D'après une étude du MIT, l'augmentation des gaz à effet de serre modifie la thermosphère terrestre, et entraîne une diminution de la densité de l'air à haute altitude. Conséquence : les débris spatiaux restent en orbite plus longtemps, et augmentent les risques de collision. Les chercheurs prévoient que cette évolution pourrait diviser par deux la capacité d’accueil des satellites d'ici à 2100.

N'en déplaise aux plus sceptiques, des scientifiques du MIT alertent sur un effet peu connu du changement climatique : la contraction progressive de la thermosphère sous l’effet des émissions de gaz à effet de serre. Cette modification de l’atmosphère terrestre entraîne une diminution de la traînée qui freine habituellement les débris spatiaux. Ils restent alors en orbite plus longtemps, et accroissent le risque de collision avec les satellites actifs.
Les résultats de cette étude, publiée dans Nature Sustainability, sont fondés sur des modélisations de la densité atmosphérique jusqu’en 2100. Les chercheurs, en collaboration avec l’Université de Birmingham, ont évalué l’impact de cette évolution sur la sécurité des satellites en orbite basse.
Les gaz à effet de serre modifient la thermosphère et prolongent la durée de vie des débris spatiaux
La thermosphère, située entre 90 et 600 km d’altitude, joue un rôle clé dans la régulation des objets en orbite. Son interaction avec les débris spatiaux et les satellites dépend de la densité de l’air, qui génère une traînée freinant progressivement les objets jusqu'à leur rentrée dans l’atmosphère. Depuis plusieurs décennies, les chercheurs constatent une contraction de cette couche sous l’effet des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz à effet de serre.
Les gaz à effet de serre capturent la chaleur dans la troposphère, mais ont l’effet inverse dans la thermosphère. Ils réémettent une partie du rayonnement infrarouge vers l’espace, et entraînent un refroidissement de cette couche supérieure ainsi qu'une diminution de sa densité. En conséquence, la résistance exercée sur les satellites et les débris est réduite, et allonge leur présence en orbite.
Des mesures satellitaires confirment cette tendance. Les chercheurs ont observé que la résistance exercée sur les satellites a diminué de façon progressive, avec un impact visible au-delà du cycle naturel de 11 ans du soleil. Selon les projections du MIT, cette évolution pourrait réduire la capacité d’accueil des satellites en orbite basse de 50 à 66 % d'ici à la fin du siècle.
Le problème, c'est que des satallites, il y en a de plus en plus et leur prolifération aggrave ce phénomène. Aujourd’hui, plus de 10 000 satellites sont en orbite basse, et leur nombre a explosé ces dernières années. L’essor des mégaconstellations comme Starlink de SpaceX a contribué à cette saturation. Avec une atmosphère moins dense, la durée de vie des débris spatiaux augmente, et réduit l'efficacité de leur élimination naturelle.

La réduction de la capacité orbitale pourrait mener à une instabilité incontrôlable en l’absence de mesures
Les scientifiques du MIT ont modélisé différents scénarios d'émissions de gaz à effet de serre et leur impact sur la densité atmosphérique. Les résultats indiquent que, dans les scénarios d’émissions élevées, certaines zones orbitales pourraient perdre jusqu'à 82 % de leur capacité d’accueil de satellites. Lorsque cette capacité est dépassée, les risques de collision augmentent de façon exponentielle.
Le concept de « capacité orbitale » définit le nombre maximal de satellites qu'une orbite peut contenir sans entraîner une prolifération incontrôlable de débris. Si cette limite est franchie, un effet en cascade peut se produire : chaque collision génère de nouveaux débris, et accroît les risques de collisions futures. Ce phénomène, connu sous le nom de « syndrome de Kessler », pourrait rendre certaines orbites impraticables pour de nouvelles missions spatiales.
Les chercheurs prévoient que certaines orbites sont déjà proches de cette saturation, notamment à 900 km d'altitude, où se trouvent de nombreux satellites. Pour limiter les risques, des agences comme la NASA et l’ESA imposent désormais une durée de désorbitation plus stricte aux satellites en fin de mission. Jusqu’ici fixée à 25 ans, cette période a été réduite à 5 ans aux États-Unis.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait limiter ce phénomène à long terme. Contrairement aux stratégies de gestion des débris, qui consistent à surveiller et éviter les collisions, la diminution des émissions agit directement sur la densité de l’atmosphère et sur la durée de vie des débris. Sur terre, en mer, dans l'air ou l'espace, il semble que ça sente le gaz.
Source : MIT, Nature Sustainability