Le Conseil d'État a donné raison à Free Mobile contre la décision qui l'empêchait d'installer des antennes Huawei pour la 5G, au motif que la sécurité nationale ne peut pas systématiquement primer sur la liberté économique.

La plus haute juridiction administrative française a, dans une décision rendue le 10 mars 2025, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui avait rejeté le recours de Free Mobile contre l'interdiction d'utiliser des équipements Huawei. Cette première victoire d'un opérateur contre la loi dite « anti-Huawei » pourrait rebattre les cartes dans le secteur des télécommunications, même si la validité de la loi elle-même n'est pas remise en cause.
Une bataille juridique de longue haleine pour Free
Free Mobile contestait depuis 2020 les décisions du Premier ministre qui lui interdisaient à l'époque d'installer des équipements Huawei sur environ 4 550 sites de son réseau 5G, équipés d'antennes mobiles. Bouygues Telecom et SFR avaient bien obtenu des autorisations limitées pour utiliser ces équipements, mais Free s'était vu opposer un refus quasi-total, à l'exception des zones entourant les grands stades français.
Cette différence de traitement avait été dénoncée par Thomas Reynaud, le directeur général d'Iliad, comme une « rupture d'égalité » problématique. Pourtant, ce n'est pas sur ce fondement que Free a obtenu gain de cause, mais sur celui de la libre concurrence, que la cour d'appel avait écarté à tort comme inopérant.
La loi de 2019 soumet à autorisation les équipements non-européens sans interdire formellement Huawei, mais l'application qui en a été faite a conduit à des restrictions significatives pour certains opérateurs, ce qui affecte directement leur modèle économique et leurs marges.
L'avenir des équipements Huawei en France reste en suspens malgré cette victoire juridique
Alors quel est le principal enseignement de cette décision ? On comprend ici que la sécurité nationale ne l'emporte pas automatiquement sur les considérations économiques. Le Conseil d'État affirme clairement que l'exercice du pouvoir de police administrative doit également tenir compte de « la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence ».
Cette position équilibrée pourrait avoir des répercussions sur d'autres dossiers, notamment celui de TikTok, qui fut temporairement bloquée en Nouvelle-Calédonie pendant les émeutes de mai 2024, alors que ses concurrents comme Snap ou Instagram étaient restés accessibles.
Le dossier n'est toutefois pas clos. Il a été renvoyé en cour d'appel, et il faudra déterminer si la décision de l'ANSSI (l'agence française cyber) concernant Free tiendra une fois mis en balance les impératifs de sécurité et les règles économiques. La question cruciale sera de savoir si l'autorisation donnée à un opérateur vaudra pour tous.
Cela tombe bien en tout cas, puisque le Parlement examine justement un texte visant à renforcer la résilience de la France face aux cyberattaques, illustrant l'équilibre délicat que les autorités doivent trouver entre protection des intérêts nationaux et respect des principes économiques fondamentaux.