AB - Marten Mickos. Quelle a été votre implication dans le rachat de MySQL AB par Sun Microsystems ?
MM - Mon implication a été totale, depuis les négociations en amont à la signature d'un accord en janvier, jusqu'à la finalisation du rachat le 26 février 2008. Vous voyez, nous n'avons pas traîné ! Bien sûr, la décision n'a pas été simple à prendre, notamment parce que nous envisagions, chez MySQL AB, d'entrer en bourse. J'ai contacté et rencontré Jonathan Shwartz, CEO de Sun. Nous avons beaucoup discuté. Sun est un groupe informatique d'envergure mondiale qui évolue dans le bon sens, en termes de gestion du capital humain et de contribution à l'écosystème open source. Après deux semaines d'hésitations, j'ai donné mon aval et transmis mes observations au conseil d'administration. Les actionnaires ont pris la décision finale. C'est une énorme responsabilité vis-à-vis des collaborateurs de MySQL. C'est aussi un pari que nous devons gagner.
AB - 1 milliard de dollars pour acquérir MySQL AB, est-ce un juste prix ?
MM - C'est trop juste (rires) !
AB - Comment l'équipe de MySQL AB, comment les fondateurs de la base open source, David Axmark, Allan Larsson et Michael Widenius, ont réagi à l'annonce de l'acquisition ?
MM - Lors d'une rencontre à Orlando, Floride, en janvier dernier, j'ai signalé à l'équipe que la société allait être rachetée par Sun. Les collaborateurs de MySQL ne m'ont pas cru, ils ont pensé : « encore une blague de Marten ». Il leur a fallu 15 minutes pour réaliser. Certains étaient tristes, choqués, d'autres ont pleuré. Passé le choc, ils ont repris le dessus. Jusqu'ici, une personne sur 400 a choisi de partir. La suite du processus d'intégration, si ce n'est les nombreux détails des nouveaux contrats de travail qui ont inquiété nos développeurs, a été très positive. L'équipe de MySQL AB, dont David et Michael (Allan n'a pas travaillé pour la société), a alors sérieusement envisagé les opportunités offertes par ce rachat, notamment la visibilité - une pleine page dans le Wall Street Journal aura participé à la prise de conscience. Par ailleurs, nos collaborateurs vont bénéficier des nombreux avantages que peut leur apporter une société comme Sun, en terme de couverture sociale, par exemple. Globalement, j'estime que Sun et MySQL forment une combinaison gagnante.
AB - Désormais présent sur le marché des bases de données, le groupe Sun Microsystems est-il prêt à concurrencer Oracle, Microsoft et IBM ?
MM - Absolument, nous sommes prêts ! Toutefois, il y a un marché que nous n'adresserons pas : celui de la machine à gaz. Nous nous engageons dans les applications orientées web, les télécoms, l'internet, le logiciel à la demande (SaaS ou Software as a Service) et, plus largement, la sphère numérique. Il y a une expression qui dit, en gros, « je ne veux pas de votre lunch, je choisis le dessert ! » J'ajoute que, à l'heure actuelle, MySQL est utilisée dans 12 millions d'installations à travers le monde, ça n'est pas rien.
AB - Quelle stratégie va développer Sun pour augmenter le nombre de clients payants de MySQL ?
MM - Comme vous savez, le serveur de bases de données, les pilotes et les outils MySQL sont fournis sous différentes licences en fonction des usages. Pour des applications open source, nos logiciels sont proposés sous licence libre (GPL). Pour les intégrateurs et les éditeurs de logiciels 'non libres', nous proposons des licences commerciales. Pour augmenter le nombre d'entreprises et d'organisations qui utilisent MySQL, Sun va s'appuyer sur ses forces de vente, soit 7000 collaborateurs à travers le monde. L'initiative ne plaira pas à tout le monde : on ne peut satisfaire l'ensemble des communautés - utilisateurs, contributeurs, 'power users' - Une chose est sûre, nous continuerons à développer une activité open source et commerciale saine. Nous recrutons !
AB - Marten Mickos, je vous remercie.
