A peine visibles et vendues plus de 75 euros pièce au Japon il y a quelque mois, les ampoules à LED sont désormais nombreuses et proposées à un tarif moitié moindre.
"La baisse des prix va probablement se poursuivre", prédit le patron de la filiale de luminaires de Toshiba, Shinichi Tsunekawa. Cela est essentiellement dû à deux raisons, confirme un vendeur de l'enseigne Bic Camera à Tokyo. "D'une part les progrès techniques ont permis de réduire les coûts de production en masse, et d'autre part la concurrence s'aiguise avec l'arrivée de nouveaux entrants qui n'étaient pas présents sur ce marché de l'éclairage mais qui y viennent armés de technologies efficientes", précise-t-il.
Le spécialiste des écrans à cristaux liquides (LCD) japonais, Sharp, est de ceux-là. Le responsable de la dégringolade des prix, ne cherchez pas, c'est lui. Il a en effet lancé cet été une gamme d'ampoules basées sur ses propres technologies (secrètes) à un prix deux fois inférieur à celui des modèles concurrents alors en rayon, qui plus est en faisant mieux sur le plan qualitatif. Sharp avait déjà annoncé un an auparavant son entrée sur le marché des éclairages à LED pour les usages professionnels. "Nous concentrons nos efforts sur la recherche et le développement de technologies et produits bons pour l'environnement et la santé", avait alors justifié un responsable de cette nouvelle activité chez Sharp. L'offre grand public a suivi, sans doute plus tôt que ne le pensait la concurrence.
"Sharp s'est aussi distingué avec ses ampoules en résolvant un problème afférent aux LED qui est que leur lumière est directionnelle. Il a le premier réussi à bien en homogénéiser la répartition", ajoute le vendeur. De fait, les ampoules à LED japonaises, à l'instar de celles du néerlandais Philips, ne ressemblent pas des agglomérats de grosses LED couverts d'un globe de verre, mais ont l'esthétique des ampoules traditionnelles. Elles en ont peu ou prou le même format. Pour parvenir à ce résultat, les fabricants japonais utilisent apparemment des savoir-faire techniques qu'ils maîtrisent parfaitement dans d'autres applications, par exemple dans le rétroéclairage d'écrans à cristaux liquides (LCD). Sharp confie cependant que l'homogénéité obtenue résulte en grande partie de la composition et de la forme particulière de la calotte translucide. Impossible d'en savoir plus cependant. Toshiba est plus loquace qui consent à ouvrir une de ses ampoules: à l'intérieur est logé un module plat couvert d'une couche de toute petites diodes, le tout ressemblant à un circuit intégré. Munies de culots standards, toutes ces nouvelles ampoules peuvent remplacer du jour au lendemain sur des douilles classiques les énergivores lampes à incandescence qui chauffent plus qu'elles n'éclairent.
Toutefois, le fait que lesdites ampoules à LED soient désormais techniquement au point et abordables ne suffit pas, car elles restent quand même 40 fois plus onéreuses à l'achat que les modèles d'antan à filament et 4 fois plus coûteuses que les plus récentes lampes fluorescentes compactes. Elles ne sont de fait rentables qu'à moyen et long termes, offrant une décennie d'utilisation à raison de 10 heures par jour en consommant jusqu'à huit fois moins d'électricité que les autres modèles, fussent-ils étiquetés "basse-consommation".
Pour convaincre les consommateurs, Sharp joue aussi sur l'ambiance. Ainsi, une des nouvelles ampoules proposées est vendue avec une télécommande. Cette dernière permet de changer la nuance sur sept niveaux d'un dégradé allant de l'orangé au blanc parfait. Il est aussi possible d'ajuster à souhait la luminosité de 0 à 100%. Une même télécommande peut contrôler toutes les ampoules d'une même pièce dans un rayon de 5 mètres.
