Uber en difficulté au Brésil face à une start-up qui a tout compris

Des milliers de chauffeurs Uber utilisent une application pour calculer le vrai tarif des courses proposées par le service de VTC, et choisir leurs clients en fonction de leur rentabilité.

Pris à son propre piège. C'est en quelque sorte de cette manière que l'on pourrait résumer l'histoire qui oppose Uber à une start-up brésilienne, qui a trouvé la bonne idée pour redonner un peu de pouvoir aux chauffeurs VTC (dont l'âge minimum pour exercer pourrait passer à 25 ans en France) travaillant avec la plateforme. Si ces derniers sont habituellement soumis aux conditions d'utilisation (notamment en matière de prix) imposées par le service américain, ils ont désormais un outil qui leur permet de calculer plus finement le montant qui leur sera reversé après la réalisation d'une course. Et cela n'arrange pas les affaires d'Uber.

Une application qui calcule le montant exact reversé aux chauffeurs Uber

Cette start-up brésilienne s'appelle StopClub, et a été fondée en 2017 à Rio de Janeiro par deux amis d'enfance, Pedro Inada et Luiz Neves. Au départ, ce service permettait aux chauffeurs Uber de lutter contre la solitude à travers des « points de ravitaillement ». Ces derniers pouvaient alors se retrouver et échanger durant les périodes plus creuses de leur activité.

L'année 2020, et la pandémie de COVID-19 a mis un coup d'arrêt brutal à l'entreprise, qui a donc décidé de changer de produit et de modèle économique. StopClub a développé un nouveau service, qui permet aux chauffeurs d'évaluer, à travers une application mobile, le prix final d'une course, soit l'argent qui leur sera reversé en dernier lieu.

Comme vous le savez sans doute, Uber prélève une commission sur le montant de la course, équivalent aux frais de fonctionnement de la plateforme. Cette dernière peut représenter jusqu'à 40 % du montant total de la course, selon les calculs de StopClub. Pour certains petits trajets, les chauffeurs ne gagnent donc pas ou peu d'argent. Ces derniers ne peuvent pas réellement évaluer le montant final qui leur reviendra, Uber ne présentant qu'un montant brut pour chaque course.

L'outil leur permet aujourd'hui de déterminer avec précision si une course vaut oui ou non le coup, et de refuser de prendre des passagers si le trajet ne leur est pas assez rentable.

Le service de VTC voit d'un mauvais œil ce service qui pourrait réduire ses commissions, et attaque en justice

Les chauffeurs Uber brésiliens se sont donc rapidement passé le mot et ont réussi, grâce à StopClub, à augmenter sensiblement leurs revenus. Ces derniers travaillent en moyenne quatre heures de plus que la moyenne locale, pour un salaire inférieur, avec 600 reals (112 euros) de moins que le salaire médian brésilien.

Si StopClub représente une aubaine pour ces derniers, Uber ne l'entend pas de son oreille. L'application est en effet une menace pour son modèle économique et l'on apprend aujourd'hui que le service de VTC attaque en justice la start-up. Uber s'est vu « accorder une injonction obligeant la start-up à suspendre les fonctions de calcul des gains et de refus automatique » qui « pouvaient accroître le mécontentement des passagers à l’égard d’Uber », a indiqué la cour de justice de São Paulo.

StopClub a contre-attaqué rapidement, et ses avocats ont réussi à casser cette injonction en date du 22 août 2023. Le co-fondateur de la start-up rejette quant à lui les accusations d'Uber et souhaite plus d'équité entre la plateforme et ses chauffeurs : « Les prix doivent être justes pour que les chauffeurs acceptent les courses. Et si les passagers doivent payer plus cher, c’est parce qu’Uber ne veut pas réduire sa part des bénéfices. Ce procès n’est pas contre StopClub, mais contre le droit des travailleurs à s’organiser pour exiger de meilleures conditions de travail ».

Cette affaire est loin d'être terminée, alors que les avocats d'Uber ont fait appel de la décision. StopClub pourrait également faire école dans d'autres pays du monde et pousser, espérons-le, Uber à revoir le mode de calcul de chacune des courses, en faveur de ses partenaires.

Source : Courier International