Encyclopédie en ligne, libre et collaborative, Wikipedia a été lancée aux Etats-Unis en janvier 2001 par l'entreprenaute Jimmy Wales et le philosophe Larry Sanger. Ce dernier s'est détourné du projet afin de développer une alternative (Citizendium).
Wikipedia combine les termes « encyclopédie » (ouvrage où l'on traite de toutes les connaissances humaines dans un ordre méthodique - Le Petit Robert) et « wiki » (« rapide » en hawaïen). Wiki désigne un type de logiciel permettant aux internautes de modifier librement le contenu de pages web depuis un navigateur. Les wikis proposent une interface textuelle simple pour créer de nouvelles pages.
En mars 2001, l'édition française de Wikipedia a été lancée, suivie de l'édition allemande. Aujourd'hui, Wikipedia est proposée en 253 langues, compte plus de 9 millions d'articles, dont 2 millions en anglais, 670.000 en allemand et 587.000 en français.
Le dynamisme de Wikipedia tient à l'implication d'une large communauté de contributeurs et de lecteurs à travers le monde. Toutefois, malgré une audience record, les critiques sont nombreux, et les moyens encore limités.
Wikipedia précède la création de la Wikimedia Foundation
Née sur les cendres de Nupedia, Wikipedia précède la création, en 2003, de la Wikimedia Foundation. Organisation internationale à but non lucratif de droit américain (501 c3), la fondation soutient le développement et la diffusion de contenus gratuits et multilingues, basés sur des wikis éducatifs et informatifs.
Le 21 octobre 2006, à la suite de Jimmy Wales, devenu président d'honneur de l'organisation, la Française Florence Nibart-Devouard, impliquée dans le projet depuis ses débuts, est élue présidente du conseil d'administration de la Wikimedia Foundation.
« La fondation a un rôle global et encadre une douzaine d'associations locales, en France notamment depuis 2004. La Wikimedia Foundation gère les noms de domaine, marques et logos, tout ce qui concerne la propriété intellectuelle, mais également l'infrastructure technique, les serveurs », indique Florence Nibart-Devouard.
Les projets Wikimedia s'appuient sur plus de 250 serveurs Linux basés aux Etats-Unis, en Floride, aux Pays-Bas, à Amsterdam, et en Corée, à Séoul.
Outre Wikipedia, la fondation soutient les projets suivants : Wiktionary (dictionnaire), Wikiquote (citations), Wikibooks (livres), Wikisource (documents historiques), Wikispecies (encyclopédie scientifique), Wikinews (actualités), Wikiversity (formation en ligne) et Wikimedia Commons (médiathèque en ligne).
Des contenus sous licence libre
« L'accès à nos contenus est gratuit. Proposé sous GFDL (licence de documentation libre GNU), ce contenu peut être lu librement, mais aussi redistribué, modifié ou encore intégré dans d'autres contenus, y compris commerciaux. La licence implique que les versions modifiées des documents soient conservées sous la même licence libre. Mettre un document ou une oeuvre sous licence libre garantit le minimum de restrictions légales à leur usage », souligne Florence Nibart-Devouard.
Wikipedia accessible au-delà du Web
Des versions de l'encyclopédie libre sont disponibles sur CD et sur DVD, ainsi que des séries d'articles destinées à être imprimés (wikireaders), aux Etats-Unis depuis 2003, en Allemagne depuis 2004. Par ailleurs, la société française Linterweb commercialise, depuis le printemps 2007, un DVD contenant une sélection de 2000 articles.
Le projet moulinWiki initié par IESC-Geekcorps-Mali, propose une version initiale en français de Wikipédia (404.903 articles) sur un disque ISO 554 Mbs. Par ailleurs, une version 'offline' de l'encyclopédie est intégrée au PC portable à bas prix proposé à la jeunesse des pays en développement dans le cadre de l'initiative One Laptop per Child (OLPC).
Enfin, l'encyclopédie est accessible sur téléphones mobiles et assistants numériques personnels via des services en ligne proposés par des sociétés tierces. Elle est également proposée dans le cadre de forfaits spécifiques d'opérateurs cellulaires.
Une audience record
Il y a trois ans, Wikipedia comptait parmi les 150 sites web les plus visités au monde. L'encyclopédie libre fait désormais partie du top 10 mondial. En octobre 2007, Wikipedia a attiré plus de 200 millions de visiteurs uniques, dont 9,3 millions en France, d'après comScore.
« Wikipedia enregistre une croissance mensuelle de 24% à 9,3 millions de visiteurs, parmi eux des étudiants. C'est un record encore jamais atteint en France pour ce site. L'encyclopédie en ligne a enregistré une progression similaire lors de la rentrée scolaire l'an dernier, avec une hausse de 29% et 6,6 millions de visiteurs entre août et septembre 2006 », explique Delphine GATIGNOL, responsable du développement chez comScore France.
Pourtant, Wikipedia reste très critiquée.
