Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, s'est prononcé contre l'organisation du système de combat aérien du futur européen (SCAF). Il estime que la France a la capacité de développer, seule, son futur avion de combat.

Lors d'une audition à l'Assemblée nationale le mercredi 9 avril 2025, on peut dire qu'Éric Trappier n'a pas mâché ses mots concernant le système de combat aérien du futur (SCAF). Le patron du fleuron français de l'aviation militaire Dassault Aviation a remis en question l'efficacité de la collaboration trilatérale entre la France, l'Espagne et l'Allemagne. Ses déclarations interviennent alors que le projet SCAF est actuellement en phase 1B, celle qui pose les bases d'un démonstrateur pour l'avion qui doit succéder au Rafale.
Dassault Aviation pointe du doigt le modèle européen de coopération
Le PDG de Dassault Aviation a donc dressé un parallèle frappant entre deux projets européens. D'un côté, il évoque le nEUROn, un démonstrateur de drone de combat développé sous la direction de Dassault Aviation, avec cinq autres pays européens. Ce choix n'a pas été fait par hasard, puisque le projet a connu un succès remarquable, avec plus de 170 vols d'essais en dix ans. De l'autre, il évoque le SCAF, un projet trilatéral qui peine à avancer.
« Sur le nEUROn, un contrat avait été passé jusqu'au premier vol. Là, on est par tranche de cake : on a une phase 1A, 1B puis maintenant on va devoir négocier une phase 2. C'est complexe, c'est long. Je ne suis pas sûr que ce soit un modèle d'efficacité », a déclaré le PDG le 9 avril 2025, avec des propos recueillis par Zone Militaire. L'avantage de nEUROn fut que chacun des pays avait contribué en fonction des capacités de ses industriels (Saab, Alenia, EADS-CASA etc.), sans autre critère géographique.
La structure actuelle du SCAF, qui est divisée en « piliers capacitaires », est critiquée par Éric Trappier. Le dirigeant déplore que Dassault Aviation, malgré son expertise démontrée avec le nEUROn, ait dû céder le pilier relatif aux drones à Airbus. Selon lui, cela crée des problèmes d'interfaces entre les différents composants du système. Pour monsieur Trappier, le SCAF devrait être « piloté par un maître d'œuvre global, qui le penserait autour d'un avion », plutôt que segmenté en piliers autonomes difficiles à coordonner.
Le successeur du Rafale, futur avion de combat, doit rester compatible avec la dissuasion nucléaire française
Éric Trappier a soulevé des questions importantes autour de l'autonomie stratégique de la France. Sur la question du chasseur-bombardier de nouvelle génération (NGF), l'un des composants du SCAF, le PDG de Dassault Aviation a insisté sur la nécessité que le NGF puisse mener des missions de dissuasion nucléaire sans dépendre d'autorisations étrangères. Il dit d'ailleurs qu'il doit être « Itar Free », c'est-à-dire être exempt de composants soumis à la réglementation américaine.
On rappelle que le NGF a été confié à Dassault Aviation. Airbus, ou plus particulièrement ses filiales espagnole et allemande, seront des sous-traitants. Les effecteurs connectés et les drones seront assurés par l'avionneur européen. MBDA sera son principal partenaire.
« Si demain on fait le NGF, tel qu'il est aujourd'hui pensé, à trois, je vous garantis que le Rafale ne vous paraîtra pas cher », a prévenu Trappier, qui évoque les coûts potentiellement élevés du projet actuel. Alors, pour éviter le couac de la collaboration, il a rappelé sans ambages que Dassault Aviation possède les compétences nécessaires pour concevoir seul un avion de combat. « De qui j’attends des compétences, à part moi, pour faire un avion de combat ? (….) Les compétences, c’est moi qui les ai », a-t-il martelé.
Questionnant de manière assez subtile l'avenir du projet dans sa forme actuelle, Trappier a cité Bismarck, ancien chancelier du Reich. « Dans un système à trois puissances, il faut être l'une des deux. » Une remarque qui souligne la position délicate de Dassault Aviation face aux filiales allemande et espagnole d'Airbus, dans cette configuration trilatérale où les décisions se prennent à la majorité.
02 avril 2025 à 08h34