François Deltour, Effiliation : "Comme la guerre, l’affiliation est un art simple et d’exécution"

Jérôme Bouteiller
Publié le 01 juillet 2009 à 15h38
president-directeur-general de Effiliation, François Deltour revient sur l'origine et le modèle de l'affiliation. Un marketing à la performance, basé sur différents objectifs et différents formats publicitaires, et qui reste la chasse gardée de grandes plates-formes européennes.

JB -François Deltour, bonjour. Comment présenter l'affiliation ? Un modèle encore plus performant que le marketing à la performance grâce à un coût par action ?

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François Deltour
FD -L'affiliation s'appuie sur un principe éternel, vieux comme le commerce : « Je t'apporte un client, tu me donnes une commission. » Le web, les techniques de tracking ont permis d'intensifier et de systématiser ce schéma de relation pour en faire une modalité de génération de chiffre d'affaires essentielle pour les E Marchands. Concrètement, les plates-formes d'affiliation mettent en relation les marchands avec des sites ou des e-mailers . Ces affiliés vont leur amener un trafic qui générera des ventes. Le marchand ne rémunère que le chiffre d'affaires ainsi apporté sous forme, le plus souvent, d'un pourcentage de ce chiffre. C'est le principe du Coût par action ou C.P.A.

Ces commissions sont payées avec l'argent encaissé au comptant par les ventes ainsi apportées. Ce qui rend ce modèle encore plus attrayant. Pour nombre de marchands, la part du chiffre d'affaires générée par l'affiliation approche, ou dépasse, les 30% des ventes en ligne. Le marketing à la performance est l'ensemble des techniques qui associe un investissement commercial à une performance. La performance peut revêtir des formes très diverses, à laquelle correspond à chaque fois une rémunération spécifique : création de trafic rémunéré au clic (C.P.C), développement de chiffre d'affaires rémunéré le plus souvent sous forme de pourcentage du C.A - voire d'un montant fixe par commande-(C.P.A), génération de prospects, collecte d'adresses opt'in, rémunération fixe par remplissage de formulaire (C .P.L ou coût par lead) mais encore, recrutement de candidats pour des cabinets de recrutements, téléchargement d'une version d'évaluation de logiciel...(CPL)

Les plates-formes d'affiliation jouent là encore un rôle déterminant et ce, pour trois raisons :

-Elles sont en relation permanente avec des dizaines de milliers de sites et sont à même de trouver les bonnes sources qui vont permettre d'atteindre les objectifs de l'annonceur,

-Elles disposent des outils de tracking permettant de mesurer l'efficacité des actions entreprises et de les rémunérer en conséquence.

-Elles ont un savoir-faire unique pour concevoir, organiser et mettre en œuvre ce type d'actions.

JB -Historiquement, d'où vient ce modèle ?

FD -La légende voudrait que Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon.com soit le précurseur du modèle de l'affiliation. L'idée lui serait venu, fin 1997, lors d'un cocktail alors qu'il discutait avec un auteur diffusé par Amazon et qui se proposait d'établir un lien à partir de son site.

La réalité est -semble t'il-plus prosaïque. Avant cette date, les premiers sites « adultes », notamment cyberotica.com rémunérait les apports de trafic à la performance. C'est un peu moins prestigieux, mais cela illustre au moins la créativité de cette industrie !

JB -Que pèse t-il aujourd'hui sur le marché français ? Est-il impacté par la crise ?

FD -Avec 140 M€ d'investissement en 2008 et une croissance annuelle estimée de plus de 30%, l'affiliation représente chaque année une part plus importante des investissements commerciaux on-line. La crise actuelle génère deux types de mouvements. D'une part, Nous constatons, chez certains marchands, une baisse du panier moyen. Ce qui, de fait, réduit un peu notre activité chez ceux-ci. Plus fondamentalement, la considération accrue que peuvent avoir les annonceurs sur la rentabilité de leurs investissements renforce encore l'attractivité du modèle de l'affiliation. De ce fait, les budgets consacrés à l'affiliation sont très généralement non seulement maintenus mais même accrus dans l'environnement actuel.

JB -La dernière étude SRI opposait l'affiliation aux liens, aux bannières ou aux emails. Mais d'où vient exactement l'audience de l'affiliation ? De quoi est composé l'inventaire du secteur et de votre plate-forme en particulier ?

FD -C'est vrai qu'il y a là une confusion. En effet, dans cette étude on compare des supports (bannières, E Mails) à un modèle économique (l'affiliation).

