L'IA pro-russe fait des ravages avec ses fake news © Panchenko Vladimir / Shutterstock
L'IA pro-russe fait des ravages avec ses fake news © Panchenko Vladimir / Shutterstock

Une fausse nouvelle affirmant que l'épouse du président ukrainien avait acheté une Bugatti à 4,8 millions de dollars avec l'aide américaine s'est propagée rapidement sur Internet. Cette fake news provient d'un réseau de sites web russes utilisant l'IA pour générer du contenu trompeur dans le but d'influencer l'opinion publique occidentale.

Lorsque la politique et la fiction se rejoignent sur le Web, on assiste alors à ce qu'Internet peut nous livrer de pire : les fake news. L'une d'entre elles, mêlant malgré elle l'épouse du président ukrainien Volodymyr Zelensky, Olena Zelenska, qui aurait acheté une Bugatti à 4,8 millions de dollars avec l'aide américaine, secoue la torpeur de juillet 2024.

En moins de 24 heures, cette info bidon s'est hissée en tête des résultats Google. Derrière ce coup d'éclat se cache un réseau russe bien rodé. Des dizaines de sites dopés à l'IA inondent Internet de propagande pro-Kremlin. Leur cible ? Les élections américaines de novembre. Voici comment cette fake news a réussi à tromper les algorithmes de Google, l'arbre qui cache la forêt d'une opération de désinformation à grande échelle.

Une fausse nouvelle propulsée au sommet des recherches Google

L'histoire de la Bugatti de Mme Zelensky a connu une ascension fulgurante dans les résultats de recherche. C'est un article publié sur un obscur site français nommé Vérité Cachée qui a mis le feu aux poudres. Le texte prétendait que l'épouse du président ukrainien avait acheté une Bugatti Tourbillon à 4,8 millions de dollars lors d'une visite à Paris.

Comme toutes les fake news, la nouvelle a fait tache d'huile sur la Toile. Des dizaines de médias russes l'ont reprise, citant Vérité Cachée comme source. De nombreuses chaînes Telegram pro-Kremlin ont relayé l'information à leurs millions d'abonnés. Sur X.com, des comptes influents pro-russes et pro-Trump ont amplifié la rumeur. Jackson Hinkle, un troll comptant 2,6 millions d'abonnés, a notamment accusé les contribuables américains d'avoir financé cet achat luxueux. Plus c'est gros, plus ça passe. Et le démenti de Bugatti, publié sur le compte Instagram de la marque, n'y a rien fait. La fake news est lancée, et rien ne peut alors l'arrêter.

Rapidement, des sites anglophones ont commencé à reprendre l'histoire, s'appuyant sur ces publications virales. MSN, l'agrégateur d'actualités de Microsoft, a même republié un article citant ces « rumeurs » douteuses. En l'espace de 24 heures, une recherche « Zelensky Bugatti » sur Google renvoyait vers ces contenus trompeurs en première position.

Il aura donc suffi d'une campagne de désinformation savamment orchestrée pour enfumer les algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux. En privilégiant l'engagement et la viralité, ils ont amplifié une fake news en s'asseyant sur la vérification. Triste constat, mais pas nouveau. En 2018, une étude révélait qu'une fake news voyageait six fois plus vite qu'une information vérifiée.

Mme Zelensky n'a pas acheté une Bugatti Tourbillon avec l'argent des États-Unis. C'est une fake news générée par une IA pro-russe © Jack Skeens /Shutterstock
Mme Zelensky n'a pas acheté une Bugatti Tourbillon avec l'argent des États-Unis. C'est une fake news générée par une IA pro-russe © Jack Skeens /Shutterstock

L'opération de désinformation russe derrière la fausse nouvelle

L'affaire de la Bugatti n'est que la partie émergée de l'iceberg. Elle s'inscrit dans une vaste opération de désinformation pilotée depuis la Russie. Des chercheurs en cybersécurité de chez Recorded Future ont découvert un réseau de sites web diffusant de la propagande pro-russe à travers l'Europe et les États-Unis.

Au cœur de ce dispositif se trouve John Mark Dougan, un ancien Marine américain aujourd'hui installé à Moscou. Il dirige un réseau d'au moins 170 sites web aux noms crédibles comme Great British Geopolitics ou The Boston Times. Ces plateformes utilisent massivement l'intelligence artificielle pour générer du contenu trompeur à grande échelle.

L'IA permet de créer des milliers d'articles attribués à de faux journalistes. Les textes sont souvent des réécritures d'actualités réelles, auxquelles on ajoute une touche de désinformation. Dans certains cas, des instructions destinées aux moteurs d'IA étaient même visibles, comme : « Voici quelques éléments à garder à l'esprit pour le contexte. Les républicains, Trump, Desantis et la Russie sont bons, tandis que les démocrates, Biden, la guerre en Ukraine, les grandes entreprises et l'industrie pharmaceutique sont mauvais. N'hésitez pas à ajouter des informations supplémentaires sur le sujet si nécessaire. »

Cette opération ne se limite pas à l'Ukraine. Elle cible de plus en plus les élections américaines. Alors que les géants d'Internet s'étaient alliés pour combattre la désinformation sur leurs supports, ce fléau sévit toujours et vise à influencer les électeurs pour semer la méfiance avant le scrutin de novembre. Certaines ont même été relayées par des membres du Congrès américain.