Canal+ n'en démord pas, le piratage nuit à ses affaires et le diffuseur français est prêt à jouer sur tous les tableaux pour faire front ! Le groupe vient d'obtenir de nouvelles décisions de justice, actant l'obligation de sociétés comme Google et Cloudflare à restreindre l'accès à des dizaines de sites de streaming et d'IPTV illégaux. Des décisions qui viennent conforter celles déjà prises en mai dernier.

Le siège de Canal+ à Issy-les-Moulineaux © Shutterstock / JeanLucIchard
Le siège de Canal+ à Issy-les-Moulineaux © Shutterstock / JeanLucIchard

Depuis mai dernier, Canal+ a décidé de jouer sur deux fronts pour obtenir gain de cause et faire cesser le piratage de ses contenus, notamment les compétitions sportives dont le groupe détient les droits. En plus des listes interminables de sites bloqués par les FAI sur demande de Canal+, le service du groupe Bolloré s'en prend également aux fournisseurs de DNS alternatifs. De nouvelles décisions viennent de donner raison à Canal+, on en profite pour faire le point.

Quand le blocage de domaines ne suffit pas

Comment empêcher, de manière légale, les internautes d'accéder à un site web en France ? La première solution consiste à inculper les propriétaires du site mais, en règle générale, les services de streaming et autres IPTV illicites, n'agissent pas depuis la France, ce qui complique les choses. La deuxième solution consiste simplement à saisir les tribunaux pour ordonner aux FAI de bloquer un certain nombre de noms de domaines via leurs propres résolveurs DNS. C'est ce qui arrive régulièrement et notamment ces derniers temps, cela a notamment été le cas tout au long de l'année, comme en octobre avec le blocage de 28 sites de téléchargement, et plus récemment sous l'impulsion de Canal+ et DAZN, ou encore fin novembre avec une nouvelle salve de plus de 100 blocages.

Conscients que le blocage par les FAI ne suffit pas, Canal+ tente d'aller plus loin en invoquant le Code du Sport. En effet, alors que les blocages sont contournables, en utilisant des VPN et des DNS alternatifs, les pirates sont également très réactifs pour mettre en place de nouveaux noms de domaine et continuer de proposer leurs services illicites à des consommateurs toujours ravis de faire quelques économies.

Dans l'attente d'un cadre législatif plus contraignant, comme l'a récemment proposé un rapport choc du Sénat mettant en avant le concept de "délit de piratage", Canal+ a tenté, en mai dernier, d'obtenir le blocage au niveau des résolveurs DNS, auprès de sociétés comme Google, Cloudflare et Cisco.

Les fournisseurs de DNS sommés d'agir

Justement, la première décision du Tribunal judiciaire de Paris en date du 16 mai dernier avait donné raison à Canal+, depuis Cisco a préféré retirer sa filiale OpenDNS du marché français. Ces décisions ont toutefois été frappées d'appel. Pour Canal+, il s'agissait là d'une petite victoire, pour la simple raison que les mesures de blocage au niveau des serveurs DNS alternatifs sont beaucoup plus efficaces qu'une simple blacklist de noms de domaines par les principaux fournisseurs d'accès à Internet français.

Conforté par cette première décision, Canal+ a remis une pièce dans la machine judiciaire en obtenant une actualisation des mesures de blocage. Rien de vraiment nouveau, mais les trois décisions de justice ont une nouvelle fois donné raison à Canal+ contre Google et Cloudflare. Pour rappel, les mesures de blocages s'attaquent principalement à des sites diffusant des matches de Champions League et de Premier League, deux compétitions dont Canal+ dispose des droits de diffusion en France. Pour le tribunal, les résolveurs DNS alternatifs rendent possible la diffusion illégale de flux protégés en "assurant une fonction de transmission", ils doivent donc l'empêcher. Voici un extrait de la décision du tribunal de judiciaire de Paris :

"Des injonctions de blocage dynamiques peuvent être prononcées sur le fondement de l’article L. 333-10 du code des sports, conformément en cela au droit de l’Union européenne, à l’égard des intermédiaires que sont les services de résolveur DNS/fournisseurs de service DNS, nonobstant les exemptions de responsabilité dont ils peuvent bénéficier par ailleurs, les fournisseurs de tels services, expressément visés par le Règlement DSA au considérant 29 précité, assurant une fonction de transmission".

Les deux entreprises américaines ont pourtant de solides arguments à présenter au tribunal. Elles ont déjà expliqué que ces mesures sont "inutilement complexes et couteuses" et qu'il existe d'autres moyens de mettre en place des blocages. Surtout, elles mettent en avant le caractère délicat des demandes du tribunal puisque ces mesures de blocages « ne peuvent techniquement être restreintes au territoire français et ont nécessairement une portée internationale ».

Nul doute que ces décisions feront, elles aussi, l'objet d'un appel. Affaire à suivre !


Sources : Cour d'appel de Paris, Tribunal Judiciaire de Paris (1)(2)(3) via Torrent Freak