Vous les avez peut-être déjà vus passer sur vos murs Facebook. Elles prolifèrent depuis l'essor de la génération d'images par IA et ciblent particulièrement les personnes âgées. Ces « boomer traps » ou « pièges à seniors » exploitent la crédulité et l'émotion pour susciter l'engagement.
On savait la plateforme de Mark Zuckerberg pas très regardante sur la protection de la santé mentale des jeunes. Voilà maintenant que des pages Facebook, souvent gérées depuis l'étranger, inondent vos murs de photos créées par intelligence artificielle. Ces clichés, dont l'IA a le secret, sont d'un réalisme saisissant et mettent en scène des situations attendrissantes : grands-mères centenaires au sourire radieux, jeunes bergers au milieu de leurs troupeaux, ou encore enfants prodiges aux talents improbables.
Mais qu'on ne s'y trompe pas. En plus d'être de faux clichés, leur principal objectif est d'attirer l'attention et les réactions des utilisateurs les plus âgés, moins aguerris aux subtilités des nouvelles technologies. Et comme c'est dans l'air du temps de donner un nom à toute chose, ce phénomène s'appelle « boomer traps » et joue sur la corde sensible des seniors dans l'unique but de générer de l'engagement et… des revenus.
Des leurres numériques qui jouent sur la vulnérabilité
La mécanique des émotions pour susciter l'engagement n'est pas nouvelle sur les réseaux sociaux comme Facebook, elle date d'au moins dix ans. Mais l'essor de l'IA lui confère une redoutable efficacité.
Ces pages Facebook, dont certaines cumulent des centaines de milliers d'abonnés, publient en continu des images générées par IA. Ces clichés, conçus pour toucher la fibre émotionnelle des internautes, s'accompagnent de légendes invitant au partage et aux commentaires, comme le rapporte Le Monde. « Cette mamie de 103 ans vient de terminer son 1 000ᵉ pull, félicitez-la ! », ou encore « Ce jeune berger sacrifie sa vie pour ses moutons, mais n'aura jamais autant de likes que Lady Gaga. Prouvez-lui le contraire ! ».
Bien qu'un œil averti détecte vite l'anguille sous la roche, d'autres se laissent emporter par leurs émotions et y vont de leur commentaire attendri ou like à tout-va. C'est ainsi que ces publications deviennent virales en exploitant les thèmes qui font vibrer la corde sensible des personnes âgées comme la nostalgie, les valeurs traditionnelles, le respect des aînés. Ils ignorent qu'ils participent à la propagation de contenus fictifs et alimentent le fléau de la désinformation.
Un business tout aussi lucratif que dangereux
Les administrateurs de ces pages, souvent installés à l'étranger, visent avant tout à générer du trafic et de l'engagement. Pas philanthropes pour deux sous, leur but est bien entendu de monétiser cette attention par le biais de la publicité. C'est mathématique : plus une page accumule de likes et de partages, plus elle devient attractive pour les annonceurs. Certaines de ces pages redirigent même les internautes vers des sites web truffés de publicités pour multiplier les chances de gains supplémentaires.
Au-delà d'une histoire de gros sous, ces « boomer traps » brouillent les codes de l'information en gommant la frontière entre les contenus réels et fictifs, et polluent copieusement nos réseaux sociaux. Elles donnent accès à un nouveau terrain de chasse des « brouteurs », qui traquent leurs proies parmi les commentaires les plus attendris et naïfs, susceptibles d'être rédigés par des personnes vulnérables et influençables.
Sans s'y attaquer frontalement, Facebook a tout de même annoncé le déploiement prochain d'un système d'avertissement pour signaler les images générées par IA.
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Source : Le Monde (accès payant sur abonnement)