Les technologies numériques oubliées au Grenelle de l'environnement ?

Jérôme Bouteiller
Publié le 24 octobre 2007 à 15h00
Cheval de bataille de Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand sans oublier Al Gore, co-détenteur du dernier prix Nobel de la paix, la question du réchauffement climatique commence également à être prise en compte par les hommes politiques.

Un "Grenelle" de l'environnement

Nouveau ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables du gouvernement de François Fillon, Jean-Louis Borloo organise ainsi depuis plus de trois mois des tables rondes destinées à préparer le Grenelle de l'environnement, une manifestation dont l'ambition est de changer la politique écologique de la France de la même manière que les accords de Grenelle de 1968 ont bouleversé sa politique sociale.

Les six groupes de travail organisés par le Ministère ont porté sur des sujets tels que l'énergie, la biodiversité, la santé, les transports ou encore la "démocratie écologique". Mais en dehors de quelques déclarations en faveur des téléconférences au lendemain de l'université d'été de son parti début septembre, d'une rencontre avec des blogueurs la semaine dernière ou d'un tchat dans Second Life de sa secrétaire d'état Nathalie Kosciusko-Morizet, les nouvelles technologies, et plus particulièrement l'internet, ont visiblement été oubliées par Jean-Louis Borloo pour cette manifestation.

"Le gouvernement reste trop centré sur une vision traditionnelle de l'écologie et les acteurs de la modernité économique ont été totalement oubliés." se désole Gilles Berhault, président de l'Association TIC21, dans une tribune publiée dans Internet Actu. Car loin d'être anecdotiques, les nouvelles technologies ont un impact non négligeable sur l'environnement.

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Des terminaux consommateurs d'énergie et potentiellement polluants

Fin septembre, l'institut national de la consommation (INC) s'est ainsi publiquement inquiété de la consommation électrique des box multiservices des opérateurs haut débit, des boitiers allumés en permanence et qui consomment de 143 et 263 kilowattheures (kW/h) sur un an selon les modèles. Selon l'INC, le parc total de ces box consommerait ainsi un total de 1,51 milliard de kW/h par an, soit deux mois et demi de production d'un réacteur nucléaire.

Spécialisé dans les équipements réseau, le groupe américain affirme, quant à lui, respecter "les différentes réglementations comme RoHS (restriction de l'utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques) ou la directive WEEE, en français DEEE (déchets d'équipements électriques et électroniques). "Nous nous sommes engagés sur des initiatives volontaires de réduction de notre impact environnemental en tant qu'entreprise, par exemple, à travers la mise en place de la certification ISO 14001 de nos bâtiments ou la participation à des initiatives de notre industrie comme 'green grid'" indique Oliver Seznec, directeur technique de Cisco France.

Les fabricants d'ordinateurs ou de téléphones mobiles sont également souvent pointés du doigt par les associations écologiques qui leur reprochent le choix de matériaux potentiellement toxiques. Ainsi, après avoir vertement critiqué pour l'utilisation d'arsenic et de mercure dans la fabrication des écrans de ses Ordinateurs Portables, l'association Greenpeace vient à nouveau de menacer d'un procès la firme à la pomme pour la présence de polychlorure de vinyle (PVC), un plastique chloré, et des retardateurs de flamme bromés (RFB) dans son tout nouveau téléphone mobile : le iPhone...

Des fermes de serveurs de plus en plus écolos

Polluants, consommateurs d'énergies, les terminaux et les équipements réseau ne sont toutefois pas les seuls à incriminer. A l'occasion du Data Center Summit qui s'est tenu à Londres fin octobre, Rakesh Kumar, research vice président au Gartner a ainsi estimé que la consommation électrique nécessaire pour alimenter ou refroidir les centres de données représentait près du quart des émissions totales de CO² générées par l'industrie IT, en particulier en Asie ou aux Etats-Unis, des pays où la production d'électricité repose encore majoritairement sur des centrales thermiques.

Une problématique qui n'a en tout cas pas échappé à , l'un des spécialistes des serveurs, qui a lancé en mai dernier son 'Project Big Green', un projet représentant plus d'un milliards de dollars d'investissements. Parmi les premières initiatives, IBM a ainsi décidé de généraliser les "jauges énergétiques" sur ses serveurs afin d'afficher en permanence leur consommation électrique, une consommation que le groupe informatique a d'ailleurs réussi à réduire de 80% dans un centre pilote situé en Californie.

