Stantum est une société pionnière en matière de technologie multipoint. Nous avons commercialisé notre première tablette à écran tactile multipoint dès l'année 2005. Il s'agissait alors d'un pupitre de contrôle dédié aux musiciens professionnels commercialisé à un prix proche des 2500 euros et utilisé entre autres par des artistes comme Daft Punk ou Björk. Mais c'est déjà en 2003 que nous avons commencé à travailler sur ces technologies. Détail amusant, la première machine multipoint que nous avons lancé en juin 2005 a été vendue aux Etats-Unis au département « nouvelles technologies tactiles » d'Apple.
« Lemur : terminal à écran tactile multipoint pour musiciens »
Au niveau de notre structure, nous sommes une société de droit français créée par trois fondateurs : moi-même, PDG de la société, Pascal Joguet, directeur technique, et julien Olivier, ingénieur hardware et software. Nous possédons actuellement environ la moitié des parts de Stantum. Nous avons effectué deux levées de fonds, la première d'un montant proche des 500 000 euros et la seconde d'un montant de 1,8 million d'euros auprès de capitaux risqueurs nationaux. Nous sommes actuellement en train de faire un troisième tour de table pour nous développer à l'international et plus précisément pour être présent en Asie et aux USA. Notre chiffre d'affaires en 2007 a été de moins d'un million d'euro pour une dizaine de salariés et nous comptons le tripler, voire le quadrupler, cette année avec désormais près d'une vingtaine de salariés à charge.
Vous commercialisiez donc déjà des écrans tactiles multipoint avant-même qu'Apple démocratise la technologie sur ses iPhone et iPod Touch ?
Seuls deux acteurs sur le marché sont prêts pour la production de masse d'écrans multipoint : Apple et nous. Nous avons commencé à commercialiser notre technologie aux sociétés OEM en 2007 et espérons annoncer prochainement la signature de plusieurs partenariats commerciaux de premier plan. Nous avons eu de la demande dans différents secteurs de l'industrie, des mobiles aux GPS autonomes à l'imagerie médicale en passant par les automobiles. Partout où il y a un écran tactile, c'est souvent le multipoint qui est désormais plébiscité. Notre cible principale est constituée des fabricants de semi-conducteurs car le coeur de la technologie est située dans une puce. Cependant, nos clients incluent également des intégrateurs, des fabricants d'écrans tactile ou d'écrans LCD. Et c'est plus précisément depuis la sortie de l'iPhone d'Apple que de nombreuses sociétés ont commencé à s'intéresser à nous.
Quelle est la différence entre la technologie multipoint utilisée sur l'iPhone et celle utilisée par votre technologie ?
Si l'on prend un écran tactile multipoint de 3,5 pouces, c'est à dire la même taille d'écran que l'iPhone, nous avons une résolution une fois et demi supérieure à celle du terminal d'Apple. Nous sommes capables d'avoir une précision de touché de l'ordre de 125 microns. Et l'avantage de notre technologie est qu'elle fonctionne aussi bien avec le doigt qu'avec le stylet, ce qui permet entre autres d'utiliser des applications de reconnaissance d'écriture. C'est un atout majeur pour des marchés comme la Chine ou la Corée. A noter que dans tous les cas, il sera possible d'exploiter un nombre presque infini de points sur un écran multipoint. L'iPhone utilise par exemple des logiciels qui n'exploitent que de deux doigts (zoom, défilement des pages), mais techniquement, il est possible d'utiliser cinq doigts sans soucis particulier. Il ne manque que les fonctions pour les exploiter tous.
La raison pour laquelle on ne peut pas utiliser de stylet sur l'iPhone est qu'il est doté d'un écran dit « capacitif » qui ne fonctionne qu'avec la pulpe du doigt. Il ne pourra pas être utilisé avec un ongle et fonctionne mal quand les doigts sont humides. A l'inverse, nous utilisons une technique dite « résistive » qui détecte tout type de pression à la surface de l'objet tactile.
