Canal+ a obtenu le blocage mondial de sites de streaming illégaux. Le fournisseur DNS Quad9, basé en Suisse, doit désormais bloquer l'accès aux plateformes pirates qui diffusent des compétitions comme la Ligue des champions.

Canal+ a secoué le cocotier des DNS © Alexandre Boero / Clubic
Canal+ a secoué le cocotier des DNS © Alexandre Boero / Clubic

Avec l'explosion des sites de streaming sportif illégaux, Canal+ a intensifié, ces derniers mois, sa lutte contre le piratage en France. Le groupe audiovisuel a obtenu une victoire significative : le tribunal judiciaire de Paris a ordonné aux fournisseurs DNS alternatifs Quad9 et Vercara de bloquer l'accès à plusieurs dizaines de sites diffusant illégalement des matchs de Ligue des champions, de Premier League et du Top 14. La décision soulève néanmoins des questions techniques et juridiques, d'autant plus que Google et Cloudflare ont déjà été visées par des mesures similaires cette année.

Une victoire pour Canal+, et une décision française aux répercussions mondiales

Le DNS (Domain Name System) joue un rôle crucial sur Internet en convertissant les noms de domaine en adresses IP. Il fonctionne comme un véritable annuaire du Web. En tant que fournisseur DNS alternatif et à but non lucratif, Quad9 propose un service gratuit et sécurisé, aujourd'hui utilisé par des millions d'internautes dans le monde.

Pour se conformer à la décision de justice française, Quad9 doit désormais bloquer techniquement l'accès aux sites incriminés. Problème : l'organisation suisse, qui ne peut pas distinguer l'origine géographique de ses utilisateurs pour des raisons de confidentialité, est à présent poussée à appliquer ce blocage… à l'échelle mondiale ! Des dizaines de domaines sont ainsi concernés, parmi lesquels des sites populaires de streaming sportif.

On peut ici s'interroger sur la portée extraterritoriale du droit français. En effet, des internautes du monde entier, qui utilisent le service de Quad9, se retrouvent impactés par une décision de justice hexagonale visant initialement à protéger les droits de diffusion de Canal+. Et si ce précédent influençait d'autres décisions judiciaires à l'international ?

La résistance s'organise face au « DNS blocking »

Quad9 n'encaisse pas cette décision qualifiée « d'absurde ». La plateforme déplore même une forme de censure du DNS. Elle compare son rôle à celui d'un éditeur de cartes routières, en ce qu'elle ne fait que fournir des directions sans contrôler les destinations. Elle avait d'ailleurs déjà défendu cette position avec succès l'année dernière en Allemagne, lors d'une affaire similaire impliquant Sony Music.

Certains acteurs ont donc fait le choix de réponses radicales. Cisco a par exemple préféré arrêter totalement son service OpenDNS en France pour éviter toute complication juridique. De son côté, Quad9 prépare son appel, arguant que les fournisseurs DNS ne devraient pas être considérés comme des intermédiaires au sens de la loi européenne, notamment l'article L.333-10 du Code du Sport français.

L'organisation à but non lucratif appelle désormais au soutien financier du public pour mener ce combat juridique. Voilà une bataille qui pourrait influencer durablement l'avenir du blocage DNS comme outil de lutte contre le piratage en Europe. Les défenseurs d'un internet ouvert suivent, eux, l'affaire de près.

Source : Torrent Freak