Contrainte par la justice de modifier la politique de l'App Store aux États-Unis, Apple a fait le choix du profit malgré les risques encourus, révèlent ses dirigeants. Quitte à encore plus pénaliser les développeurs…

Non, la bataille judiciaire entre Epic Games et Apple n'est pas terminée. Elle est même retournée au tribunal. Car à l'issue du très médiatisé procès, la marque à la pomme a été forcée d'autoriser les développeurs d'applications à intégrer des liens menant à des méthodes de paiements tiers. Cette décision va directement à l'encontre du modèle économique d'Apple, et sans surprise, l'entreprise semble avoir tout mis en œuvre pour les en dissuader.
Ainsi, la firme prélève une commission de 27 % sur toutes les transactions réalisées par des alternatives de paiement. Ce taux descend à 12 % pour les petits développeurs. C'est une différence minime comparée aux 30 % (ou 15 % pour les plus faibles revenus) récoltés sur tous les achats in-app passant par le système d'Apple.
De vifs débats en interne
Les opposants à la politique de l'App Store, comme Epic Games ou Spotify, sont rapidement montés au créneau, dénonçant de la « mauvaise foi » de la part du géant californien. L'éditeur de Fortnite a même eu recours une nouvelle fois à la justice. Selon lui, ces nouvelles règles tarifaires ne sont pas en accord avec la première décision du tribunal.
Des audiences sont actuellement menées pour déterminer si Apple est dans la légalité ou non. Et ses dirigeants ont fait de juteuses révélations : d'importants débats ont eu lieu en interne afin de trouver un encadrement permettant à la marque d'autoriser les paiements tiers tout en engrangeant des bénéfices. Car certains d'entre eux, à l'instar de l'ancien directeur financier Luca Maestri, ne voulaient pas passer à côté de compensations financières.
Il a par exemple été question d'imposer des restrictions sur les liens externes sans prélever de commission, une solution vite balayée de la main. L'entreprise a aussi envisagé de proposer une taxe de 20 %, mais ce choix aurait rendu difficile la justification du maintien de la commission standard de 30 % pour les paiements effectués dans les applications. Finalement, Apple a non seulement opté pour un tarif de 27 %, mais en y appliquant de surcroît des limitations strictes.

Réduire la visibilité des liens menant vers les paiements alternatifs
En parallèle, tout a été mis en œuvre pour dissuader les utilisateurs de cliquer sur ces liens, à l'instar de messages d'avertissement alertant sur des risques de confidentialité. De même, ils ont été affichés de manière à réduire au maximum leur visibilité.
Phil Schiller, dirigeant de l'App Store, reconnaît que cette stratégie est osée, et qu'il serait logique que le juge considère que son ordonnance n'a pas été respectée. Reste à voir ce que ce dernier statuera. Tim Sweeney, le P.-D.G d'Epic Games, estime que cette affaire est « un cas d'école absolu de conformité malveillante ».
Les politiques de l'App Store font l'objet de critiques à travers le monde depuis des années. Au sein de l'Union européenne, le Digital Markets Act pousse Apple à revoir ses règles, au risque de se voir infliger une amende très salée.
27 mars 2024 à 20h50
Source : Bloomberg