Le déploiement des compteurs Linky, initié en 2015, fut plus que périlleux. Aujourd'hui, la Cour des comptes dresse un bilan contrasté du compteur. Si elle se satisfait des délais et des coûts, des points d'amélioration ont été identifiés.
Amorcé en 2015 jusqu'en 2021 pour sa phase principale, le déploiement du compteur Linky a marqué une étape cruciale dans la modernisation du réseau électrique français. Avec des objectifs ambitieux de réduction des coûts et d'amélioration de la gestion de l'énergie, le projet a suscité autant d'espoirs que de controverses. La Cour des comptes a publié, vendredi 29 novembre, un rapport détaillé sur le contrôle de suite du déploiement et de l'utilisation de ces compteurs communicants. L'institution est partagée entre les succès économiques et les déceptions commerciales.
Linky, un déploiement réussi… et une très bonne opération financière pour Enedis
Le déploiement des compteurs Linky a été achevé avec succès par Enedis, en respectant les délais fixés. Fin 2021, le taux d'équipement était de 90%, soit 9 foyers sur 10. Au terme des différentes phases de déploiement, le coût total s'élève à 4,6 milliards d'euros, soit 18 % de moins que les prévisions initiales. Cette réduction des coûts est principalement due aux économies réalisées sur les conditions d'achat et de pose des compteurs. Les coûts d'investissements liés au système d'information ont, eux, dépassé les prévisions de 64 %, atteignant 450 millions d'euros.
Les petits boitiers verts ont permis de réaliser des gains économiques significatifs, notamment grâce à la réduction des coûts de relève et des petites interventions devenues téléopérables. Ces gains ont été partiellement rétrocédés aux consommateurs sous forme de baisse du coût de certaines prestations. Les objectifs de réduction des pertes non techniques, principalement liées aux fraudes, n'ont cependant pas été atteints.
La Cour ne manque pas de rappeler, en outre, qu'Enedis a bénéficié de conditions de rémunération avantageuses, avec un taux de base garanti jusqu’en 2041, générant une rémunération additionnelle de 311 millions d’euros entre 2016 et 2023. Le mécanisme de régulation incitative a également été jugé favorable à Enedis, qui a perçu plus de 400 millions d’euros de bonus entre 2016 et 2022.
La Cour des comptes félicite Enedis pour la baisse des réclamations de clients
D'après la Cour des comptes, les compteurs Linky ont permis d'améliorer la gestion du réseau électrique, grâce à la télérelève et aux interventions à distance. Les deux ont contribué à une meilleure connaissance du réseau et à une gestion plus efficace des pannes. Linky a aussi facilité l'intégration des énergies renouvelables et l'autoconsommation, contribuant ainsi à la stabilité du système électrique.
La facturation basée sur des index réels a permis de réduire les réclamations des clients. Les clients équipés de compteurs Linky génèrent désormais cinq fois moins de réclamations que les clients non équipés. Cette amélioration de la facturation a également contribué à apaiser la relation client pour les fournisseurs d'électricité.
Les craintes concernant les ondes électromagnétiques, qui ont donné lieu à des centaines d'actions en justice partout en France, ainsi que la question de la protection des données, ont été progressivement dissipées grâce à des études scientifiques et à une communication plus transparente.
Les innovations commerciales attendues n'ont pas suivi
Les espoirs d'innovations commerciales pour les fournisseurs d'électricité n'ont pas été réalisés comme les magistrats l'espéraient. Les offres commerciales innovantes se heurtent à la préférence des consommateurs pour des prix fixes ou prévisibles. Les nouvelles offres tarifaires dynamiques peinent à séduire, en raison de la complexité de leur comparaison et de la réticence des consommateurs à modifier leurs habitudes de consommation.
La Cour rappelle que le programme Linky devait générer des bénéfices pour tous les acteurs. Si des gains ont été constatés pour Enedis, ceux pour les consommateurs et les fournisseurs sont considérés comme mitigés.
Quant à la réduction des pertes non techniques, principalement liées aux fraudes, elle n'a pas atteint les objectifs fixés. La hausse des prix de l'électricité a entravé les efforts de détection et de réduction des fraudes. Des mesures supplémentaires sont jugées nécessaires pour atteindre les cibles de réduction des pertes non techniques et améliorer la maîtrise de la demande d'énergie.
Quelle est la suite pour Linky et Enedis ?
La Cour des comptes souligne l'importance de maintenir un suivi rigoureux du déploiement résiduel et de l'achèvement du programme. Elle estime que les entreprises locales de distribution doivent être soutenues pour surmonter les défis techniques et financiers.
Enedis va devoir veiller à l'intégration des gains économiques réalisés dans les tarifs d'acheminement, afin de garantir une répercussion équitable pour les consommateurs.
Ce que l'on peut retenir, à date, c'est que la Cour des comptes conclut que le programme Linky a été un succès en termes de déploiement, mais que des efforts restent à faire pour maximiser les bénéfices pour tous. Elle recommande de renforcer le pilotage, d’améliorer les systèmes d’information et de mieux encadrer le financement et la régulation. À Enedis de jouer.