.

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Un téléphone portable muni d'une telle "biochip" pourrait aussi ouvrir la voie à d'autres types d'applications dans le domaine environnemental (analyse d'eau), dans le secteur de la sécurité ou même dans l'univers du divertissement. NTT DoCoMo et l'Université de Tokyo promettent de poursuivre ces recherches prometteuses pour déterminer dans un premier temps quelles sont les molécules compatibles avec un tel mécanisme et pour développer ensuite un système miniature qui puisse réellement être intégré dans une "biochip" susceptible d'être implantée dans un terminal mobile.
Vincent RAMARQUES
Par Vincent RAMARQUES

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