Après l'annonce du retard pris pour lancer le nouveau Siri, de nombreuses voix s'élèvent pour critiquer la stratégie d'Apple en matière d'intelligence artificielle.

Cela devait être le lancement d'une nouvelle ère pour Apple, mais l'arrivée d'Apple Intelligence a tout d'un chemin de croix. En juin dernier, lors de la WWDC 2024, la marque officialisait Apple Intelligence, sa suite d'outils d'intelligence artificielle. Lancé avec iOS 18.1, l'IA du constructeur touche aujourd'hui des millions d'utilisateurs autour du monde, mais les promesses d'Apple semblent aujourd'hui bien éloignées de la réalité. Apple Intelligence n'est pas au niveau de ses concurrents directs, ni de ce qui avait été présenté lors de la conférence développeurs. La situation est si délicate pour une entreprise du calibre d'Apple que certaines grandes voix bien connues des fans de la marque n'hésitent plus à prendre la plume pour signifier leur déception, voire leur colère.
Le Siri dopé à l'IA annoncé en grandes pompes en juin 2024
Si vous êtes au fait de l'actualité d'Apple, le nom de John Gruber doit vous être familier. Créateur du site Daring Fireball, le bloggeur et podcasteur est connu pour son enthousiasme à l'égard des produits et services d'Apple. Il est rare de voir l'homme tirer à boulets rouges sur le constructeur de Cupertino, c'est pourquoi son dernier article, publié le mercredi 12 mars 2025, attire particulièrement l'attention.
John Gruber revient sur le lancement d'Apple Intelligence, et notamment sur l'annonce faite par Apple la semaine dernière, confirmant le report du nouveau Siri dopé à l'IA pour au mieux iOS 19, dans une mise à jour prévue pour 2026.
Pourtant, cette version de Siri a été présentée en détail lors de la keynote de la WWDC 2024, avec une démonstration complète. La responsable d'Apple démontrait les capacités du nouvel assistant vocal en lui demandant à quelle heure récupérer sa mère à l'aéroport. Cette demande est complexe, car elle implique d'aller récupérer les infos du vol dans un message ou un mail, de vérifier en ligne les données du vol pour anticiper un retard à l'atterrissage, puis de proposer un itinéraire adapté en fonction de l'heure d'arrivée et de la circulation.

Des promesses marketing au lancement de l'iPhone 16 qui ne se sont pas concrétisées
Apple n'avait pas non plus hésité à sortir une publicité mettant en scène Bella Ramsey (connue pour ses rôles dans The Last of Us ou Game of Thrones), demandant à Siri quelle était le nom de la personne croisée dans un restaurant. Là encore, la vidéo souhaitait prouver les nouvelles capacités de l'assistant, capable de croiser les données entre toutes les applications et en local.
Las, ces capacités n'arriveront pas avant au moins un an, et John Gruber n'hésite pas à parler de « vaporware », soit d'écran de fumée. La vidéo de la WWDC était donc imaginée de toutes pièces, et pas la démo d'un service en bêta, mais existant. La publicité avec Bella Ramsey a quant à elle été discrètement supprimée par Apple il y a quelques jours de YouTube. Gruber va encore plus loin dans son coup de sang : « Les vidéos conceptuelles sont des conneries et le signe d’une entreprise en désarroi, voire en crise », poursuit Gruber dans son coup de sang et conclut : « Le fiasco est qu’Apple a lancé une histoire qui n’était pas vraie, une histoire que certaines personnes au sein de l’entreprise ont sûrement compris comme étant fausse, et ils ont établi une stratégie sur cette base ».
À qui la faute ? Apple a visiblement dû rattraper son retard en matière d'intelligence artificielle plus rapidement que prévu, alors qu'OpenAI et son ChatGPT, puis Google avec Gemini, n'ont eu de cesse d'avancer à grandes enjambées sur le sujet. Le constructeur ne pouvait pas rester une année de plus sans réagir face à la montée de l'IA, même si elle savait que son intelligence artificielle ne serait pas prête dans les temps. Pour John Gruber, Tim Cook est le grand responsable de cette débâcle, en ayant autorisé la présentation en grande pompe d'Apple Intelligence. Le bloggeur compare la situation au lancement de Mobile Me l'ancêtre d'iCloud, en 2008. Un échec retentissant pour un service inutilisable, qui a eu comme conséquence le licenciement par le fondateur d'Apple de toute l'équipe responsable.
- Intégration transparente dans l'écosystème Apple
- Respect de la confidentialité des données
- Outils d'écriture puissants
Apple peut faire oublier cet épisode en revenant à ses fondamentaux
Contactée par nos soins, Apple rappelle que « Siri aide nos utilisateurs à trouver ce dont ils ont besoin et à effectuer rapidement de nombreuses tâches. Au cours des six derniers mois seulement, nous avons rendu Siri plus conversationnel, introduit de nouvelles fonctionnalités telles que Écrire à Siri et la possibilité d'obtenir des informations relatives aux produits Apple, et ajouté une intégration avec ChatGPT. Nous avons également travaillé sur un Siri plus personnalisé, davantage sensibilisé à votre contexte personnel, en lui donnant la possibilité d'agir au sein et sur l'ensemble de vos applications. Il nous faudra plus de temps que prévu pour livrer ces fonctionnalités et nous prévoyons de les déployer dans l'année à venir ».
Apple a développé son propre modèle de langage en local, et Private Cloud Compute pour traiter certaines requêtes à distance sur ses serveurs, de manière sécurisée. Un bon point pour la sécurité des données, mais, comme pour le Siri actuel, un boulet aux pieds pour améliorer ses systèmes sans utiliser toutes les informations personnelles à disposition.
Apple peut-elle donc rebondir après ce lancement ? À notre sens, oui. Diverses études montrent que l'intelligence artificielle n'est pas encore un critère déterminant pour changer de smartphone. Si les consommateurs les plus technophiles et avertis pourront (à raison) pointer du doigt les lacunes actuelles d'Apple en matière d'IA, le grand public ne semble (pour le moment) pas vraiment intéressé par ces capacités et les utilisent peu au quotidien. Un nouveau design d'iPhone 17, une meilleure autonomie ou le ravalement de façade prévu avec iOS 19 auront bien plus d'impact médiatique qu'un nouveau Siri, le temps pour la marque de peaufiner ces outils. Les ventes d'iPhone 16 Pro stagnent, mais restent solides, les clients n'ont pas attendu Apple Intelligence pour dégainer leur portefeuille.
L'avantage d'Apple, et ce qui en fait sa force dans l'esprit du grand public, reste l'intégration de ses services à ses produits. Avec Apple Intelligence, la marque semble avoir confondu vitesse et précipitation, plutôt que de rester fidèle à son mantra consistant à arriver plus tard, mais rendre une technologie plus utile dans le quotidien du plus grand nombre. Fini les grands effets d'annonce, Apple ne doit reparler de Siri que lorsqu'il sera prêt. Tout le monde en sortira gagnant.
Source : Daring Fireball
04 février 2025 à 14h11