Humeur : Facebook ou le Big Brother participatif ?

Stéphane Ruscher
Par Stéphane Ruscher, Spécialiste informatique.
Publié le 22 avril 2009 à 16h47
Parce qu'il est parfois frustrant de commenter l'actualité tout en s'astreignant à une certaine réserve, la rédac' a récemment pris la décision d'ouvrir une rubrique « Humeur », qui nous permet d'offrir un regard plus personnel sur l'actualité de l'univers high-tech, au travers d'articles parfaitement subjectifs qui ne reflètent finalement que l'avis de leur auteur. Cette semaine, nous revenons sur les récents remous causés par les conditions d'utilisation et la nouvelle page d'accueil de Facebook...


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Il y a quelques semaines, Facebook a été victime d'une levée de boucliers. «Encore une ? » serait-on tenté de répondre, tant l'exercice est devenu monnaie courante. Il faut dire que l'entreprise créée par Mark Zuckerberg est coutumière d'une méthode particulière pour introduire des changements dans le fameux réseau social : on lance, et si ça hurle, on fait machine arrière. C'était le cas pour l'application Beacon, qui permettait à vos amis de visualiser vos achats sur des sites de commerce en ligne (voir notre brève Facebook et Beacon : Zuckerberg fait son mea culpa), ou plus récemment pour les changements apportés aux conditions d'utilisation qui prévoyaient tout simplement que les contenus publiés par l'utilisateur fassent l'objet d'une licence perpétuelle et irrévocable (voir notre brève Conditions de service : Facebook fait volte-face). Cette fois ci, la grogne concernait la nouvelle version de la page d'accueil, jugée trop complexe par les utilisateurs qui se retrouvaient submergés par l'actualité débordante de leurs amis virtuels. Là encore, Mark Zuckerberg a mangé son chapeau et accepté de faire volte face (voir notre brève Page d'accueil : Facebook va faire marche arrière). Mais cette série de « révoltes », et particulièrement la dernière, me pousse à me demander si ce qui dérange dans cette nouvelle page d'accueil n'est pas le fait qu'elle renvoie aux utilisateurs le côté « Big Brother participatif » de Facebook.

Un service intrusif ?

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Avant de poursuivre ce billet, je précise que je suis moi-même utilisateur de Facebook, même s'il m'arrive sincèrement de me demander pourquoi. Au fond, c'est quoi Facebook ? Un moyen de renouer le contact avec des gens que l'on a perdu de vue depuis 10 ans, avant de se rappeler soudainement pourquoi ? Un fil d'information continu sur l'activité des amis de vos amis que vous ne connaissez même pas ? Un moyen d'affirmer son appartenance au groupe « Faire caca chez les autres, c'est pas mon truc » ou « Contre les gens qui bloquent le passage dans les escalators » ? D'accord, je caricature. Mais j'ai l'impression que la plupart des crises du réseau social s'expliquent par le fait que Facebook est à l'extrême limite entre un service convivial et novateur (ce qu'il est indéniablement : c'est un moyen très pratique de rester en contact avec ses proches) et une invasion totale de la vie privée. Les utilisateurs du réseau sont prêts à dévoiler d'eux-mêmes un certain nombre d'informations personnelles, mais il suffit qu'une condition d'utilisation franchisse la limite pour que cela suscite un tollé. Le service permet de savoir à tout moment ce que font nos amis, mais la nouvelle « homepage » a montré que cette débauche d'informations frise l'overdose.

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Evidemment, il est tout à fait possible d'exercer un contrôle sur les informations que l'on souhaite dévoiler sur Facebook. Les options de confidentialité du service sont assez complètes : il est possible de réserver l'accès de la plupart des informations à ses amis, voire à soi même pour les cas les plus extrêmes, comme les photos et vidéos sur lesquelles on a été marqué. Néanmoins, ces options sont assez permissives par défaut, et l'utilisateur qui n'a pas envie de voir de photos compromettantes prises lors d'une soirée a tout intérêt à passer par la case « Confidentialité ». Le paramétrage ne supprime d'ailleurs pas complètement le risque : il se peut très bien qu'une photo personnelle sur laquelle vous n'êtes pas marqué, mais néanmoins présent, circule. Néanmoins, ces options de confidentialité se heurtent quelque part à la tentation de « jouer le jeu ». C'est le principe même des réseaux sociaux : créer des liens en dévoilant des centres d'intérêt, des affinités ou des connaissances communes. On peut utiliser ces services comme des outils strictement privés, afin de garder le contact avec quelques proches mais il y'a également une part d'exhibitionnisme dans le fait d'afficher ses goûts musicaux ou cinématographiques (voir la déferlante actuelle de Top 5 divers et variés), ou d'affirmer son appartenance à un groupe ou une communauté. On se retrouve du coup dans une position assez étrange : à la fois « victimes consentantes » d'une divulgation d'informations privées, et Big Brother de ses amis. A l'heure où on parle beaucoup d'anonymat, on peut se demander si le risque principal ne vient pas des utilisateurs eux mêmes. Toujours est il que Mark Zuckerberg a récemment annoncé un vote qui permettra aux utilisateurs de Facebook de choisir entre les conditions d'utilisation modifiées fin 2008 (licence perpétuelle), et une nouvelle version un peu plus permissive : cette fois, les contenus ne feraient l'objet d'une licence que pendant leur période de publication. Néanmoins, les images ou vidéos demeureraient sur les serveurs même après leur suppression, pendant une période indéterminée. Bref, quelle que soit l'option qui l'emportera, la vigilance restera de mise...
Stéphane Ruscher
Par Stéphane Ruscher
Spécialiste informatique

Tombé dans un Amstrad CPC quand j'étais petit, je teste des logiciels, des Mac, des claviers, des souris ou des tablettes pour Clubic depuis 2005. J'aime aussi écouter du rock et de la musique électronique, en faire même un peu, regarder des films pas trop bêtes, et rire d'humour absurde.

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