La crédibilité de Wikipedia mise à mal
L'anonymat de la majorité des contributeurs, l'absence de filtrage des éditeurs en fonction de leurs compétences, le vandalisme pratiqué par certains (dégradation des contenus), la problématique du droit d'auteur, entrainent des critiques concernant la fiabilité des informations diffusées sur Wikipedia. En 2005, Jimmy Wales, co-fondateur de l'encyclopédie libre, a reconnu des problèmes de qualité éditoriale. Fin janvier 2006, la presse révélait des modifications « partisanes » sur des biographies de membres du Congrès des Etats-Unis.
La rançon de la gloire ?
La politique du « anyone can edit » ne tolère pas « le spam et le vandalisme ». Les articles sont modifiables ou non en fonction de leur niveau de protection. Sur la version anglophone de Wikipedia, les anonymes n'ont plus le droit de créer des articles, il est nécessaire d'être identifié. Par ailleurs, tout contenu « illégal » sera supprimé.
« Les critiques les plus virulentes sont formulées depuis la France et les Etats-Unis », indique Florence Nibart-Devouard. La présidente de la Wikimedia Foundation ajoute que le 29 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a débouté trois particuliers de leurs demandes d'indemnité à titre provisionnel, pour atteinte à la vie privée et diffamation sur Wikipedia. En outre, la justice française a estimé que Wikipedia n'a pas à assumer les mêmes responsabilités qu'un éditeur, le site ne fournissant qu'un hébergement technique aux contributions des internautes.
« Nous travaillons beaucoup aux aspects liés à la qualité des contenus proposés sur Wikipedia. Le contributeur doit citer ses sources... Nous souhaitons également favoriser l'utilisation de notre contenu et développer nos projets en Afrique. Notre conférence, fin juillet 2008, se tiendra en Egypte », poursuit Florence Nibart-Devouard.
Enfin, Wikipedia propose ses « réponses aux objections habituelles ». Insuffisant ?
WikiScanner
Le site wikiscanner.virgil.gr, créé par un étudiant américain en informatique, Virgil Griffith, permet d'interroger une base de données. L'internaute pourra déterminer à quels organismes ou entreprises sont susceptibles d'appartenir les adresses IP des ordinateurs depuis lesquels ont été modifiés anonymement des contenus de Wikipedia.
Dans le FAQ WikiScanner, Griffith affirme : « Globalement - notamment pour les sujets non controversés - Wikipédia semble fonctionner. Pour les sujets controversés, Wikipedia peut être rendue plus fiable grâce à des techniques comme WikiScanner ».
Wikipedia vs. Britannica
En décembre 2005, la revue Nature a créé la surprise en déclarant, après enquête, « Wikipedia se rapproche de l'encyclopédie Britannica en terme d'exactitude de ses entrées scientifiques ». Cet article a fait l'objet d'une réponse de la part de Britannica en mars 2006, suivie de la réaction vive de Nature.
Des moyens limités
En février 2007, Florence Nibart-Devouard déclarait : « Nous avons actuellement à notre disposition un peu plus d'un million, peut-être 1,5 million de dollars en banque. Nos dépenses mensuelles se montent aujourd'hui à environ 75.000 dollars. Nous comptions investir 1,6 million de dollars en matériel d'ici le mois de juin, et nous pouvons nous attendre à ce que les coûts de bande passante et d'hébergement suivent. Il nous faut également plus d'aide humaine ».
La présidente confirme aujourd'hui : la Wikimedia Foundation manque de liquidités. Pour le nouvel exercice, de juin 2007 à juin 2008, le budget de fonctionnement est estimé à 4,7 millions de dollars. Or, la fondation dispose de la moitié de cette somme.
Florence Nibart-Devouard souligne, cependant, que les finances de la fondation se concluent, année après année, par un solde positif. « De nombreuses personnes sont prêtes à donner pour un projet auquel elles croient. Nous fonctionnons essentiellement par le biais de dons individuels de 25 dollars en moyenne. D'autres choisissent de fournir un peu de bande passante, d'autres encore des serveurs, ou des impressions gratuites pour nos documents ou simplement donner de leur temps ».
Vers la création d'une société commerciale à la Corp ?
L'indépendance et le caractère communautaire des projets, Wikipedia en particulier, sont privilégiés par la Wikimedia Foundation. Quoi qu'il en soit, celle-ci réfléchit aux moyens qui lui permettraient de récolter davantage de fonds.
La publicité intégrée à l'encyclopédie libre n'est pas souhaitée par la direction. En revanche, la fondation table sur des alliances avec les moteurs de recherche, des services et des royalties sur l'utilisation des marques. La création d'une entité commerciale, parallèle à la Wikimedia Foundation, n'est pas d'actualité, mais pourrait le devenir.
« On pourrait imaginer, comme Mozilla l'a fait, de créer une société commerciale pour soutenir le développement de Wikipedia et de nos autres projets. Dans ce cas, la 'corporation' est un outil au service d'une stratégie, et cette stratégie doit être clairement définie par la fondation et ses associations locales », déclare Florence Nibart-Devouard. Avant de conclure : « Le plus important est de garantir notre indépendance et de disposer de multiples sources de financement ».