Les caméras boostées à l'intelligence artificielle installées dans les camions poussent la CNIL à réagir. Le gendarme des données veut placer le curseur entre la sécurité routière et le respect de la vie privée des chauffeurs.

Les chauffeurs ne peuvent pas se laisser "surveiller" comme ça par une caméra intelligente © Microsoft Designer x Clubic
Les chauffeurs ne peuvent pas se laisser "surveiller" comme ça par une caméra intelligente © Microsoft Designer x Clubic

Forcément transformé par la technologie, le secteur du transport a vu débarquer les caméras intelligentes dans les cabines des poids lourds. La CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, a publié mardi ses recommandations concernant ces dispositifs qui, grâce à l'IA, peuvent détecter la fatigue ou les distractions des conducteurs. Si ces innovations promettent d'améliorer la sécurité routière, elles mettent aussi sur la table la question de la protection de la vie privée, et font redouter des dérives.

Les caméras augmentées, une technologie au service de la sécurité routière

Les caméras augmentées peuvent aider à franchir un cap en matière de sécurité des transports. Équipées d'intelligence artificielle, elles analysent en temps réel le comportement du conducteur, en détectant les premiers signes de fatigue comme les clignements des yeux prolongés ou les bâillements répétés. Cette surveillance constante permet d'anticiper les risques d'accidents.

Ces dispositifs peuvent aussi repérer les distractions potentiellement dangereuses. L'utilisation du téléphone au volant par exemple, les regards prolongés hors de la route, ou même l'action de fumer sont immédiatement détectés. Le système envoie alors des alertes en temps réel, afin que le conducteur puisse rapidement reprendre le contrôle.

On sait que depuis juillet 2024, l'Union européenne impose l'installation de ces systèmes dans les nouveaux véhicules de transport. Mais au-delà de l'aspect utile et pratique, leur mise en place doit respecter des conditions strictes. Et c'est là que le gendarme des données entre en scène et mettre fin au comportement « à risque ».

Un encadrement juridique nécessaire

La CNIL insiste sur l'importance du respect de la vie privée des chauffeurs. L'organisme souligne que ces dispositifs ne peuvent pas conduire à une surveillance continue des salariés, même au nom de la sécurité. Les données collectées doivent se limiter strictement aux informations nécessaires pour générer les alertes.

Les employeurs doivent également justifier de manière documentée l'utilisation de ces caméras. Cela veut dire qu'ils sont tenus de démontrer leur efficacité et la précision des données collectées. Pour la CNIL, cette exigence est d'autant plus importante que les informations recueillies peuvent servir de base à des décisions disciplinaires.

Il y a aussi la question du consentement des conducteurs. Que dit la CNIL à ce sujet ? Pour elle, en raison du lien de subordination avec l'employeur, ce consentement ne peut être considéré comme libre et éclairé. Il faut donc que l'installation de ces dispositifs se fonde sur l'intérêt légitime de l'employeur à garantir la sécurité de ses chauffeurs.

Des garanties indispensables pour les conducteurs

Les transporteurs doivent donc mettre en place des garanties solides pour protéger leurs salariés. L'information préalable est cruciale : les conducteurs doivent connaître précisément les modalités de contrôle et l'utilisation possible des données à des fins disciplinaires. La CNIL explique bien que ces éléments doivent figurer clairement dans le règlement intérieur.

Les entreprises de plus de 11 salariés sont tenues de consulter leur Comité Social et Économique avant de se lancer dans l'installation de ces dispositifs. Les conducteurs conservent également leurs droits sur leurs données personnelles, notamment le droit d'accès et d'opposition. C'est ce qui doit permettre de préserver un équilibre entre sécurité et respect de la vie privée.

Pour finir, la CNIL recommande fortement la réalisation d'une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD). Elle permet d'identifier et de minimiser les risques d'atteinte à la vie privée des conducteurs, tout en assurant l'efficacité du dispositif de sécurité.

Source : CNIL