Dans un rapport sur l'indépendance des médias publié par la commission Culture du Parlement européen mi-juin, la député estonienne Marianne Mikko annonce souhaiter encadrer plus strictement les contenus publiés sur les blogs (par les blogueurs comme par les utilisateurs). Dans cette tribune, Frédéric Montagnon, Président fondateur de la plateforme de blogs Overblog, exprime ses réticences quant à ce projet qui selon lui comporte plus de risques que de solutions.
Un projet irréaliste et dangereux
Nous accueillons avec enthousiasme des initiatives telles que la normalisation des procédures ou l'aménagement de la législation pour permettre une identification rapide et précise des auteurs en cas de publication de contenus illicites.
Cependant vouloir décerner un label en fonction des compétences ou du profil des auteurs, ou chercher à appliquer un filtrage sur les contenus en fonction de leur origine me semble à la fois irréaliste et dangereux :
-Irréaliste car techniquement il faudrait que tous les acteurs adoptent des outils d'évaluation et de filtrage communs. Or on sait bien que la caractéristique première du web est d'être diffus, et non centralisé.
-Dangereux car c'est forcément une atteinte à la liberté d'expression et le début d'une censure encore plus incontrôlable. Il n'y a aucune raison pour que certains n'aient pas le droit d'être lus.
Des risques de délocalisations des activités web
Les services utilisés par les Français sont majoritairement édités par des sociétés en dehors de l'Union Européenne. Imposer des règles à des sociétés françaises ou européennes risque de causer une perte de compétitivité à court terme, et une délocalisation des activités web hors UE à long terme.
De la même manière, les utilisateurs français se dirigeront vers des services hors UE car moins contraignants et plus anonymes en apparence. On imagine aisément les difficultés que rencontreront les structures de lutte contre la cybercriminalité si toutes les données sont hébergées en dehors de l'Union Européenne.
Des responsabilités multiples
Il ne faut pas oublier que la chaîne reliant un internaute qui publie à un internaute qui consulte fait intervenir les FAI, les moteurs de recherche, les hébergeurs, les éditeurs de logiciels...
Aucun projet de loi ne fait apparaître la responsabilité des moteurs de recherche là où les hébergeurs sont systématiquement pénalement impliqués. En effet il semble plus simple de contraindre des sociétés établies en France (FAI et hébergeur) même si cela ne règle pas le problème de fond.
L'autorégulation du marché est certainement la meilleure solution lorsque des technologies évoluées sont utilisées pour permettre aux internautes de s'exprimer, de collaborer et de classer les contenus. Pour preuve les projets open source, la richesse d'informations contenue sur les forums, les blogs...
Conclusion
Les décrets qui sont proposés aujourd'hui vont, s'ils sont signés, empêcher le développement d'acteurs du web en France sans pour autant résoudre les problèmes qui sont soulevés : contenus illégaux, contrôle parental, fiabilité de l'information.
Deux initiatives seraient en revanche vraiment utiles :
-apprendre aux enfants à l'école comment se servir d'Internet,
-investir dans des projets de recherche et dans des sociétés web capables de créer des technologies innovantes pouvant identifier des contenus à risques. (Overblog a commencé à le faire).
Enfin, seuls les moteurs de recherche ont une influence significative sur les flux de visiteurs sur Internet en France. Si un contenu illégal existe quelque part, seul un moteur de recherche le rend accessible au plus grand nombre.
Quel est le plus grave : héberger l'information frauduleuse ou indiquer où elle se trouve ? »
« Le Parlement Européen risque d’encadrer strictement la blogosphère », par Frédéric Montagnon
Publié le 02 juillet 2008 à 10h50
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