Outre Toshiba et Sharp, le géant de l'électronique nippon Panasonic tente aussi de s'imposer sur ce marché en insistant sur les vertus écologiques de sa nouvelle gamme (basse consommation, durée de vie élevée, masse réduite et moindre utilisation de matériaux). Panasonic entend faire partie de ceux qui se partageront le marché jugé très prometteur des ampoules à diodes électroluminescentes (LED), alors que les modèles à incandescence au rendement très mauvais seront bientôt bannis des commerces et que ceux à tube fluorescent (ampoules fluocompactes) souffrent d'inconvénients à l'usage (temps nécessaire pour atteindre l'éclairage maximum). Une firme affiliée au groupe d'électronique nippon Mitsubishi Electric est aussi sur les rangs, de même que NEC qui a dû revoir ses projets initiaux à l'aune de ces rapides changements pour proposer des produits plus compétitifs que ceux qu'il envisageait de lancer, un imprévu qui l'a notamment conduit à confier la production à une usine chinoise.
Tous ces groupes d'électronique nippons ne limitent pas leurs ambitions aux frontières du Japon. Il vise le marché mondial et ne s'en cachent pas. Le conglomérat japonais Toshiba, qui fabrique aussi bien des réacteurs nucléaires que des ampoules électriques, a ainsi indiqué mercredi qu'il allait étendre ses ventes hors de l'archipel. "Nous prévoyons que notre division de nouveaux systèmes d'éclairage génère en 2015/2016 un chiffre d'affaires de 350 milliards de yens (2,6 milliards d'euros)", a déclaré un directeur général adjoint de Toshiba, Masashi Muromachi, lors d'une conférence de presse. Cette activité comprend les nouvelles ampoules à LED, les spots, lampadaires ou plafonniers et autres types de luminaires à LED pour des usages professionnels, ainsi que les composants nus et les rétroéclairages pour écrans vidéo ou les lampes embarquées dans les véhicules. "Nous mettons en place des nouvelles structures en Europe (France, Grande-Bretagne, Allemagne) et en Amérique du Nord afin d'y promouvoir et vendre ces produits", a ajouté M. Muromachi.
Le groupe, qui étudie aussi des implantations commerciales dédiées en Chine, Inde, Russie et Brésil, espère ainsi qu'au moins 30% de ses ventes de "nouveaux éclairages" se feront de l'étranger à l'horizon 2015. Actuellement, la division de luminaires de Toshiba, qui revendique un chiffre d'affaires de 200 milliards de yens (1,5 milliard d'euros) cette année n'en réalise au plus que 3% hors du Japon.
Les éclairages à LED ne représentent pour le moment qu'une infime proportion (2 à 3%) du total, mais leur part pourrait grimper à quelque 20% d'ici 2012, d'autant qu'ils peuvent nettement contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. "Allumée 10 heures par jour pendant 10 ans, une ampoule à LED génère 187 kilogrammes de CO2, 84% de moins qu'un modèle à incandescence qu'il faut en outre changer plusieurs fois dans ce laps de temps", insiste M. Tsunekawa.
Le nouveau gouvernement japonais s'est fixé pour objectif une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 25% entre les niveaux de 1990 et 2020, ce qui revient à une baisse de 30% par rapport à celui de 2005, car entretemps s'est produit une augmentation. Les foyers et petites entreprises seraient les principaux responsables de la difficulté du Japon à se conformer aux clauses du protocole de Kyoto qui exige du Japon qu'il diminue ses rejets de CO2 et autres gaz à effet de serre de 6% entre 1990 et 2012. Les autorités sont censées montrer l'exemple, par exemple en remplaçant les lampes des feux de signalisation ou les lampadaires des rues par des équivalents à LED. Des grandes chaines de magasins (supérettes Lawson et Seven Eleven notamment), qui veulent faire des économies à long terme et s'auréoler d'une image de responsabilité, ont commencé de remplacer par des LED les lumières de leurs enseignes, les plafonniers et les éclairages des rayons. Si tous s'y mettaient, l'effet serait important. En effet, les industries, bureaux, magasins, parkings et autres lieux professionnels et publics intérieurs et extérieurs sont responsables de 60% de la consommation électrique liée à l'éclairage totalisée au Japon.