Un nouveau superpouvoir de plus à imputer au cerveau © Lia Koltyrina / Shutterstock
Un nouveau superpouvoir de plus à imputer au cerveau © Lia Koltyrina / Shutterstock

Les neurosciences ont fait un grand pas et une découverte toute récente vient bouleverser notre compréhension de la communication neuronale : des molécules permettent aux neurones de communiquer sans contact direct.

Traditionnellement, nous savons que les neurones établissent leurs communications via la fente synaptique, un espace qui forme un point de contact entre eux. Les influx nerveux se passent d'une extrémité d'un neurone à l'autre (l'axone) en déclenchant la libération de molécules chimiques, les neurotransmetteurs. En face, le neurone récepteur reconnait ces molécules, ce qui opère des changements à l'intérieur de celui-ci : excitation ou inhibition du signal électrique. Cela permet aux informations de se transmettre à travers le réseau de neurones. Toutefois, un récent papier publié dans la prestigieuse revue Nature vient de révéler l'existence d'un nouveau mode de communication entre neurones, sans contact. Point de magie là-dedans mais de la neurochimie.

Les neuropeptides : messagers secrets du cerveau

Le cerveau serait donc déjà capable de communiquer en Wi-Fi 7 ? Blague à part, ce sont des recherches menées sur un petit ver millimétrique, le Caenorhabditis elegans, qui ont mis en lumière cette faculté. Grâce à cette petite bêbête, Isabel Beets et son équipe (Université catholique de Louvain) ont réussi à cartographier ce réseau sans fil que forment les neuropeptides.

Les neuropeptides sont des hormones, composées de petites protéines. Ils tiennent le rôle de neuromodulateurs, c'est-à-dire qu'ils modifient la manière dont les neurones communiquent entre eux. Grâce à cette découverte, on sait maintenant qu'ils ne font pas que compléter la communication synaptique, mais qu'ils constituent un système entièrement à part. Isabel Beets explique : « On pensait que le réseau qui repose sur les neuropeptides était là pour aider le réseau de signalisation synaptique (…) mais la carte montre que ce réseau de signalisation est étendu et qu'il est tout aussi important, complexe et peut-être même plus diversifié que le réseau de signalisation synaptique ».

 Caenorhabditis elegans, petit nématode bactérivore  © Science & Vie n°1237, Octobre 2020
Caenorhabditis elegans, petit nématode bactérivore © Science & Vie n°1237, Octobre 2020

Nouvelles perspectives en neurosciences

Comme souvent en neurosciences, cette découverte et ses impacts ne s'arrête pas aux frontières de la seule espèce étudiée, en l'occurrence, le Caenorhabditis elegans. Les implications potentielles sont bien plus larges. William Schafer, neuroscientifique au MRC Laboratory of Molecular Biology de Cambridge, envisage déjà d'étendre le modèle présenté dans cette étude à d'autres organismes.  « Ces articles constituent d'excellents exemples d'une exploitation judicieuse d'un organisme simple, mais bien étudié, doté de nombreux outils moléculaires et génétiques. Nous pourrons en tirer des enseignements, qui, j'en suis absolument convaincu, s'appliqueront à tous les autres animaux ».

Ainsi, comprendre davantage de nouveau réseau « sans fil » pourrait complètement changer notre approche de la dynamique neuronale. C'est un paradigme qui tombe, ouvrant peut-être de nouvelles voies à explorer en neurologie et en pharmacologie.