Dura lex sed lex. En France, la loi punit d'un maximum de théorique de 75.000 euros d'amende le fait de divulguer avant la fermeture du dernier bureau de vote les estimations ou les résultats d'un scrutin politique. Dimanche, chaines de télévision et grands quotidiens ont joué le jeu et attendu 20 heures, l'heure légale, pour révéler les premières tendances associées au premier tour des élections régionales. Sur le Web, la victoire de la gauche était pourtant déjà annoncée, parfois juste à demi-mot, depuis environ deux heures.
Les premiers à tirer sont les médias belges et suisses, à qui la législation française ne s'applique logiquement pas. En Suisse, Le Temps livre de première estimations (inexactes) vers 18 heures, précédé de quelques minutes par le quotidien belge Le Soir, qui sur son compte Twitter diffuse en temps réel ou presque les chiffres qui lui parviennent.
A mots plus ou moins couverts, certains utilisateurs français du service reprennent rapidement ces informations, immédiatement épinglés par d'autres. Dans le lot se démarque notamment le compte Twitter de Jean-Jacques Bourdin, animateur de la matinale sur la radio RMC. Très vite, le message incriminé est supprimé, après que plusieurs internautes et journalistes ont fait remarquer son caractère illégal.« Casser l'embargo sur les élections régionales, c'est 75.000 euros d'amende. Je dis ça, je dis rien », lance par exemple à la cantonnade Eric Mettout, rédacteur en chef de lexpress.fr.
« La veille de chaque tour de scrutin ainsi que le jour de celui-ci, sont interdits, par quelque moyen que ce soit, la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage », indique en effet l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion. En théorie, une action en justice pourrait être ouverte si un candidat ou un parti s'estimait lésé par la publication anticipée des estimations de vote.
L'interdiction de diffuser les estimations de vote a-t-elle encore lieu d'être alors que tout internaute français peut accéder d'un clic aux médias de pays limitrophes, lesquels ne sont pas tenus de la respecter ? La question, qui s'était déjà posée pour les élections européennes de 2009, n'a toujours pas été tranchée par le ministère de l'Intérieur.