Olivier Bronner, bonjour. Pour commencer, pouvez-nous rappeler le positionnement de Plan.Net ?
OB - Plan.Net est une agence digitale, qui prend aussi bien en charge la création d'un concept publicitaire que l'achat d'espaces dans les médias ou la réalisation technique. Nous essayons d'offrir à ceux qui le souhaitent un package clé en main. Souvent, on vient nous voir pour des demandes en stratégie de communication qui ne sont pas forcément limitées au numérique, mais qui commencent par le numérique, pour un nouveau produit ou une nouvelle marque qui servent de terrain d'expérimentation. Cela dit, on sort petit à petit du digital pur. Nous avons également un positionnement international, puisque nous avons acheté une licence pour le marché français au groupe allemand Plan.Net. En parallèle, nous avons intégré un collectif d'agences interactives d'envergure, ce qui nous aide à aller chercher les annonceurs. Récemment, nous avons par exemple eu Fedex en plan média ou Lufthansa en création. Nous avons aussi géré le compte Apple en 2008 et 2009. Enfin, nous sommes indépendants, contrairement à tous ceux de nos concurrents qui ont rejoint les grands réseaux.
Pourquoi un grand compte devrait-il confier sa communication à un indépendant plutôt qu'à un grand réseau ?
Qui dit grand groupe dit grandes stars, mais seront-elles forcément impliquées ? Pour être intéressant à leurs yeux, il faut dépenser énormément. C'est le cercle classique : gros annonceurs, investissements importants, grands réseaux. Si l'on souhaite une implication plus importante, on a tout de même plutôt intérêt à faire confiance à une agence indépendante.
Bien sûr, ça n'a pas que des avantages. Pour la partie média par exemple, il me faut plus de temps pour obtenir les mêmes tarifs que les grandes centrales. Plus d'énergie aussi, mais grâce à ça, on fait du travail d'orfèvre, en cherchant des formats qui feront mouche ou en affinant la sélection des médias. La grande centrale est incapable de faire ça. Son argument, c'est le volume.
Quelle est votre position sur l'opposition performance Vs branding ?
L'objectif est d'amener les annonceurs sur le long terme. On les construit petit à petit, en les faisant évoluer. Prenez une marque comme Darty. En creusant le sillon pendant des années, avec un message constant, elle a réussi à devenir un des leaders du e-commerce en France au moment où sont arrivés des acteurs qui eux n'ont pas forcément pris le temps de vraiment construire leur marque. Il ne faut pas donc pas aller trop rapidement à la performance, et surtout ne pas oublier que le branding mène justement à la performance.
Un distributeur qui miserait tout sur la performance va céder à la guerre des prix, réduire sa marge et donc réduire les investissements dans sa marque. On entre dans un cercle vicieux. Si je fais une campagne de quatre semaines qui amène les internautes à ouvrir des comptes sur mon site, il n'y en aura sans doute plus une fois qu'elle sera arrivée à son terme et je devrai relancer la machine. D'où l'intérêt de creuser le sillon.
Soit. Comment bien le creuser dans ce cas d'une campagne en ligne ?
On a de plus en plus tendance à oublier certains vieux réflexes de la com' traditionnelle, à commencer par le principe d'unicité du message. Avec une mécanique simple : dire et répéter, répéter, répéter. La capacité d'écoute et de mémorisation est toujours plus réduite, particulièrement sur Internet. On considère le Web comme un média de la profondeur, donc on a tendance à diluer le message. C'est là qu'est le danger. Darty l'a bien compris : ils restent sur leur credo du Contrat de confiance et ça marche.
A côté de ça, on a une réelle nécessité d'innover pour émerger. La versatilité de l'internaute fait que c'est un peu lui qui a le pouvoir. La formule est éculée, mais il n'empêche qu'elle se vérifie, puisqu'il a la possibilité d'aller chercher l'information là où il le souhaite. Pour émerger, comme une marque, il faut donc devenir une marque utile, quelle que soit la nature de cette utilité : publique, écologique, sociale, divertissante, économique... Des marques d'aujourd'hui comme Kelkoo ou Leboncoin ont une utilité économique par exemple. Qu'on soit dans le monde de l'automobile, de l'assurance, de la finance ou des produits de grande consommateur, on se doit d'être dans cette tendance si l'on veut être regardé. Le coeur de notre métier, c'est justement de faire coller ce que réclame l'internaute à une plateforme de marque. Pour elle, c'est parfois douloureux, parce qu'elle pense que la communication est uniquement faite pour vendre.
La question ne concerne d'ailleurs plus seulement la communication. Sur Internet, on observe par exemple que s'installe une exigence de relation presque synchrone avec la marque, qui parfois peut aller jusqu'à bouleverser l'organisation de l'entreprise. Si l'on prend des exemples comme ce que Dell a fait sur Twitter, avec la création d'un service consommateur dédié, ou les banques qui ne fonctionnent plus qu'avec Internet comme seul point de contact, on assiste à des transformations lourdes, qui peuvent conduire à redéfinir certains pans de la structure de l'entreprise.
Est-il indispensable aujourd'hui de prévoir d'investir les réseaux sociaux dans le cadre d'un plan de communication ?
Le social media n'est qu'une autre manière de se connecter avec une audience. Nous aurions donc tendance à le voir comme une technique permettant d'arriver à un objectif de coût par contact offrant le meilleur rapport qualité prix. Là se pose le problème des carrefours d'audience naissants ou très récents. L'ampleur des investissements qui sont parfois consentis devraient nécessiter de longues périodes de test. Tous les autres médias bénéficient de track records de plusieurs années qu'on n'a pas sur les réseaux sociaux. Sans un historique de résultats vraiment importants, difficile de convaincre un annonceur d'investir plusieurs centaines de milliers d'euros sur une campagne. Du coup, on y va, mais plus prudemment, pour voir. Après, on a des marques nouvelles, qui n'ont pas les mêmes problématiques qu'un gros annonceur et qui parfois parviennent à créer leur notoriété via les réseaux sociaux, comme MyFab avec Facebook.
En matière de performance pure, Google est probablement voué à rester positionné comme la solution meilleur marché en matière de coût au contact, puisqu'il se connecte à l'audience qualifiée sans aucune démarche créative et sans la moindre perturbation du message. C'est donc l'outil de performance par excellence et il offre justement un track record aussi précis qu'important. On ne retrouve pas, pour l'instant, cette faculté dans les réseaux sociaux et on ne l'aura sans doute pas avant longtemps.
Il faut faire attention aux sirènes des nouvelles tendances si l'on ne veut pas se retrouver à changer de stratégie toutes les semaines. Il y a clairement un intérêt au fait d'aller sur les nouveaux médias, pour profiter du bénéfice de l'innovation, comme lorsque les premiers annonceurs ont débarqué sur Second Life, mais que se passe-t-il après ? Prenez Foursquare, qui sera sans doute le prochain hit en matière de réseaux sociaux. Le premier qui y fera une vraie campagne obtiendra que tout le monde parle de lui, mais drainera-t-il des ventes ?
Olivier Bronner, merci.