Les plateformes de location de voitures entre particuliers promettaient une alternative sérieuse à la location classique avec des tarifs bien plus avantageux. Toutefois, l'essor de l'application Getaround s'est accompagné d'une multiplication des vols de véhicules ces dernières années.
Mise à jour du 22 novembre 2024 à 12h51 :
Getaround a contacté la rédaction de Clubic pour donner leur droit de réponse, adressé également à France Inter le 18 novembre, consultable sur cette page.
L'entreprise y défend notamment sa réputation en s'appuyant sur des chiffres concrets : moins de 4 % de signalements problématiques sur 8 millions de locations depuis 2009, et une note de 4/5 sur Trustpilot avec plus de 50 000 avis. La plateforme souligne que les incidents restent rares (0,6%) et que des procédures rigoureuses sont mises en place.
« En tant que place de marché, Getaround n’a aucun intérêt à favoriser les propriétaires ou les locataires, et nous ne le faisons pas. Nous renforçons chaque année nos procédures pour garantir que les voitures proposées sur la plateforme soient sûres. Lorsqu’un signalement par un locataire indique un risque en matière de sécurité, nos équipes alertent les propriétaires et peuvent aller jusqu’au retrait du véhicule de la plateforme. En moyenne, 450 annonces par mois sont suspendues ».
Getaround réfute les accusations de partialité envers les propriétaires et affirme transmettre systématiquement les dossiers à l'assurance dès que les dommages dépassent la franchise. La société rappelle avoir gagné un procès contre Ax'Auto et met en avant l'impact environnemental positif de l'autopartage, citant une étude de 2022 l'ADEME montrant qu'un de leurs véhicules partagés remplace 5 à 8 véhicules individuels.
Le marché de la location automobile connaît depuis quinze ans une profonde mutation. L'émergence des plateformes numériques comme Turo ou Virtuo proposant des tarifs jusqu'à deux fois moins élevés que les agences traditionnelles, a séduit plus de 500 000 utilisateurs dans l'Hexagone. Getaround une entreprise américaine née en 2009, leader européen né de l'absorption progressive d'une quinzaine de start-ups françaises, illustre parfaitement ce phénomène de concentration, caractéristique du « Winner Takes All » propre à l'économie numérique.
Plus une plateforme compte d'utilisateurs et de véhicules, plus elle devient attractive. Cet effet réseau crée une sorte de barrière à l'entrée pour les nouveaux entrants, qui peinent à concurrencer une offre aussi vaste et établie. Ce succès a néanmoins un revers : Getaround et ses usagers se voient désormais confrontés à une vague de vols de véhicules.
Une faille technique qui fait le bonheur des malfrats
La stratégie commerciale de Getaround reposait sur une innovation technologique censée faciliter la location entre particuliers : l'installation d'un boîtier connecté dans chaque véhicule. Ce dispositif permettait aux locataires d'accéder aux voitures directement via leur smartphone, sans nécessiter la présence du propriétaire. Le processus se voulait simple et fluide : l'utilisateur déverrouille la portière grâce à l'application, récupère les clés dans la boîte à gants, puis désactive le système de sécurité avec l'app avant de pouvoir démarrer enfin la voiture louée.
Cette flexibilité a pourtant viré au cauchemar pour de nombreux propriétaires. Paul, qui gère quatre véhicules sur la plateforme, avait justement choisi Getaround pour ce système présenté comme infaillible. Son expérience récente témoigne des failles béantes du dispositif : « Je n'ai pas trouvé de vitre cassée sur place [...] donc le boîtier n'a pas fait son travail, les voleurs ont pu partir avec le véhicule après avoir probablement trafiqué le boîtier ». Malgré la géolocalisation fournie par Getaround, son véhicule est resté introuvable.
Des propriétaires face à une vague de vols organisés
Cette vulnérabilité du système a rapidement été exploitée par des réseaux malveillants. Une technique baptisée « vol à la poussette », largement diffusée sur les réseaux sociaux ; sur TikTok notamment ; permet de contourner le dispositif de sécurité en manipulant simplement les câbles reliant le boîtier au véhicule. Il suffisait ensuite de pousser ce dernier pour le mettre en marche.
Ce n'est malheureusement pas la première fois que la plateforme chinoise sert de tutoriel pour dérober des voitures, souvenez-vous du « Kia Challenge » de l'an dernier. Augustine, qui a mis une cinquantaine de voitures en location pendant trois ans, explique : « On a été victimes de beaucoup de vols, des voitures ensuite accidentées ou qu'on a retrouvées dans d'autres pays, à cause de boîtiers défaillants ».
Face à ces dérives, certains propriétaires ont fait appel à des huissiers pour documenter les failles du système. Le constat établi pour José, ancien propriétaire d'une vingtaine de véhicules, met en évidence « des anomalies » rendant possible ce type de vol. La plateforme tente de minimiser l'ampleur du phénomène en affirmant que seuls 0,08 % des véhicules sont concernés par les vols. Elle reconnaît néanmoins que « le boîtier n'est pas en soi un système antivol » et a entamé leur remplacement pour « sécuriser encore ces boîtiers ».
Aux États-Unis, des actions collectives menées en 2020 et 2021 ont contraint Getaround à indemniser les propriétaires victimes de vols. En France, plusieurs propriétaires s'organisent désormais pour engager des poursuites judiciaires, espérant ainsi forcer la plateforme à revoir fondamentalement son système de sécurisation des véhicules et ses procédures d'indemnisation.
Mettre en avant l'économie collaborative, c'est très bien ; la promouvoir en privilégiant la croissance rapide au détriment de la sécurité est bien plus discutable. Le fait que Getaround cherche à tout prix à minimiser le problème et à tarder à apporter des solutions concrètes est encore plus inquiétant. Un comportement qui pourrait lui coûter très cher alors que les propriétaires lésés s'organisent pour obtenir réparation devant la justice.
Source : Radio France