Bouygues

L'opérateur, qui souhaite davantage un renforcement de la technologie précédente, la 4G, et veut attendre l'évolution du dossier Huawei, a vu sa demande de report de l'appel d'offres 5G être rejetée par la plus haute juridiction administrative du pays.

Bouygues Telecom ne cachait clairement plus, ces dernières semaines, sa volonté de décaler les enchères 5G. L'opérateur réclamait un report de quatre à cinq mois de l'appel d'offres de la technologie de cinquième génération, et suspendre ainsi l'arrêté ministériel du 30 décembre 2019 qui régissait l'organisation des fréquences. Face au Conseil d'État, l'opérateur a essuyé un rejet sur le plan juridique, et un revers sur le plan symbolique.

Doutes sur l'utilité de la 5G et rejet de Huawei : trop c'est trop pour Bouygues Telecom

D'abord dans le Figaro, puis dans la foulée devant le Sénat, Martin Bouygues, président-directeur général du groupe éponyme, avait donné son avis sur la procédure d'enchères 5G, affirmant qu'elle n'était "pas une urgence pour la France." Pour le patron du groupe mère de l'opérateur de télécommunications, la 5G "n'aura dans un premier temps que pour seul intérêt de permettre une désaturation très locale des réseaux mobiles 4G lorsqu'ils sont saturés, ce qui est peu le cas encore."

Mais ici, c'est surtout l'épineux dossier Huawei qui a motivé la saisine du Conseil d'État. Au début du mois de juillet, l'opérateur s'est vu refuser l'attribution d'autorisations pour le déploiement et l'utilisation d'équipements 5G Huawei pour une durée de huit ans par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), ce qui, selon Bouygues, aurait des conséquences économiques néfastes pour les opérateurs (SFR est également partenaire de la firme chinoise) sollicitant l'entreprise.

Bouygues Telecom aurait aussi préféré décaler la procédure au début de l'année 2021 alors que finalement, les premières offres commerciales 5G devraient être disponibles à la fin de l'année 2020, et les enchères, elles, doivent reprendre entre le 20 et le 30 septembre prochain. Soit moins de deux mois désormais.

Avoir saisi le Conseil d'État en référé n'a donc pas bousculé l'ordre établi, puisque la plus haute juridiction administrative française a décidé de ne pas suspendre "l'exécution de l'arrêté ministériel du 30 décembre 2019 relatif aux modalités et aux conditions d'attribution d'autorisations d'utilisation de fréquences dans la bande 3.5 GHz."

Le Conseil d'État se déclare incompétent

En réalité, le Conseil d'État n'a pas rendu une décision sur le fond. La juridiction ne peut légalement pas juger ce qu'elle considère comme une mesure préparatoire, à savoir l'arrêté contesté par Bouygues, qui précise les conditions de l'appel d'offres pour l’attribution des fréquences 5G. "La requête tendant à l'annulation de cet arrêté est ainsi irrecevable", affirme le Conseil d'État, qui ne pourra se prononcer sur le fond que lorsque les enchères seront closes.

Orange (Ericsson et Nokia) et Free (Nokia), eux, n'ont pas ce problème, puisqu'ils ont rapidement annoncé qu'ils ne comptaient pas sur Huawei pour équiper leur réseau 5G. SFR et Bouygues Telecom vont en revanche devoir faire preuve d'imagination, d'autant plus que les autorisations délivrées par l'ANSSI pour les équipements Huawei ne sont que d'une durée limitée (entre trois et huit ans) et qu'elles ne sont, surtout, pas renouvelables. Ce qui sous-entend donc que la firme de Shenzhen ne pourra plus équiper les réseaux 5G français à partir de 2028.

Les opérateurs qui aujourd'hui collaborent avec Huawei redoutent et alertent ainsi sur les conséquences économiques de telles décisions, qui entraîneront des dépenses supplémentaires pour des opérateurs comme Bouygues Telecom et SFR, qui seront contraints de remplacer les équipements Huawei par des équipements sans doute européens avant la fin de la décennie.