J. Relinger : "La révolution numérique est un axe de proposition de gauche antilibérale"

Ariane Beky
Publié le 01 mars 2007 à 13h33
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En tant que délégué TIC et responsable des sites Internet du parti communiste français (PCF), Jérôme Relinger détaille, sous l'angle numérique, la campagne de Marie-George Buffet, « candidate de la gauche populaire antilibérale » à la Présidentielle 2007.

AB - Jérôme Relinger bonjour. Quels sont les principaux axes du programme de Marie-George Buffet en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC) ?


JR - Marie-George Buffet est la candidate de la gauche populaire antilibérale désignée par les collectifs unitaires à 60% et par les adhérents du PCF à 97%. Cette candidature de très large rassemblement, soutenue par des milliers d'élus, des centaines de milliers de citoyen-ne-s dans tout le pays, et des personnalités du monde entier, se situe aussi dans la continuité de l'engagement du PCF. Premier parti politique à avoir ouvert un site internet (mars 1996), le PCF promeut, utilise et défend l'internet citoyen, les logiciels libres et les formats ouverts depuis plus de dix ans.

Permettez-moi de dire, pour commencer, que cet engagement nous semble peu partagé. L'absence des TIC et du numérique dans les propositions des candidat-e-s ne fait pas exception au manque de débat de fond qui caractérise cette campagne présidentielle. Rien dans les 7 engagements du site de Nicolas Sarkozy ! Il faut dire que la responsabilité UMP-UDF dans les lois anti-logiciels libres et liberticides est écrasante : DADVSI, LSI, LCEN, complaisance avec les brevets logiciels au Parlement européen, RGI (référentiel général d'interopérabilité) peu contraignant, dont les décrets ne sont toujours pas publiés pour ne pas gêner le lancement du nouveau produit de l'éditeur hégémonique, instauration de l'ordre moral avec la récente mise en place de la "Commission nationale de déontologie", non élue, chargée de distribuer les bons et mauvais points aux acteurs de l'Internet à partir de recommandations qu'elle aura elle même édicté...

Et comment oublier l'abandon de toute politique publique du haut débit, ou le retrait des financements de l'Etat en faveur des lieux d'accès publics ? On comprend que le gouvernement UMP-UDF préfère rester discret sur ses propositions TIC. Les quelques propos vagues et lénifiants de François Bayrou sur le logiciel libre, ni précis ni concrets, peuvent-ils d'ailleurs faire oublier l'abstention complice de l'UDF sur le DADVSI, ou le récent revirement de son candidat à propos des brevets logiciels ? ("C'est une question difficile [...] il y a des avantages des deux côtés [...] j'ai suspendu mon jugement sur cette affaire.") Enfin, rien non plus hélas dans les 100 propositions de Ségolène Royal. Des 23 synthèses disponibles sur le site Internet de la candidate socialiste, seule celle concernant le téléchargement a disparu du programme. Le camp pro-DADVSI semble avoir gagné la bataille au PS.

AB - Qu'en est-il pour le PCF ?

JR - Pour notre part, nous faisons de la civilisation de la connaissance et de la révolution numérique un axe fort de proposition de la gauche antilibérale. La révolution informationnelle met au centre de toute chose les connaissances et les savoirs de chacun. Elle bouleverse le partage de l'information en la rendant accessible et abondante. Elle révolutionne les processus de production en mettant au coeur du travail sa composante intellectuelle. Elle bouscule la répartition de la fabrication des richesses en mondialisant les flux de production en réseau. Cette civilisation de la connaissance doit être celle de la mobilisation et de la gestion démocratique de l'intelligence collective, de l'explosion culturelle, du partage des savoirs et des pouvoirs.

Nos principales propositions sont les suivantes : Lutte contre l'analphabétisme numérique avec un plan de formation d'urgence des enseignants et des élèves. La production de contenus pédagogiques libres sera encouragée ; un Pôle public du numérique coordonnera l'aménagement numérique du territoire : très haut débit pour tous et partout, péréquation tarifaire ; des ordinateurs abordables (moins de 500 € TTC avec une TVA à 5,5 %) et indépendants (logiciels libres) permettront d'aller vers un taux d'équipement des ménages de 80% d'ici 2008.

Par ailleurs, une agence de développement du logiciel libre sera créée. L'ensemble des fonctions et des établissements publics fera un usage privilégié des logiciels libres et des formats ouverts et interopérables. J'ajoute que la loi DADVSI sera abrogée et qu'une plate forme publique de téléchargement permettra la mise à disposition de créations librement téléchargeables, ainsi que la rémunération des créateurs par une mise à contribution des profits privés du secteur. Les DRM seront encadrés ; les bien communs informationnels seront universalisés et mis sous licence libre ; un droit d'auteur pour les salariés sera institué. Enfin, la France interviendra sur le plan européen pour une renégociation de l'EUCD (directive européenne sur le copyright) et pour une interdiction durable de la brevetabilité logicielle.

AB - Pouvez-vous préciser le point de vue du PCF sur la brevetabilité du logiciel, l'interopérabilité des dispositifs et la gestion des droits numériques (DRM) ?

JR - Concernant les droits d'auteur, nous pensons que répondre par la "punition" à ceux qui contournent un système obsolète et désavantageux pour tous n'est pas une solution : c'est ce système qu'il faut changer, pour aller vers une universalisation de la culture et des savoirs. La loi sur la réforme du droit d'auteur (DADVSI), discutée à la hâte et dans la confusion, a mécontenté tout le monde : artistes qui continuent, sauf quelques stars, à se partager les miettes laissées par l'industrie du disque, public contraint à payer un prix artificiellement élevé pour des biens culturels artificiellement raréfiés, internautes stigmatisés. Seules les multinationales des loisirs et des logiciels propriétaires ont obtenu gain de cause. Traiter sérieusement la question, passe donc d'abord par une abrogation de la loi DADVSI, de toute façon dépassée en droit (révision de la directive européenne EUCD) et dans les faits (abandon des DRM par les majors). Le statu quo ne peut pas être une solution, pas davantage que l'illusion de la répression.

AB -Si Marie-George Buffet est élue, quel soutien apportera le PCF au pôle de compétitivité "logiciels libres et open source" ?


JR - Comme je l'ai dit, nous proposons de créer une agence de développement du logiciel libre. Celle-ci permettra la coopération et la mutualisation des travaux des communautés de développement, des secteurs privés et des administrations, tout en garantissant un bon reversement des sources. Ce pôle de coopération et d'entraide garantira la place des acteurs publics, la mixité industrielle, le contrôle des fonds publics, le retour des développements au profit notamment de l'administration. Pour en savoir, je vous invite à vous rendre sur le le site de campagne de Marie-George Buffet.

AB - Jérôme Relinger, je vous remercie.
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