Alors que l'adoption des véhicules électriques s'accélère, une réduction brutale des subventions menace ce fragile équilibre. Avec un prix d'achat encore prohibitif, le désengagement financier pourrait freiner l'élan vert de notre mobilité.

Les voitures électriques ont le vent en poupe, mais leur avenir à court terme s'assombrit. L'étude publiée ce jeudi 17 avril par l'UFC-Que Choisir révèle que les Français s'intéressent davantage aux motorisations propres, alors que dans le même temps, l'État réduit drastiquement son soutien financier. En 2025, l'enveloppe dédiée aux aides à l'achat ne représente plus que 700 millions d'euros, contre 1,5 milliard l'année précédente. Un timing pour le moins étonnant, qui pourrait compromettre les ambitions environnementales de la France dans le secteur automobile.
Le mur du prix, un obstacle majeur à l'électrification des véhicules
Difficile de nier l'évidence : l'électrique coûte encore beaucoup plus cher à l'achat. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, puisqu'en 2024, une voiture électrique neuve s'affichait à 42 930 euros en moyenne, quand son équivalent essence ne dépassait pas 27 000 euros. Un différentiel qui dissuade bon nombre de ménages, malgré des coûts d'usage plus avantageux sur le long terme.
Les constructeurs français l'ont bien compris et tentent d'ajuster leurs prix, comme l'a remarqué l'UFC-Que Choisir. La Peugeot e-208, star hexagonale du segment, a récemment vu son tarif baisser, et pas qu'un peu. Mais l'écart reste conséquent et varie selon votre situation fiscale. En 2023, avec les aides maximales, un foyer modeste pouvait parfois l'acquérir moins cher que sa version thermique. Aujourd'hui, le bonus réduit fait grimper la différence jusqu'à 12%, ce qui rend l'équation financière bien moins séduisante.
La situation est encore plus préoccupante pour le marché de l'occasion, pourtant essentiel à la démocratisation de l'électrique. La suppression du bonus de 1 000 euros pour les véhicules électriques d'occasion en 2024 a porté un coup dur à ce segment naissant. En pleine flambée des prix de l'automobile, ce retrait semble particulièrement mal calibré.
Un système d'aides devenu labyrinthique
Avec le recul de l'État, les collectivités locales tentent de colmater les brèches avec leurs propres dispositifs. Résultat, on se retrouve un patchwork d'aides aux critères disparates qui varie d'une région à l'autre. À Paris, Lyon ou Toulouse, les montants et conditions d'éligibilité diffèrent considérablement, créant de facto une inégalité territoriale dans l'accès à la mobilité verte, ce que déplore l'association de consommateurs.
Cette complexité administrative décourage les acheteurs potentiels, déjà confrontés à un parcours d'achat semé d'embûches. Donc comment s'y retrouver entre un bonus national qui diminue, des aides locales fluctuantes et des règles qui changent chaque année ? L'incertitude plane également sur le leasing social, dispositif plébiscité lors de son lancement en janvier 2024 mais suspendu jusqu'à mi-2025.
Plus étonnant encore, le prêt à taux zéro dédié aux véhicules propres, inscrit dans la loi Climat et Résilience depuis 2021, reste lettre morte. Aucune banque n'a encore signé de convention avec l'État pour le mettre en œuvre, ce qui prive les consommateurs d'un outil de financement parfaitement adapté à la structure de coût des voitures électriques (investissement initial élevé, frais d'usage réduits).
Des objectifs ambitieux sans les moyens correspondants
Ces coupes budgétaires s'inscrivent dans un contexte troublant. Car d'un côté, la France affiche des objectifs ambitieux, en voulant passer de 1,2% de véhicules électriques dans le parc automobile actuel à 15% d'ici 2030. De l'autre, elle réduit les moyens nécessaires pour y parvenir. Si l'on se fie aux prévisions, il faudrait que plus de la moitié des ventes de voitures neuves soient électriques dans les prochaines années pour atteindre cette cible.
Ce qui nous inquiète aussi, c'est ce désengagement national coïncide avec un assouplissement des exigences européennes envers les constructeurs automobiles. La Commission a récemment proposé de modifier le calcul des seuils d'émissions de CO₂, permettant aux industriels de lisser leurs efforts jusqu'en 2027 sans risque de pénalités immédiates.
Ce double relâchement envoie un signal assez contradictoire aux consommateurs, à qui l'on demande d'accélérer leur transition écologique tout en réduisant le soutien financier. L'UFC-Que Choisir propose plusieurs pistes pour sortir de cette impasse, notamment une révision du bonus écologique pour favoriser les véhicules légers (moins de 1,9 tonne) et une harmonisation des dispositifs d'aide entre l'État et les collectivités.
Sans un redressement rapide de ces mécanismes de soutien, le virage électrique risque bien de rester un privilège réservé aux ménages les plus aisés – un comble pour une transition qui se voulait inclusive et démocratique.
16 avril 2025 à 13h06