Les nouvelles directives éthiques sud-africaines en matière de recherche sur l'édition du génome humain héréditaire suscitent l'inquiétude de la communauté scientifique internationale. Actuellement, aucun autre pays n'autorise explicitement ces pratiques.
La modification génétique héréditaire reste un sujet hautement controversé, tout comme le projet porté par Neuralink avec ses interfaces cerveau-ordinateur. ou la cryoconservation des corps. Pourtant, l'Afrique du Sud vient de franchir un pas inattendu. Le pays a actualisé ses directives éthiques en matière de recherche médicale, introduisant une nouvelle section dédiée à la modification du génome humain transmissible aux générations futures. Cette révision, effectuée en mai dernier, n'a véritablement attiré l'attention qu'au cours du mois suivant, et la communauté scientifique s'interroge sérieusement sur ses retombées potentielles.
Une position qui défie le consensus international
La bioéthicienne Françoise Baylis, de l'Université Dalhousie à Halifax, ne cache pas sa perplexité face à cette évolution : « La décision d'amender les directives sud-africaines pour faciliter la recherche sur la création d'enfants génétiquement modifiés est déconcertante ». Cette, position unique sur la scène internationale, intervient alors que la modification génétique héréditaire fait l'objet d'un moratoire mondial depuis 2019, soutenu notamment par les Instituts nationaux de santé américains.
Les nouvelles directives établissent un cadre précis : les modifications génétiques doivent répondre à une « justification scientifique et médicale claire et convaincante », viser la prévention de maladies génétiques graves, et faire l'objet d'un consentement éclairé et d'une surveillance éthique rigoureuse. Les chercheurs devront également assurer un suivi à long terme des individus nés de ces manipulations génétiques. « Les bénéfices potentiels pour les individus et la société devraient l'emporter sur les risques et les incertitudes », indique le nouveau cadre réglementaire.
Un débat juridique et éthique complexe
L'interprétation de ces nouvelles directives divise les experts sud-africains. Pour Jantina De Vries, directrice de l'EthicsLab à l'Université du Cap, cette révision ne modifie en rien l'illégalité des modifications génétiques héréditaires dans un contexte clinique. À l'inverse, Bonginkosi Shozi, bioéthicien à la Stanford Law School, estime que la loi sud-africaine autorise déjà ces pratiques et que les directives ne font que s'aligner sur cette réalité juridique.
Michael Pepper, directeur de l'Institut de médecine cellulaire et moléculaire de l'Université de Pretoria, quant à lui, appelle à la prudence : « À l'échelle mondiale, il existe une réticence à accepter la modification du génome héréditaire. Nous devons examiner plus en détail les raisons qui ont conduit à la publication de ces directives sous cette forme ».
Si ces modifications pourraient théoriquement prévenir des maladies héréditaires comme la mucoviscidose ou la drépanocytose, elles suscitent également des préoccupations éthiques et sécuritaires majeures, rappelant le scandale des premiers bébés génétiquement modifiés en Chine en 2018.
Les modifications génétiques pourraient, dans le pire des cas, ouvrir la porte à une nouvelle forme d'eugénisme, où les individus seraient sélectionnés en fonction de leurs caractéristiques génétiques. Jusqu'où peut-on aller dans la modification de notre nature humaine ? Comment éviter une société où les personnes seraient sélectionnées au regard de leurs caractéristiques génétiques ? Beaucoup de questions, mais peu de réponses pour le moment dans ce débat où la collaboration internationale sera nécessaire pour éviter toute dérive.
Source : Nature