Confrontée à une affaire entre deux concurrents sur fond d'accessibilité numérique, le tribunal de commerce de Paris a jugé que le dénigrement sur les réseaux sociaux est condamnable, lorsqu'il ne repose pas sur une base factuelle suffisante.
Le 27 novembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a pris une décision marquante en condamnant la société Koena, spécialisée dans les systèmes informatiques et l'accessibilité numérique, à verser des dommages et intérêts substantiels à son concurrent, l'entreprise Facil'iti. La première citée avait diffusé des messages dégradants à l'encontre de la seconde, sur les réseaux sociaux. Le juge n'a pas tergiversé.
Des propos dénigrants d'un concurrent à un autre, sur les réseaux sociaux
En 2021, la société Koena s'était fendue de tweets sévères sur la solution d'accessibilité numérique de Facil'iti. Selon Koena, celle de son concurrent ne répondait pas aux besoins des personnes en situation de handicap et n'était pas conforme au Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA). Elle avait aussi lancé un appel à témoignages sur les réseaux sociaux, pour discréditer la solution de son concurrent.
« Arrêtons les messages mensongers ! Non,@FAcilit’I ne permet pas de rendre accessible son site aux personnes en situation de handicap, mais modifie seulement l’apparence des pages : cette solution ne répond pas aux besoins des internautes »
« Donc pour être clair, @FACIL_ITI ne rend pas #accessible des #formulaires, #images cliquables ou autres obstacles rencontrés par les #internautes en situation de #handicap (nos surlignements), et n’assure pas + la conformité au #RGAA ! Ce n’est pas une solution miracle d’#Accessibilité Numérique ! »
Les deux tweets en question.
Facil'iti avait demandé à Koena, le 21 avril 2021, de retirer ses messages. Mais la tentative fut veine, ce qui justifie la saisine du tribunal de commerce de Paris. Ce dernier, dans son jugement, a rappelé que le dénigrement consiste à répandre des informations malveillantes dans le but de nuire à un concurrent, peu importe leur exactitude. Le juge a d'ailleurs souligné l'absence de neutralité et de mesure dans les propos de Koena, en faisant référence au terme « mensonger », employé selon lui « sans base factuelle suffisante et sans mesure ».
La justice tranche et fixe les limites
Le tribunal a insisté sur le fait que l'utilisation du terme « accessibilité numérique », vantée par Facil'iti, n'est pas exclusif aux seuls acteurs assujettis au RGAA. Le référentiel, imposé à l'État, aux collectivités locales et à certaines entreprises, n'est ici pas la seule méthode permettant d'atteindre ce fameux objectif d'accessibilité.
La société Koena s'est vu condamnée à verser 11 256 euros de dommages-intérêts à l'entreprise Facil'iti en réparation du préjudice matériel subi, auxquels on doit ajouter 5 000 euros pour le préjudice moral, et les 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Facil'iti réclamait plus de 115 000 euros d'indemnisation. Les juges ont considéré que les deux tweets dénigrants, qui accusaient la solution de Facil'iti de ne pas être conforme aux normes d'accessibilité, dépassaient les limites de la critique libre, en raison d'un manque de nuance et de base factuelle.
La condamnation dont nous vous parlons aujourd'hui souligne l'importance de la responsabilité dans les critiques publiques, en particulier dans le domaine de la technologie et de l'accessibilité. Les entreprises doivent exercer une critique constructive et éviter les déclarations excessives qui pourraient nuire à l'image de leurs concurrents, si elles ne veulent pas être rattrapées par la patrouille.
Source : Legalis