Claudine Haroche, sociologue émérite, sonne l'alarme : les écrans et l'isolement risquent d'accoucher de générations futures de conformistes. Voilà qu'elle nous exhorte à préserver la chaleur humaine et la profondeur des relations.
« Les écrans nous isolent-ils de l'essence humaine ? » Non, nous ne vous offrons pas sur un plateau le sujet du prochain bac philo en avance, mais bien la question que se pose la sociologue Claudine Haroche, chez nos confrères de la BBC. Celle qui est aussi directrice de recherche au CNRS met en garde des conséquences potentielles de la révolution technologique sur nos relations sociales et notre individualité.
Une transformation des relations sociales qui passe par la perte du contact, et de la réflexion
Pour Claudine Haroche, les enfants élevés dans cet environnement d'hyperconnectivité risquent de devenir une génération de conformistes, perdant tout contact humain authentique. Elle note que nos interactions ont évolué, passant de liens étroits et chaleureux, à des connexions anonymes et isolées. Les réseaux sociaux favoriseraient l'isolement plutôt que le lien social, d'après une récente étude.
Et cette transformation est accentuée par des sociétés toujours plus individualistes, où la technologie façonne la façon dont nous communiquons. La sociologue souligne la nécessité de préserver des relations profondes, « pour construire un tissu social sain ».
L'ubiquité des écrans et notre obsession pour la productivité nous ont éloignés du contact direct avec les autres, c'est un fait. Cette réalité nous pousse à nous exposer superficiellement à la société, tout en négligeant la profondeur de nos relations. Ce que nous explique Claudine Haroche, c'est que vivre dans une culture où notre être est « occupé » est certes valorisé, mais que cela limite notre capacité à réfléchir et à traiter nos émotions.
Réfléchir sur les identités et la vulnérabilité, pour préserver les relations humaines
Haroche identifie les bénéficiaires de cette désintégration sociale, pour elle « les États, les gouvernements et le système actuel lui-même ». La création de communautés authentiques serait ainsi en danger, car les expériences sociales deviennent superficielles. « La compétition remplace l'émulation (…) ce qui nous rend plus isolés et plus vulnérables », selon elle.
La sociologue est connue pour avoir défendu à plusieurs reprises le concept de la « société liquide » du philosophe Zygmunt Bauman, que l'on peut caractériser par l'incertitude et la transition perpétuelle. Elle en profite ici pour mettre en garde contre les dangers de cette fluidité, en particulier la perte de contact avec soi-même et la montée de la « cancel culture », qui entrave la liberté d'expression.
Voilà pourquoi madame Haroche plaide aujourd'hui pour un retour au toucher personnel et au contact réel, appelant à des conversations profondes et à l'humour comme moyens de résister à l'accélération et à la superficialité induites par la technologie. Elle appelle à une réconciliation entre la liberté, les liens profonds et la protection, mais aussi à repenser les identités masculines et féminines, soulignant que la différence conduit à la domination et à la radicalisation. Trouver un équilibre entre l'extérieur et l'intérieur en somme, afin de préserver la richesse des connexions humaines authentiques.
Source : BBC