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Mais la lutte contre la consommation des serveurs se situe également leur cœur, au niveau du processeur. Ainsi, après avoir longtemps donné la priorité à la conception de mémoires ou de Processeurs sans plomb, le groupe Intel s'est également engagé dans les problématiques de réduction de la consommation énergétique. Côté consommation électrique, le passage de l'ancienne génération de processeurs à la nouvelle, en juin 2006, aurait permis une réduction de la consommation d'environ 40%. Enfin, l'industriel a lancé ou soutient plusieurs initiatives dans le domaine du recyclage, comme : Students Recycling Used Technology (StRUT), Plug-In to eCycling (recyclage des déchets électroniques), Rethink (sensibilisation des consommateurs). "Au même titre que nos spécialistes en R&D, les ingénieurs EHS d'Intel (Environmental, Health & Safety) sont tournés vers l'avenir et anticipent les risques et opportunités", souligne Stanislas Odinot, responsable de la communication d'Intel France qui estime qu'au-delà de l'altruisme, ces technologies vertes sont désormais une véritable source de compétitivité pour les entreprises.

Les NTIC comme alternatives aux transports ?

Réaliser des gains de productivité en réduisant la pollution ? Cette double promesse est en tout cas également celle d'opérateurs télécoms. Filiale du groupe , la société Jet Multimedia, spécialisée dans l'infogérance, le m-marketing et le CRM, a ainsi observé un changement de comportement de ses clients vis à vis de services comme la web conférence. «Il y a encore quelques années, nous employions l'argument financier pour promouvoir la webconférence, une solution dont le coût d'une centaine d'euro par mois et par utilisateur était amortie dès qu'un participant renonçait à un voyage en train ou en avion. Mais depuis quelques mois, nous observons une prise de conscience des entreprises sur les questions environnementales. » confirme Mélanie INGOUF, Directrice Stratégie de .

Même discours chez France Télécom, qui commercialise sous sa marque Orange Business Services des solutions de visioconférence, de webconférence ou tout simplement de téléconférence audio. Selon France Télécom, plus de 1,45 millions de réunions auraient ainsi eu lieu sur le seul premier semestre ce qui, à raison de 8400 grammes de CO² économisés sur chaque déplacement, aurait permis d'éviter l'émission de 12 500 tonnes de CO². "Nous ne sommes pas LA solution mais UNE des solutions." reconnait Gentiane WEIL, responsable du développement durable chez l'opérateur.

Au niveau global, un récent rapport des WWF a ainsi estimé que près de 22 millions de tonnes de CO² pourraient être économisées chaque année si 20% des voyages d'affaires étaient remplacés par de la visioconférence. Le WWF estime également que 11 millions de tonnes supplémentaires pourraient être économisées si 10 millions de personnes optaient régulièrement pour le travail à domicile.

Selon une étude réalisée par l'éditeur Mitel, le télétravail pourrait en effet avoir un rôle non négligeable dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. « Chaque kilomètre économisé en déplacements évite le dégagement d'environ 310 grammes de CO2 dans l'atmosphère. L'utilisation de nos logiciels unifiés de collaboration et de téléconférence, en lieu et place d'un déplacement réel pour se rendre à une conférence, réduit les coûts de transport et évite le dégagement dans l'atmosphère de 160 g de CO2 par km et par employé. » indique Don Smith, CEO de Mitel, qui estime par ailleurs que près des deux tiers des salariés nord-américains seraient prêts à tester le travail à domicile contre environ 60% pour les salariés français selon une autre étude, réalisée par l'institut ECaTT (Electronic Commerce and Telework Trends).

Les conclusions de Mitel sont toutefois à mettre en perspective avec une autre étude, réalisée par Erasmia Kitou et Arpad Horvath, deux chercheurs de l'Université Berkeley, qui ont calculé que le télétravail pourrait réduire de 90% les émissions de CO² liées aux transports mais qu'elle s'accompagnerait également d'une hausse de sa consommation énergétique domestique, réduisant de manière significative les avantages du télétravail, si cette dernière était produite avec des combustibles fossiles...

D'un forum à un autre

Ainsi, au-delà des pollutions des équipements, de leur consommation énergétique et de leurs émissions de gaz carbonique, estimées par Gartner à 2% des 24 milliards de tonnes de CO² rejetées chaque année dans l'atmosphère, les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont en tout cas en mesure d'imposer de nouveaux comportements vis-à-vis des transports, qui restent encore aujourd'hui les principales sources d'émission de gaz à effet de serre. Une réalité qui ne sera malheureusement qu'effleurée par le Grenelle de l'Environnement mais qui sera par contre au cœur du prochain forum économique international TIC21 organisé les 30 et 31 octobre 2007 à Valenciennes, une ville dont le Maire a longtemps été un certain... Jean-Louis Borloo.

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