Une hôte Airbnb est en colère après avoir appris que BFMTV avait loué et utilisé son appartement pour tourner des images, sans autorisation, pour son documentaire sur l'Abbé Pierre. La chaîne essaie de temporiser.

Avec cette affaire, la question de l'utilisation d'un logement privé pour tourner des images d'illustration se pose © Albert / Shutterstock.com
Avec cette affaire, la question de l'utilisation d'un logement privé pour tourner des images d'illustration se pose © Albert / Shutterstock.com

Une femme, propriétaire d'un studio loué sur Airbnb à Montreuil (Seine-Saint-Denis), a eu la désagréable surprise de découvrir son logement à l'écran lors d'un documentaire de BFMTV sur l'Abbé Pierre. La chaîne d'information avait loué l'appartement via la plateforme pour y réaliser des séquences d'illustration, sans en informer la propriétaire. Cette dernière a décidé de porter plainte, estimant que cette utilisation non autorisée porte préjudice à son bien.

BFMTV : une location Airbnb détournée pour un reportage sensible

BFMTV a choisi de réserver le studio via une chargée de production qui n'a pas révélé ses intentions professionnelles auprès de l'hôte, comme nous l'apprend l'équipe de CheckNews, de Libération. Le tournage, effectué mi-décembre, s'est déroulé rapidement et discrètement.

Les images ont ensuite été utilisées dans un reportage de l'émission « Ligne Rouge » diffusé par la chaîne d'information continue et consacré aux accusations de violences sexuelles visant l'Abbé Pierre, diffusé le 17 janvier dernier.

La propriétaire, prénommée Karine, n'a découvert l'utilisation de son bien qu'en regardant l'émission. Les plans de son studio, facilement reconnaissable avec sa bibliothèque caractéristique et son mobilier (de son point de vue), ont servi à illustrer les témoignages concernant un appartement parisien où se seraient déroulés des actes de violence. Une utilisation qui l'a profondément choquée, considérant que cela dévalorise son bien.

Cette pratique va à l'encontre des conditions d'utilisation d'Airbnb, qui interdisent explicitement les tournages commerciaux sans autorisation écrite du propriétaire. La plateforme n'a pas encore précisé si les documentaires télévisés entrent dans cette catégorie, ce qui laisse planer un flou juridique sur cette utilisation particulière.

La chaîne se défend, mais la propriétaire contre-attaque en justice

Du côté de BFMTV, on se défend en expliquant que l'appartement n'est pas identifiable dans le reportage. La chaîne souligne que les plans sont courts, peu nombreux, et qu'ils ne permettent pas de reconnaître l'adresse ou des éléments personnels, tandis que la jurisprudence concernant le droit à l'image des biens tend à limiter les recours des propriétaires.

La chaîne a peut-être confiance en sa position en ce qu'elle repose sur une jurisprudence (un arrêt de la Cour de cassation plus particulièrement) concernant le droit à l'image des biens, qui limite les recours des propriétaires au « trouble anormal » qui pourrait être causé.

Karine a néanmoins décidé de contre-attaquer sur le terrain juridique. Elle a déposé une main courante puis une plainte contre BFMTV pour « utilisation frauduleuse d'images privées ». Elle a également saisi l'ARCOM, le régulateur de l'audiovisuel, en prétextant que cette pratique soulève des questions éthiques sur les méthodes journalistiques.

Voilà en tout cas une affaire qui fait apparaître les zones grises qui existent entre location temporaire et utilisation professionnelle des biens. Elle pose également la question de la responsabilité des médias dans l'utilisation d'espaces privés pour leurs reportages, et pourrait créer un précédent dans la régulation des pratiques journalistiques sur les plateformes de location.