Enfin, le dernier point à noter concerne l'autonomie. L'utilisation de la technologie multipoint d'Apple a un fort impact au niveau de son autonomie, contrairement à la notre. Avec un système capacitif, la principale plainte des fabricants de terminaux concerne sa consommation trop excessive. Nous sommes fiers de dire que pour l'instant, c'est justement l'un des points forts de nos technologies. C'est un avantage concurrentiel de premier plan. Nous avons en effet l'avantage d'avoir développé au départ nos propres produits pour ensuite les proposer à nos clients OEM. Nous avons d'ailleurs déposé plusieurs brevets à l'échelle mondiale, la plupart étant actuellement en phase d'extension, pour aller dans ce sens.
Concernant ces brevets, certains déposés par Apple créent-ils des tensions entre vos deux entités ?
Apple exploite un brevet très proche de l'un des nôtres mais ils l'ont déposé bien après nous. Grâce à la seule keynote de janvier 2007 avec l'annonce de l'iPhone, Steve Jobs nous a fait économiser des millions d'euros dans une campagne marketing pour démocratiser la technologique (rires). Je n'ai donc de problèmes ni avec Apple ni avec leur brevet. Globalement, depuis les premiers brevet déposés en 2004, nous en avons déposé de nombreux autres pour améliorer des critères importants comme l'optique ou la consommation.
Techniquement parlant, le multipoint peut-il fonctionner sur de petits écrans ?
Nous avons principalement de la demande sur trois tailles d'écran pour téléphones mobiles : 2,8 pouces, 3,5 pouces et 4,3 pouces. Cette dernière taille d'écran est plébiscitée entre autres pour les GPS autonomes mais également pour une nouvelle génération de téléphones mobiles. Le format 4,3 pouces représente d'ailleurs la surface totale de la face avant de l'iPhone. Nous pouvons concevoir des écrans de plus petite taille pour des caméras ou des appareils photo numériques. La technologie n'est de plus pas réellement adaptée au secteur des terminaux d'entrée de gamme. D'ailleurs, le marché de l'entrée de gamme ne propose dans la très grande majorité des cas pas d'écran tactile. C'est l'écran - qu'il soit tactile ou non - qui reste un produit relativement onéreux.
Les analystes confirment d'ailleurs que 33% du marché des téléphones devrait être tactile d'ici 2011. Aujourd'hui, le surcoût du multipoint est très léger par rapport à un écran tactile classique mais je pense que d'ici 3 ans, il n'y aura plus de différence de coût. Et si nous avons choisi de nous focaliser sur les écrans multipoint, c'est entre autres parce que le marché des écrans tactiles non multipoint est presque saturé par un nombre très important d'acteurs déjà présents. Très peu de smartphones « monopoint » devraient être disponibles en 2011.
Quels sont vos objectifs de vente en matière d'écrans multipoint ?
Selon l'insitut iSupply, ce sont plus de 800 millions d'unités d'écrans tactiles qui seront commercialisées en 2012. Compte tenu de la demande pour la technologie multipoint, entre 40 et 50% des écrans tactiles devraient en être équipés. Nous pensons que compte tenu de l'état de la concurrence, ce seront entre 150 et 200 millions d'écrans tactiles qui utiliseront notre technologie en 2011 au travers de licence. A comparer avec les 10 millions d'iPhone qui seront commercialisés cette année...
Comment va évoluer la technologie multipoint dans les prochaines années ?
Je pense que l'avenir du multipoint se situe en grande partie du côté des logiciels. Nous étofferons très prochainement notre offre commerciale en proposant une API multipoint. Cela facilitera la migration pour les développeurs vers le monde du mulitpoint. Aujourd'hui nos outils de développement fonctionnement sur tous types de plateformes PC (Mac OS X, Linux, Windows). Les OS mobiles seront prochainement pris en compte. Côté hardware, nous travaillons également sur les prochaines générations d'écrans multipoint. Par ailleurs, nous commençons également à nous intéresser au « retour de force » en exploitant l'haptique sur un écran multipoint.
Globalement, en général avec les technologies tactiles doivent être parfaites, faute de quoi elles deviennent très désagréables à utiliser.
Guillaume Largillier, je vous remercie.