Le support de l'affiliation, c'est à dire la manière dont l'annonceur est présent chez l'affilié peut revêtir des formes très variées :

La bannière : en terme de nombre d'affiliés, est le support le plus utilisé. En revanche, en terme de performance, il représente une part faible du volume de chiffre d'affaires généré. (10%)

Le mail : Il est utilisé soit par des sites s'étant constitué une base en propre, mais surtout par des E Mailers spécialisés disposant de bases très importantes et jouant le jeu de la performance. L'importance de ce support varie énormément selon la nature de l'annonceur. Il est le support privilégié des campagnes au lead (Assurance, Finances, Automobilses notamment). Son rôle est moindre en E Commerce.

Le catalogue produit : (flux XML et/ou CSV) il est utilisé notamment par les comparateurs, et génère une part importante des volumes de l'affiliation (25%). Les comparateurs génèrent un trafic de qualité avec des apports en nouveaux clients importants.

Les bons de réduction : représente souvent entre 20 et 25% du total du CA de l'affiliation. Le trafic généré par les sites de codes de réduction est relativement faible mais les taux de transformation associés sont très élevés. Ce canal, pour autant qu'il soit contrôlé, reste donc un puissant levier d'acquisition.

Les liens textes : indispensables, ils sont intégrés dans les contenus éditoriaux de sites thématiques ou bien encore utilisés par les keyworders ou les sites de cashback. (20/30% des ventes).

Les widgets : ils représentent la part la plus innovante de l'affiliation, et abritent une part de son futur. Les widgets sont merveilleux car ils permettent de travailler à la fois en fidélisation et en acquisition. Ils sont utilisés notamment par les blogs et les sites thématiques. Les volumes associés à ce support sont encore faibles, mais nous attendons de fortes croissances dans les années à venir.

... la vidéo, les démos produits au format flash, la liste complète est encore longue.

JB -Le CPM fait supporter le risque sur les annonceurs. Le CPA fait supporter le risque sur les supports. Pensez vous que le marché pourrait trouver une sorte d'équilibre avec un modèle au CPC ?

FD -En théorie, les différents types de rémunération ont leur logique et obéissent à des objectifs de nature différente.

-Le CPM : permet de travailler la visibilité et la notoriété d'une marque

-Le CPA : a pour objectif l'augmentation du chiffre d'affaires,

-Le CPL : rémunère la collecte de prospects.

-Le C.P.I (coût par installation) est notamment utilisé pour la distribution de widget ou d'application.

-Le CPC rémunère l'apport de trafic sans considération de transformation ultérieure.

Pour l'éditeur, ce modèle procure une certaine stabilité dans ses revenus. Pour l'annonceur ce type de rémunération lui donne accès à des sources de trafic auxquelles il n'aurait pas nécessairement eu accès.

Ce modèle a cependant ses limites car il n'offre aucune garantie sur la qualité du trafic livré et ne peut donc être raisonnablement généralisé.

D'autres rémunérations peuvent encore être activées, telles la « post-impression ». Ce modèle de rémunération est très présent dans les pays anglo-saxons (Allemagne notamment). Il est en train de démarrer en France.

Son principe ? Rémunérer la visibilité ou la notoriété à la performance. Comment ? En posant un cookie a durée de vie très courte (48 h) à chaque affichage de bannière et en rémunérant les ventes des acheteurs ayant reçu le cookie et donc ayant été exposé dans les 48 h précédant leur achat à la campagne de visibilité.

Chacun de ces modes de rémunération présente des avantages et des inconvénients. Je ne crois donc pas qu'il y ait un « bon modèle » de rémunération en soit. Il y a des modèles de rémunération adaptés à des situations, à des relations, à des objectifs. Effiliation et les autres plates-formes membres du C.P.A ont sur cette question un rôle de conseils très actif vis à vis de leurs clients.

JB -Le marché de l'affiliation est dominé par des acteurs européens. Comment expliquez-vous ce paradoxe quand on sait que les grands noms de la publicité en ligne sont désormais tous américains ?

FD -Pour paraphraser Clausewitz, on pourrait dire que l'affiliation, comme la guerre, est un art simple et tout d'exécution. Ainsi, nos équipes sont en lien permanent avec nos annonceurs et nos affiliés pour coordonner, animer, organiser, optimiser les campagnes et les programmes. L'affiliation, comme le commerce, est une matière très vivante et très humaine qui s'accommode très mal des « grands machins » automatisés. Or, la culture des grands leaders de la publicité, Google en tête, est une culture de la technologie, pas une culture du commerce, de la relation et de la proximité. Ainsi, en dépit de nombreuses annonces sur le sujet, ces grands acteurs n'ont jamais réellement percé dans le métier de l'affiliation.

JB -François Deltour, je vous remercie
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