Le lanceur nord-coréen Chollima-1 lors d'une de ses tentatives infructueuses. © NATA
Le lanceur nord-coréen Chollima-1 lors d'une de ses tentatives infructueuses. © NATA

Quelques semaines à peine sont passé depuis que la Corée du Nord a réussi à envoyer en orbite son premier satellite-espion. Un décollage très critiqué de l'autre côté de la zone démilitarisée. Mais ce lundi, c'est un lanceur issu des travaux de la défense de Corée du Sud qui a décollé pour l'orbite. Démonstration de puissance ?

La Corée du Nord est bien connue, et en particulier ces dernières années, pour ses réguliers essais de missiles balistiques à longue portée. Les alertes sur les territoires de Corée du Sud, du Japon et sur les différentes bases américaines du théâtre Pacifique sont récurrentes. Pour autant, la Corée du Nord est aussi une puissance spatiale, et ce, depuis 2012 et l'envoi de son premier satellite avec une fusée Unha-3. Il aura fallu plusieurs tests pour réussir en 2012 et 2016 et chacun d'entre eux a été dénoncé par les voisins de la Corée du Nord comme autant de tentatives de développer des missiles intercontinentaux. Et ce fut encore le cas en 2023 ! En effet, après 7 ans de pause, leur base de Sohae a repris vie. Puis les équipes militaires ont à nouveau entrepris une campagne de lancement orbital… La Corée du Nord était déterminée à envoyer son premier satellite militaire de reconnaissance, Malligyong-1, en orbite.

Les quelques hoquets de Chollima-1

Les efforts de la Corée du Nord se sont poursuivis tout au long de l'année, avec leur nouvelle fusée orbitale, Chollima-1. Cette dernière est plus puissante que les anciennes générations (dérivées des bien vieux missiles Scuds), et selon plusieurs observateurs, les équipes ont peut-être bénéficié de l'expertise russe au cours de l'année 2023 dans le cadre d'échanges contre de l'armement, en particulier des munitions utilisées dans l'invasion de l'Ukraine.

Quoi qu'il en soit, Chollima-1 est capable d'embarquer sur le papier un satellite d'environ 300 kg jusqu'à l'orbite basse à environ 500 km d'altitude. Le premier décollage a eu lieu le 30 mai, et s'est soldé très rapidement par un échec, avec des débris qui sont tombés en mer Jaune. Une aubaine pour les renseignements militaires de Corée du Sud, lesquels se sont empressés d'étudier les pièces retrouvées. Le Nord n'a pas perdu de temps pour trouver la cause du problème, avec un deuxième lancement orbital le 23 août, qui passe très près de réussir. Malgré tout, le système de sauvegarde s'active de façon inopinée et détruit le dernier étage du lanceur avec sa charge utile.

Le dirigeant du pays, Kim Jong Un, inspecte les locaux de l'agence avec le "satellite-espion". © NATA
Le dirigeant du pays, Kim Jong Un, inspecte les locaux de l'agence avec le "satellite-espion". © NATA

La Corée du Nord réussit sa mise en orbite

Mais le 21 novembre dernier, les efforts nord-coréens sont récompensés. Chollima-1 atteint l'orbite basse, et libère avec succès un nouveau satellite pour la dictature de Kim Jong Un. À noter que ce véhicule n'a évidemment pas les capacités des « satellites-espions » récents produits autour du monde, mais pour la Corée du Nord, c'est une véritable petite révolution militaire, car cela représente un moyen d'observation indépendant.

Ironiquement, c'est bien la Corée du Sud qui dénonce le plus fort ce nouvel accès à l'orbite du régime de Pyongyang… alors même que le pays démocratique est en plein milieu d'une ample campagne d'assemblage et de lancements de 5 satellites dédiés à la défense dont l'objectif est de disposer d'une surveillance 24h/24 au-dessus de la péninsule coréenne !

La Corée du Sud est en pleine expansion spatiale

De ce point de vue, la désescalade n'est pas pour demain. La Corée du Sud est en effet de plus en plus active pour des activités spatiales civiles, mais aussi militaires. Nous avons déjà parlé ici de la sonde lunaire Danuri, et évoqué la réussite du premier lanceur orbital entièrement conçu dans la république de Séoul (KSLV II), mais le pays a mis les bouchées doubles du côté militaire ces derniers mois. Satellites d'observation, satellites-radar (le dernier en date a décollé avec Falcon 9), et depuis ce lundi, un nouveau petit lanceur, cette fois directement développé par le secteur de la défense.

Le « Véhicule de test à ergols solides TV2 » (il n'a pas vraiment de nom) a décollé depuis une plateforme en mer au large de Jeju… Et à l'instar de ce que dénoncent régulièrement les adversaires de la Corée du Nord, il ne s'agissait ni plus ni moins que d'un missile modifié pour emmener des charges utiles en orbite. Le régime militaire n'a d'ailleurs pas manqué l'occasion de protester en montrant du doigt « les doubles standards » de Washington en la matière.

La fusée qui a décollé au large de l'île de Jeju pouvait facilement passer pour un missile. Sous la coiffe, un petit satellite radar (civil, celui-ci). © Yonhap

Il ne faudra pas déraper

Derrière ces dénonciations mutuelles, les deux Corée vont probablement poursuivre leurs efforts en 2024 et au-delà. En effet, chacune veut mieux surveiller son voisin ainsi que les nations qui l'aident ou sont prêtes à l'aider militairement (la Russie d'un côté, les États-Unis de l'autre). Le risque est naturellement celui d'un dérapage, que ce soit lors d'un décollage d'une fusée avec une interception par un système de défense ou via une incompréhension en orbite.

En effet, une panne subite ou un impact de débris sur un satellite nord-coréen pourrait tout à fait être interprété comme quelque chose d'hostile… D'autant plus que le pays n'a pas les moyens, du fait de son isolement, de surveiller son environnement aussi efficacement que d'autres. Sans oublier le risque de l'envoi futur de véhicules spatiaux plus militarisés, même sans souffrir d'une psychose à la bombe.

Source : 

Reuters